AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et sixième branches :
Vu l'article 873, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 33 et 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenus les articles L. 441-6 et L. 442-6 du Code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Interbrew France distribue en France des bières ; que la société France boissons exerce la même activité ; qu'en 1999, ces deux sociétés ont signé un contrat de partenariat d'une durée d'un an ; que se prévalant du défaut de paiement par sa cocontractante de factures afférentes à l'exécution de ce contrat, la société France boissons l'a attraite devant le juge des référés aux fins d'obtenir une provision ;
Attendu que pour condamner la société Interbrew France à payer à la société France boissons une provision de 14 472 000 francs, l'arrêt retient qu'en vertu de l'article 1134 du Code civil, les parties sont tenues d'exécuter de bonne foi les conventions qu'elles ont signées, que si la juridiction des référés peut suspendre provisoirement les effets d'un contrat, c'est à la condition que les circonstances de sa conclusion rendent sérieusement contestable sa validité, que le contrat de partenariat conclu pour l'année 1999, seul en cause dans la procédure de référé, prévoit que la société France boissons s'engage à distribuer auprès de ses adhérents certains volumes de bières produites par la société Interbrew France et à respecter une série d'obligations détaillées par le contrat avec en contrepartie une rémunération dont les modalités de fixation et de paiement sont précisées, que la pertinence de la contestation par la société Interbrew France de la validité de cette convention et de la liberté de son consentement n'apparaît pas suffisamment évidente pour faire échec à la force obligatoire du contrat, dès lors que la société Interbrew France occupe une place particulièrement importante sur le marché de la production de bière, qu'elle a au moins "mis en forme" le contrat litigieux et a accepté de le signer malgré l'inconsistance prétendue des engagements souscrits par la société France boissons ou la contrariété à l'ordre public économique dudit contrat, qu'elle n'a nullement engagé, avant la procédure de référé, l'une des actions prévues par l'article L. 442-6 du Code de commerce pour obtenir la sanction des pratiques discriminatoires alléguées ou la réparation du préjudice subi ;
Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, qui ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de paiement de la société Interbrew France au regard des moyens de nullité des clauses contractuelles tirées notamment du non-respect des dispositions des articles 33 et 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicable à l'époque des faits, invoqués par elle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société France boissons aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société France boissons à payer à la société Interbrew France la somme de 1 800 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille trois.