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25/02/2003 | FRANCE | N°02-82293

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 février 2003, 02-82293


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, et de Me BROUCHOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 8 mars 2002, qui a confirmé le jugemen

t du tribunal de grande instance de PARIS qui, pour entrave au fonctionnement régulier d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq février deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, et de Me BROUCHOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 8 mars 2002, qui a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de PARIS qui, pour entrave au fonctionnement régulier du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, l'a condamné à 25 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué qu'après avoir saisi le tribunal d'instance d'une contestation de la désignation des membres du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ( CHSCT), Jacques X..., directeur général de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, a reporté la date de sa réunion dans l'attente de la décision à intervenir, puis, devant recueillir l'avis obligatoire du CHSCT sur le plan de retrait d'amiante d'un bâtiment, a convoqué les délégués du personnel aux lieu et place des membres élus du CHSCT ;

qu'à la suite de ces faits constatés par l'inspecteur du travail, Jacques X... a été cité devant le tribunal correctionnel du chef d'entrave à la constitution et au fonctionnement du CHSCT, délit prévu et réprimé par l'article L. 263-2-2 du Code du travail ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de L. 263-2-2 du Code du travail, 132-2 du Code pénal, 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 551, 565, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation et déclaré Jacques X... coupable des faits d'entrave au fonctionnement du Comité d'hygiène et de sécurité ;

"aux motifs que la poursuite se présente effectivement sous la forme de deux préventions distinctes, l'une relative à la constitution, l'autre au fonctionnement du Comité ;

que, cependant, l'article L. 263-2-2 du Code du travail retient en un article unique, les atteintes portées à la constitution, à la libre désignation de ses membres et au fonctionnement régulier du CHSCT et qu'il décrit ainsi les diverses hypothèses d'entraves punissables ;

qu'il ne s'agit pas d'infractions distinctes, mais des facettes d'une même infraction et que, dès lors, les observations relatives au cumul et au concours d'infractions formulées par la défense ne sont pas pertinentes ;

que Jacques X... avait une parfaite connaissance des faits qui lui étaient reprochés ; que la citation les lui rappelait et que les incidents qui avaient précédé la poursuite et notamment le courrier de l'inspecteur du travail et l'indication par celui-ci à l'issue de la réunion du 3 mars 2000, qu'il allait dresser procès-verbal pour entrave les éclairait ;

que le prévenu était en conséquence en mesure d'organiser sa défense ce qu'il n'a pas manqué de faire ; que les insuffisances qu'il dénonce ne lui ont pas fait grief au sens de l'article 565 du Code de procédure pénale ;

qu'elles n'ont pas eu non plus pour effet de violer son droit à un procès équitable au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"1 - alors que, statuant sur l'action publique, l'arrêt attaqué, estime au vu des deux chefs de prévention visés par la citation que "le délit d'entrave à la constitution du CHSCT" n'est pas constitué faute d'élément légal ; que le délit d'entrave au fonctionnement du CHSCT est en revanche constitué en tous ses éléments (arrêt attaqué p.10) ;

qu'il résulte de cette motivation qu'il existait donc bien en l'espèce deux infractions distinctes ;

que l'arrêt écarte néanmoins pour absence de pertinence, l'exception de nullité de la citation fondée sur un concours de qualifications incompatible, au motif que les faits visés par la citation constituaient en réalité non pas des infractions distinctes mais les différentes facettes d'une seule et même infraction (arrêt attaqué P. 9) ;

qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas justifié le rejet de l'exception de nullité de la citation et a violé les textes visés au moyen ;

"2 - alors que la nullité de la citation peut être prononcée dès lors qu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne ;

que tel est le cas lorsque les termes de la citation ne donnent pas au prévenu une connaissance précise des faits visés par la prévention lui permettant de préparer efficacement sa défense ;

qu'en l'espèce, Jacques X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la citation le mettait dans l'impossibilité de connaître la teneur exacte des faits reprochés ;

qu'en effet, elle visait une période de temps

- 14 janvier 2000 à mars 2000 - sans indiquer précisément le fait poursuivi, ni la date de sa survenance ; que le comportement imputé au prévenu était à l'origine de deux infractions dont les qualifications étaient incompatibles (atteinte à la constitution du Comité d'une part, atteinte à son fonctionnement d'autre part) ; que la citation ne pouvait à cet égard être explicitée par le procès-verbal de l'inspecteur du travail non porté à la connaissance de Jacques X..., ni annexé à la citation et qui était de plus uniquement fondé sur l'atteinte au fonctionnement du CHSCT ;

