AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six novembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY et les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 2001, qui, pour harcèlement sexuel, l'a condamné à 10 000 francs d'amende dont 5 000 francs avec sursis, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré établi à l'encontre de Jean X... le délit de harcèlement sexuel ;
"aux motifs, adoptés, des premiers juges que la matérialité des agissements du prévenu est décrite par la victime de manière précise et circonstanciée dans sa première déclaration ;
qu'en effet, cette dernière indique que Jean X... a eu une attitude sans ambiguïté sur sa personne en posant les mains sur elle, en pratiquant des attouchements répétés et de plus en plus pornographiques ; qu'elle précise qu'à deux reprises, elle s'est rendue au domicile du prévenu, à la demande de ce dernier, cédant ainsi au harcèlement dont il faisait preuve, dans le but de mettre fin aux faits dont elle était victime ; qu'elle expose que, devant l'insistance et les menaces du prévenu, elle a accepté une relation sexuelle avec ce dernier lors de sa seconde visite ; qu'elle précise que, lors de la première visite, elle a quitté les lieux avant que Jean X... ne parvienne à ses fins ; que ses déclarations sont précises et circonstanciées ; qu'elles sont confirmées par les témoignages suivants : celui de Brigitte Y..., institutrice dans la même école dirigée par Jean X..., qui précise que ce dernier lui a également fait des propositions de nature sexuelle, celui de Denis Z..., responsable à la mairie des employés municipaux travaillant dans les écoles de la ville, qui précise que, par le passé, Marie-Line
A... s'était plainte d'être gênée dans son travail par le directeur de l'école, Jean X..., et indique que, deux ans auparavant, la mairie avait eu à traiter un problème de relations entre Jean X... et une autre employée municipale, Mme B..., qui aurait déclaré que, pour rester à l'école dirigée par le prévenu, il fallait accepter certains actes à caractère sexuel, celui de Mme B... qui indique avoir été victime d'un harcèlement moral qui ne serait pas de nature sexuelle, celui de Patrick C..., concierge, qui indique que Mme B... lui aurait dit que pour garder sa place à l'école, "il fallait coucher avec le directeur" ;
"alors que la cour d'appel qui, après avoir ainsi constaté qu'à deux reprises la partie civile, bien que se disant victime d'actes de harcèlement de la part de Jean X..., s'était rendue d'elle-même au domicile de ce dernier, prétend déduire la crédibilité des accusations proférées par Marie-Line A... à l'encontre de Jean X... des déclarations recueillies au cours de l'enquête dont il ressort qu'une enseignante aurait reconnu avoir fait l'objet de propositions de nature sexuelle de la part du directeur de l'école et qu'une employée municipale, après avoir porté des accusations de harcèlement à l'encontre de Jean X... auprès de tiers, tels un responsable de la mairie et le concierge de l'école, aurait déclaré au cours de l'enquête avoir été victime de harcèlement moral qui ne serait pas de nature sexuelle, n'a pas, en l'état de ses énonciations entachées d'insuffisance, établi avec certitude la matérialité du délit reproché à Jean X..., lequel est nécessairement exclu en cas de consentement de la prétendue victime et dont la preuve ne saurait résulter de l'existence, à la supposer avérée, de simples propositions de nature sexuelle faites à une tierce personne" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré établi le harcèlement sexuel reproché à Jean X... ;
"aux motifs qu'il convient de retenir les points suivants :
"- le constat attesté par des témoins du fait que Jean X..., au mépris des règles statutaires, avait confié des tâches valorisantes à la victime ;
"- la volonté soudaine de Jean X... de se débarrasser de Marie-Line A... et de lui confier des travaux moins valorisants que ceux qu'elle effectuait ; qu'il convient de noter que les raisons invoquées par Jean X... pour sanctionner la victime sont totalement futiles ; que, de même, Denis Z..., saisi par Jean X... d'une demande de changement d'affectation de la victime, ne peut donner aucune raison à cette demande et qu'il ne fait nullement état d'une quelconque faute de la
victime ;
"qu'il ressort de ces constatations que Jean X... a bien exercé son autorité pour obtenir une sanction contre la victime, sans autre raison que celle liée au fait qu'elle refusait les faveurs sexuelles qu'il lui proposait ;
"alors que, pour que le délit de harcèlement sexuel soit constitué, il faut, conformément aux dispositions de l'article 222-33 du Code pénal, que les ordres, menaces ou pressions aient été exercés dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, autrement dit avant que celles-ci soient accordées ou refusées, ce que ne caractérisent pas les énonciations susvisées qui, tout au plus, établissent l'existence d'une sanction qui, à supposer qu'elle soit justifiée, aurait été prise par dépit" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, partiellement reprises au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs propres et adoptés exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de harcèlement sexuel dont elle a déclaré le prévenu coupable et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;