AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Douai, 31 mai 2001), que le remorqueur Rable de la société Les Abeilles a pris en remorque le chalutier Moussaillon de l'armement Pêche Europe (la société Pêche Europe) depuis un bassin du port de Boulogne-sur-Mer jusqu'à l'entrée d'un chantier exploité par la Chambre de commerce et d'Industrie de Boulogne-sur-Mer (la CCI) et qu'à la suite d'un choc avec le chalutier, une passerelle du chantier a été endommagée ; qu'assigné en indemnisation par la CCI, la société Pêche Europe a recherché la responsabilité de la société Les Abeilles qui a elle-même appelé en garantie la société Pêche Europe et que de son côté la CCI a appelé en intervention forcée la société Navigation et Transport, assureur du chantier ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que la société Pêche Europe reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la CCI la somme de 699 910,29 francs, pour son préjudice matériel et celle de 200 000 francs pour son préjudice économique alors selon le moyen :
1 ) - que les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 janvier 1969 ne s'appliquent pas aux opérations par lesquelles un navire, dépourvu d'équipage et de capitaine, devenu objet inerte, est tracté par un autre navire ; que la société "Pêche Europe" avait souligné, ainsi que l'avaient déjà relevé les premiers juges, que, suivant une pratique courante dans le port de Boulogne-sur-Mer, le chalutier "Moussaillon", en arrêt technique et privé d'équipage et de capitaine, était déplacé, comme un objet inerte, par le navire "Rable" dont le capitaine avait l'entière maîtrise des opérations ; qu'en écartant ce moyen aux motifs que l'opération par laquelle un remorqueur dirige un navire privé de force motrice et d'équipage constitue une opération de remorquage soumise à l'article 26 précité, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
2 ) - qu'en toute hypothèse, les dispositions des articles 26 à 29 de la loi du 3 janvier 1969 ne s'appliquent que dans les rapports entre les parties au contrat de remorquage ; qu'en appliquant l'article 26 de la loi du 3 janvier 1969 pour déterminer qui du navire "Rable" appartenant à la société "Les Abeilles", ou du chalutier "Moussaillon", de l'armement de la société "Pêche Europe" était responsable des dommages causés, lors des opérations que l'arrêt qualifie de remorquage, aux installations de la CCI, tiers au contrat ainsi qualifié de remorquage, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
3 ) - qu'en toute hypothèse, la responsabilité des dommages causés à des tiers au contrat de remorquage incombe au propriétaire du remorqueur dès lors que son capitaine exerce sur le navire remorqué les pouvoirs qui caractérisent la garde ; qu'en affirmant que la société "Pêche Europe", armateur du chalutier "Moussaillon" était responsable des dommages causés par ce navire aux installations de la CCI, tiers au contrat qualifié par l'arrêt de remorquage, bien qu'elle ait constaté que ce chalutier était, au moment de l'accident sous le contrôle et la direction du "Rable" et de son capitaine, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
4 ) - que le capitaine est fondé à confier la garde de son navire désarmé à un remorqueur professionnel qui exerce seul les pouvoirs d'usage de direction et de contrôle ; qu'en affirmant que le capitaine du chalutier devait veiller à ce que le bâtiment ne se comporte pas de façon anormale et avait commis une faute en n'étant pas présent à bord lors des opérations que l'arrêt qualifie de remorquage, bien que le chalutier en arrêt technique pouvait, suivant une pratique constante dans le port de Boulogne, être confié à la garde du "Rable", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
5 ) - qu'en relevant, en toute hypothèse, que la cause du dommage était indéterminée, les éléments de preuve ne permettant pas de déterminer avec certitude si l'accident était dû à une mauvaise manoeuvre du "Rable" ou au placement de la barre du chalutier, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs hypothétiques qui ne permettent pas de caractériser de façon certaine le lien de causalité reliant la prétendue faute qui aurait résulté de l'absence du capitaine du "Moussaillon" et le dommage et a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que l'opération par laquelle un remorqueur dirige un navire, privé de force motrice et d'équipage, à l'intérieur d'un port, constitue une opération de remorquage soumise aux dispositions des articles 26 et suivants de la loi du 3 janvier 1969 ;
Attendu, en second lieu, qu'en faisant application à l'espèce de ce texte lorsque le dommage a été subi par un tiers aux opérations de remorquage, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par un motif hypothétique a fait l'exacte application de ce texte ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, non fondé dans ses deux premières branches et inopérant pour le surplus, ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur les deux autres moyens, pris chacun en leurs trois branches :
Attendu que ces moyens de cassation, invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne seraient pas ne nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pêche Europe aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Pêche Europe à payer aux sociétés Groupama Navigation et transports, à la société Le Continent, à la société Lloyd'Underwriters, à la société Mutuelle du Mans assurances Iard, à la société Allianz assurances la somme globale de 1 800 euros, à la société Les Abeilles Boulogne la somme de 1 800 euros, à la Chambre de commerce et d'industrie de Boulogne-sur-Mer la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille trois.