qu'en se bornant à affirmer que les "insuffisances" de la citation dénoncées par le prévenu ne lui ont pas fait grief (arrêt p. 9) sans préciser en quoi consistait ces insuffisances dont il reconnaissait lui-même l'existence, l'arrêt attaqué n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la citation régulièrement proposée par le prévenu, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, relève que la citation rédigée en termes clairs énonce la prévention et indique le texte de répression ; qu'elle retient que Jacques X... avait une parfaite connaissance des faits qui lui étaient reprochés et qu'il a été en mesure de préparer sa défense ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, contrairement à ce qui est soutenu, le prévenu n'était poursuivi que pour une seule infraction, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen, pris de la violation des articles L. 236-1, L. 236-2, L. 263-2-2 du Code du travail, 111-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable du délit d'entrave au fonctionnement du CHSCT et l'a condamné à une amende délictuelle de 25 000 francs ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts aux parties civiles ;

"aux motifs qu'après avoir vainement négocié avec les organisations syndicales la réduction du nombre de membres du CHSCT de la CRAMIF, fixé à 21 par un usage de 1985, Jacques X... a décidé de le réduire au nombre légal de 9 ; qu'il a dans ce but convoqué le collège électoral à l'occasion du renouvellement "bi-annuel" ;

que la violation d'un usage ne peut entrer dans la catégorie des agissements sanctionnés par l'article L. 153-1 du Code du travail ;

qu'il ne peut en conséquence être reproché au prévenu d'avoir commis le délit d'entrave à la constitution du CHSCT même si, le grand collège ayant passé outre et ayant désigné 21 membres, Jacques X... n'a pas obtenu gain de cause dans son action en annulation de l'élection devant le tribunal ;

que le prévenu ayant saisi le juge d'instance d'un recours en annulation des élections au CHSCT a estimé dans l'attente du résultat de ce recours, qu'il n'y avait plus de comité ;

qu'il en a tiré les conséquences :

- en annulant une réunion déjà prévue pour le 21 janvier 1999 (lire 2000) ;

- en convoquant pour une réunion le 3 mars 1999 (lire 2000) les délégués du personnel aux lieu et place des membres élus du Comité pour débattre du sujet urgent d'un plan de retrait d'amiante ;

que le prévenu soutient avoir ainsi rempli ses obligations ;

cependant, l'article L. 236-1 du Code du travail ne prévoit le recours à la réunion des délégués du personnel dans les établissements de 50 salariés et plus qu'à défaut de CHSCT ;

que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il existait dans l'entreprise un comité et que seule une contestation sur sa composition suscitait des difficultés pour son fonctionnement ;

que Jacques X... ne pouvait ainsi recourir à la réunion des délégués du personnel pour procéder à une consultation urgente qu'il se refusait à soumettre à l'organe normalement compétent ;

que le prévenu a, en fait, bloqué le fonctionnement du comité jusqu'à la décision du juge d'instance rendue le 20 avril 2000 l'empêchant de se réunir en annulant la convocation déjà lancée ;

qu'il est indifférent que le CHSCT ait été en définitive consulté au mois de juin 2000 sur le projet de travaux de sécurité amiante dans ses bâtiments et que ceux-ci aient été effectivement réalisés avec son accord au mois de septembre 2000 ;

que Jacques X... ne peut arguer de sa bonne foi alors que la difficulté qui l'opposait au CHSCT était parfaitement connue, qu'il disposait d'un service juridique pour l'éclairer, que les organisations syndicales l'avaient mise en garde et que l'inspecteur du travail lui avait fait connaître clairement l'analyse juridique de l'administration sur la question soulevée et les développements pénaux que pouvaient impliquer le maintien de sa position d'obstruction et lui avait demandé expressément de continuer à faire fonctionner le CHSCT élu jusqu'au résultat de l'instance en cours ;

que le délit d'entrave prévu et puni par les articles L. 236-2 et L. 263-2-2 alinéa 1 du Code du travail est en conséquence constitué en tous ses éléments ;

"1- alors que, pour écarter l'exception de nullité de citation, l'arrêt attaqué a retenu que l'atteinte portée à la constitution du CHSCT d'une part, à son fonctionnement d'autre part, constituaient les facettes d'une même infraction ;

que néanmoins, statuant sur l'action publique, la cour d'appel estime que l'élément légal faisait défaut pour le délit d'entrave à la constitution du CHSCT mais que l'infraction fiait en revanche constituée en tous ses éléments s'agissant de l'atteinte portée au fonctionnement de l'institution ;

que, dès lors, il est impossible en l'état des motifs contradictoires de l'arrêt, de déterminer si le comportement de Jacques X... était constitutif d'une infraction unique ou d'une pluralité d'infractions distinctes dont les éléments constitutifs étaient eux-mêmes différents ; qu'ainsi la condamnation prononcée par la cour d'appel pour délit d'entrave au fonctionnement de l'institution est dénuée de fondement ;

