AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze novembre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 6 décembre 2001, qui, pour recel de vols et complicité d'escroqueries, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 50 000 francs d'amende, 5 ans d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle d'exploitant d'un débit de boissons ou d'un établissement de nuit, 5 ans d'interdiction des droits civils, civiques et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 121-6, 121-7, 313-1, 313-7, 321-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré André X... coupable de recel de vol de cartes de crédit et de complicité d'escroquerie au préjudice d'American Express et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs que "jusqu'au 23 décembre 1995, un grand soin avait été manifestement pris de ne passer avec ces deux cartes aucune transaction excédant le seuil d'autorisation de 1 400 francs imposé au "Malesherbes" par le groupe Amex, quitte à procéder à cette fin à des fractionnements de factures, fractionnements dont la réalité en l'espèce est évidente et qui ne pouvaient se faire qu'avec la complicité du commerçant" ;
Que "pour la période postérieure, les nombreux dépassements du seuil d'autorisation ont permis notamment aux deux serveuses et donc nécessairement à André X... qui était responsable des encaissements de constater que les cartes utilisées par Y... et Z... étaient parfois rejetées par le TPE comme étant frappées d'opposition, ce qui nécessitait des tentatives de forçage de l'autorisation (selon une procédure dont André X... ne conteste plus devant la Cour la réalité, bien qu'il ait soutenu au cours de toute l'information qu'elle n'existait pas et n'avait aucune utilité) ;
Que "dans ces conditions, la Cour ne peut que considérer, ainsi que l'ont clairement déclaré tant Serge Z... que Giani Y..., que ces derniers avaient bien avec André X... des liens très priviligiés leur permettant d'utiliser dans l'établissement des cartes de crédit volées portant des noms divers, sans qu'aucune question gênante ne leur soit posée et avec la complicité active du responsable de l'établissement qui mettait à l'évidence tout en oeuvre pour leur faciliter cette utilisation frauduleuse au préjudice d'American Express" ;
Que "il est par ailleurs à noter que certaines facturettes établies par le TPE avec ces cartes avaient été émises bien au-delà de l'heure de la fermeture du bar, ce qui implique que les détenteurs de ces cartes sont restés dans l'établissement avec André X... bien après cette fermeture, soit que ces cartes avaient été confiées audit André X... par Giani ou Serge aux fins d'utilisation en leur absence, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, accrédite pleinement l'idée selon laquelle ces clients avaient dans cet établissement un statut très particulier, quoi qu'en dise André X..." ;
Qu' "enfin doit être rejetée l'argumentation du prévenu sur sa prétendue ignorance du mode de fonctionnement tant des cartes Amex que du TPE, l'expérience professionnelle de l'intéressé en matière commerciale et notamment dans la tenue d'hôtels ou d'établissement de nuit démontrant au contraire qu'il en avait une parfaite maîtrise, ce qui est confirmé en tant que de besoin par les serveuses de son établissement qui déclarent lui avoir laissé le soin soit de leur indiquer la procédure de forçage d'autorisation à suivre en cas de carte bloquée, soit de prendre lui-même en charge le passage des transactions en pareille hypothèse" ;
Qu' "il résulte donc des pièces de la procédure et des débats, qu'André X... avait parfaitement conscience de ce que les cartes American Express, aux noms de A... et B... que lui remettaient Z... et Y... pour le payer, étaient des cartes volées" ;
"Que le délit de recel de ces cartes qui lui est reproché est donc constitué" ;
"Qu'en ce qui concerne le délit de complicité d'escroqueries également visé à la prévention, il y a lieu de relever que :
- il savait que les cartes utilisées étaient volées et que les paiements des transactions n'étaient en conséquence pas dus par Amex,
- il a participé activement aux manoeuvres frauduleuses en transmettant à Amex les données relatives à ces demandes de paiement, soit automatiquement grâce au TPE, soit manuellement en cas d'utilisation du "sabot",
- la majorité des transactions qu'il a passées à l'aide de ces cartes était d'un montant unitaire inférieur au seuil d'autorisation, en dessous duquel son contrat le garantissait d'être payé par cet organisme, bien que les cartes en cause aient été volées,
- pour les transactions excédant ce seuil d'autorisation, André X... en a demandé et obtenu, en connaissance de cause, le paiement par la société Amex qui n'en était pourtant pas débitrice, peu important ici que cette société ait conservé la possibilité de réclamer a posteriori le remboursement dans le cas de forçage de l'autorisation ou d'utilisation du "sabot" manuel sans autorisation" ;
Que "ne saurait l'exonérer de cette responsabilité pénale le fait que le système informatique du groupe Amex n'ait pas rejeté les transactions ainsi passées, dans la mesure où André X... avait en l'espèce une parfaite connaissance de l'origine frauduleuse des cartes et du caractère non moins frauduleux de tous les paiements effectués grâce à elles par leurs détenteurs" ;
"alors que tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;
Que la cour d'appel a retenu André X... dans les liens de la prévention en constatant qu'il savait que les cartes American Express étaient volées ; qu'elle déduit une telle connaissance de témoignages attestant que les cartes étaient parfois rejetées par le TPE comme étant frappées d'opposition, ce qui nécessitait une tentative de forçage de l'autorisation du seuil de paiement avec une carte bancaire ; qu'ainsi elle ne constate que des oppositions au dépassement du seuil d'utilisation des cartes et non des oppositions à l'utilisation des cartes de paiement, qui seules auraient été susceptibles d'établir la connaissance de l'origine des cartes de paiement par André X... ;
qu'à tout le moins, un forçage de l'autorisation de dépassement du seuil d'utilisation d'une carte de crédit n'établit pas un forçage d'une carte frappée d'opposition parce que volée, ce qui est impossible selon les documents même d'Amex comme le soutenait André X... dans ses conclusions ; qu'il en résulte que la référence à un forçage de l'autorisation de dépassement du seuil d'utilisation à l'occasion d'une opposition ne permet pas de déterminer si la cour d'appel constate effectivement un forçage du refus d'utilisation d'une carte frappée d'opposition parce que volée ;
Que, par conséquent, par les motifs reproduits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-7 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré André X... coupable de recel de vol de cartes de crédit et de complicité d'escroquerie et a ordonné notamment l'interdiction d'exercer l'activité d'exploitant d'un débit de boisson ou d'un établissement de nuit ;
"alors que l'article 313-7 du Code pénal permet de prononcer à titre de peine complémentaire l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, pour une durée de cinq ans au plus ; qu'en prononçant l'interdiction d'exploiter un établissement de nuit, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de cette disposition, la notion d'établissement de nuit étant trop vague pour correspondre à l'activité professionnelle dans l'exercice de laquelle André X... aurait commis l'infraction" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les délits dont André X... a été reconnu coupable ont été commis à l'occasion de l'exercice par celui-ci de son activité professionnelle d'exploitant d'un établissement, ouvert au public la nuit et servant des boissons à consommer sur place ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;