AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... que sur le pourvoi incident relevé par Mme Y... ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 21 septembre 1999), que postérieurement à la mise en liquidation judiciaire, le 23 mai 1996, de la société S3M (la société), Mme Z..., liquidateur, a demandé la condamnation au paiement des dettes sociales de Mme Y..., gérante de droit ainsi que de M. X..., M. A... et Mme A..., en leur qualité de dirigeants de fait ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné solidairement avec Mme Y..., M. A... et Mme A... à supporter les dettes sociales à concurrence de la somme de 2 000 000 francs et à payer cette somme entre les mains du liquidateur, alors, selon le moyen :
1 / que viole les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel qui reconnaît l'autorité de la chose jugée aux motifs d'une décision ; qu'en estimant que M. X... ne pouvait contester sa qualité de gérant de fait de la société dans le cadre de l'action en comblement de passif dirigée contre lui dès lors qu'il n'avait pas interjeté appel du jugement de sanction personnelle le concernant, décision qui relevait qu'il reconnaissait avoir été l'animateur de fait de l'entreprise, la cour d'appel a méconnu la portée de l'autorité de la chose jugée par la décision de sanction personnelle et a, ce faisant, violé les textes précités ;
2 / que le dirigeant de fait est celui qui exerce une activité positive de direction ou de gestion en toute indépendance, ce qui exclut les simples suggestions ou recommandations ; qu'en estimant que la qualité de dirigeant de fait de M. X... était établie par le fait qu'il avait comparu lors de l'ouverture de la procédure collective et qu'il avait correspondu avec le mandataire liquidateur, sans caractériser de sa part l'existence d'une activité positive de direction ou de gestion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'en retenant que le jugement prononçant une sanction personnelle contre M. X... relevait que celui-ci avait reconnu avoir été l'animateur de fait de l'entreprise et que la qualité de dirigeant de fait de celui-ci était corroborée par sa comparution devant le tribunal lors de l'ouverture de la procédure collective ainsi que par une lettre adressée au liquidateur selon laquelle il avait reconstitué la société après qu'une autre société S3M ait été mise en liquidation judiciaire, la cour d'appel, qui a analysé les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a, sans méconnaître la portée de l'autorité de la chose jugée, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que Mme Y... reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à supporter solidairement avec M. X..., M. A... et Mme A..., gérants de fait, à concurrence de la somme de 2 000 000 francs, les dettes de la société, alors, selon le moyen, que le gérant de droit d'une société mise en redressement ou en liquidation judiciaires ne peut être condamné à supporter les dettes de la personne morale que s'il a commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en condamnant Mme Y..., gérante de droit n'ayant en fait jamais exercé ses fonctions, assurées par M. A..., Mme A... et M. X... reconnus dirigeants de fait, au seul motif qu'elle n'aurait pas tenu une comptabilité régulière et aurait poursuivi une exploitation déficitaire, la cour d'appel, qui n'a ainsi ni caractérisé les fautes de gestion commises par Mme Y... ni constaté en quoi elles auraient contribué à l'insuffisance d'actif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'en relevant que Mme Y... avait poursuivi une exploitation déficitaire tandis que la société se trouvait en état de cessation des paiements depuis le 10 octobre 1995 et que cette faute avait contribué à la création du passif puisque celui né après la date de cessation des paiements dépassait 4 700 000 francs, la cour d'appel a caractérisé la faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif commise par la gérante de droit, qui ne peut être exonérée au motif qu'elle n'a pas exercé ses fonctions ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille trois.