"2 - alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que :

- Jacques X... avait pu, sans commettre le délit d'entrave à la constitution du CHSCT, décider lors du renouvellement de cette institution, d'abandonner l'usage antérieur de désigner 21 membres et revenir au nombre légal de 9 membres ;

- que, par ailleurs, la contestation engagée au sujet de la constitution du Comité "suscitait des difficultés pour son fonctionnement" (arrêt p .10) ;

qu'il s'ensuit que Jacques X... était fondé à considérer que le Comité désigné selon la composition unilatéralement arrêtée par le Grand collège le 14 janvier 2000 ne pouvait fonctionner en l'état, jusqu'au prononcé de la décision du juge d'instance saisi de la contestation ;

qu'en estimant que le prévenu aurait irrégulièrement bloqué le fonctionnement du Comité en l'attente du résultat du recours en annulation engagé devant le juge d'instance, quand il résulte de ses propres constatations que le différend portant sur la composition de la délégation des membres du CHSCT était de nature à avoir une incidence sur le fonctionnement même de l'institution, l'arrêt n'a pas déduit les conséquences de ses propres constatations et a, là encore, violé les textes visés au moyen ;

"3 - alors qu'en l'espèce, le seul fait d'avoir, en l'attente de la décision du juge d'instance, reporté la consultation du CHSCT, ne pouvait constituer le délit d'entrave au fonctionnement du Comité dès lors que cette instance avait été réunie et consultée sur le projet de retrait d'amiante de l'immeuble Flandre, une fois rendue la décision du tribunal d'instance et que le démarrage des travaux n'avait été entrepris qu'au mois de septembre 2000, soit postérieurement à la consultation à l'approbation du Comité ;

qu'ainsi, l'élément matériel du délit d'atteinte au fonctionnement du CHSCT pour défaut de réunion et de consultation lors de l'examen du plan de retrait d'amiante de l'immeuble Flandre 8 étage, faisait défaut ;

qu'en décidant le contraire, l'arrêt a violé les textes susvisés ;

"4 - alors que l'intention de commettre le délit d'entrave n'est caractérisée que si le prévenu a entendu passer outre à l'obligation lui incombant de réunir et consulter le CHSCT durant la période visée par la prévention ;

que tel n'ait nullement le cas en l'espèce où Jacques X..., après avoir vainement tenté de solliciter l'avis des délégués du personnel sur le projet de retrait d'amiante, a décidé de différer l'étude de ce projet jusqu'au prononcé de la décision du juge d'instance relative à la composition du CHSCT, puis a procédé à la consultation de ce Comité aussitôt que la décision du juge d'instance a été rendue ;

qu'ainsi, l'arrêt n'a pas davantage caractérisé l'élément intentionnel du délit" ;

Attendu que le moyen revient à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, dont ils ont déduit qu'en empêchant délibérément le fonctionnement du CHSCT pendant plus de trois mois dans l'attente de la décision à intervenir sur sa contestation de l'élection des membres du comité, le prévenu avait commis le délit reproché ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Jacques X... à payer à chacune des parties civiles, le CHSCT de la CRAMIF, le Syndicat CGT-employés et l'UFICT-CGT de la CRAMIF la somme de 500 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot, Valat, Mme Menotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82293
Date de la décision : 25/02/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Délit d'entrave - Eléments constitutifs - Défaut de consultation - Applications diverses.

Commet le délit d'entrave prévu et réprimé par l'article L. 263-2-2 du Code du travail l'employeur qui, ayant formé un recours en annulation de l'élection des membres au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail se refuse délibérément à réunir le comité nouvellement élu dans l'attente de la décision à intervenir sur sa contestation (1).


Références :

Code du travail L263-2-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 mars 2002

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre sociale, 1991-03-12, Pourvoi n° N 90-60.493, Non publié, Diffusé Legifrance.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 fév. 2003, pourvoi n°02-82293, Bull. crim. criminel 2003 N° 53 p. 192
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 53 p. 192

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: Mme Mazars.
Avocat(s) : la SCP Gatineau, M. Brouchot.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82293
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