AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant exactement retenu que le bail de 1962 avait été conclu par un propriétaire et que dès lors l'article 22 de la loi du 13 juillet 1965 qui visait une exception concernant la survie de la règle ancienne de l'inopposabilité au nu-propriétaire de baux ruraux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi de 1965 par des usufruitiers ne concernait pas ce bail régulier mais qu'en revanche, le renouvellement en 1970 du bail initial constituait un nouveau bail conclu par un usufruitier seul et tombait de ce fait sous l'emprise de la loi du 13 juillet 1965 qui avait modifié l'article 595 du Code civil, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la règle ancienne ne s'appliquait pas au bail conclu en 1970 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 8 février 2001), que M. Henri X... a consenti un bail à ferme, par acte du 10 février 1962 aux époux Y... ; qu'il a, avec son épouse, se réservant l'usufruit, fait donation de la nue-propriété, le 1er décembre 1962, à son fils Robert, depuis décédé, et aux droits duquel viennent les consorts X... ; qu'il a accordé le renouvellement de ce bail le 4 septembre 1970, ce bail s'étant poursuivi par tacite reconduction ; que par ailleurs, après le décès de M. Henri X..., sa veuve, Mme Nelly X..., usufruitière, a consenti le 20 mai 1976 un second bail aux époux Y... portant sur d'autres parcelles ; que les époux Y... ont demandé l'autorisation de céder les deux baux à leur fils Bernard ;
Attendu, que les consorts X... font grief à l'arrêt de dire que le bail du 20 mai 1976 est nul, alors, selon le moyen, que l'usufruit s'éteint par la mort naturelle de l'usufruitier et par la réunion sur la même tête des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire ; qu'en l'espèce, les consorts X... qui, selon l'arrêt, avaient reçu la terre, objet du bail du 20 mai 1976 en propriété par la donation faite par leur père le 1er décembre 1962, ont retrouvé la pleine propriété de la parcelle en cause, au décès de l'usufruitier le 13 mai 1980 ; de sorte qu'à la date de leur demande en nullité du bail, l'action était prescrite ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, sans même s'expliquer sur les conditions dans lesquelles l'usufruit de la parcelle en cause se serait transmis au décès de Nelly X... à son fils Robert qui n'était pas nu-propriétaire, la cour d'appel a violé les articles 595, alinéa 4, et 617 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que ce n'était qu'à la mort de leur père en juin 1995 que les consorts X... étaient devenus propriétaires des terres en litige et avaient pu connaître les baux passés et qu'aucun document n'établissait que les loyers avaient été payés aux enfants de M. Robert X... après la mort de leur père, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en nullité introduite moins de cinq ans après qu'ils aient eu connaissance de l'existence de ces baux n'était donc pas préscrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article L. 411-35 du Code rural ;
Attendu que toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ; qu'à défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire ;
Attendu que pour rejeter la demande de cession du bail, l'arrêt retient que si le jour où le tribunal a statué, soit le 20 juillet 1999, l'autorisation n'était pas périmée, elle l'était au jour où la cour statuait, M. Bernard Y... n'ayant pas sollicité de l'administration le renouvellement de son autorisation et que celle-ci se trouve périmée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la situation administrative du cessionnaire doit s'apprécier à la date de la cession projetée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux Z... de leur demande d'autorisation de cession du bail du 4 septembre 1970, l'arrêt rendu le 8 février 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne, ensemble, MM. André et Henri X..., Mme A... et Mme B... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de MM. André et Henri X..., de Mme A... et de Mme B... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille trois.