AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juillet deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Nordine,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 27 mars 2003, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, recel, usage de fausses plaques, détention d'arme et de munitions de la 4ème catégorie, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé par Nordine X... le 1er avril 2003 ;
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 31 mars 2003, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 31 mars 2003 ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Nordine X..., placé sous mandat de dépôt le 21 octobre 2001, a été remis en liberté sous contrôle judiciaire par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 31 décembre 2001 ; que, sur l'appel du ministère public, la chambre de l'instruction, par arrêt du 22 janvier 2002, a infirmé cette décision et redonné effet au mandat de dépôt initial ; que cette même juridiction a, le 27 mars 2002, décerné contre Nordine X..., alors en fuite, un mandat d'arrêt qu'elle a rectifié par arrêt du 3 décembre 2002 ; que, le 18 juillet 2002, la chambre de l'instruction qui s'était réservée le contentieux de la détention l'a restitué au juge d'instruction ; que Nordine X..., arrêté en Espagne le 12 décembre 2002, a été remis le 16 janvier 2003 aux autorités françaises ; qu'après avoir été présenté le 17 janvier 2003 au juge d'instruction saisi du dossier, il a été écroué en exécution de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 janvier 2002 ;
Attendu que, le 26 février 2003, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la détention ; qu'à l'appui de son appel de cette ordonnance, Nordine X... a invoqué l'irrégularité de la procédure préalable à sa réincarcération ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 13 de la loi du 10 mars 1927, 197, 217, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit la procédure suivie contre Nordine X... régulière ;
"aux motifs que Nordine X... a été interpellé en Espagne le 19 décembre 2002 soit postérieurement à l'arrêt du 18 juillet 2002 restituant au juge d'instruction le contentieux de la détention ; qu'il a été remis aux autorités françaises le 16 janvier 2003 et présenté ce même jour au procureur de la République de Bayonne qui lui a donné connaissance des pièces suivantes : arrêt du 22 janvier 2002 infirmant l'ordonnance de mise en liberté et ordonnant la remise à effet du mandat de dépôt, mandat d'arrêt du 27 mars 2002 et arrêt du 3 décembre 2002 ordonnant la rectification pour erreur matérielle du mandat d'arrêt ;
"1 / alors que Nordine X... observait dans son mémoire que l'arrêt du 3 décembre 2002 n'était pas au dossier de la procédure ; qu'en cet état, compte tenu de l'importance de cette décision qui aurait pour effet de rectifier le mandat d'arrêt, son absence au dossier fait échec aux droits de la défense, qu'en outre, en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la chambre de l'instruction n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;
"2 I alors qu'il résulte des pièces de la procédure que le procureur de la République de Bayonne n'a pas donné à Nordine X... connaissance de l'arrêt du 3 décembre 2002 ordonnant la rectification pour erreur matérielle du mandat d'arrêt et que par conséquent cette décision ne peut être considérée comme lui ayant été notifiée ainsi qu'il le soutenait dans son mémoire régulièrement déposé et de ce chef délaissé, ce qui constitue une violation des textes et principes susvisés" ;
Attendu que, contrairement aux allégations du demandeur, il résulte de l'arrêt attaqué que Nordine X... a eu connaissance de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 22 janvier 2002, du mandat d'arrêt du 27 mars 2002 et de l'arrêt du 3 décembre 2002 rectifiant ce mandat d'arrêt quant au visa des textes ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 133, 207, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la procédure pour méconnaissance des dispositions relatives à l'exécution des mandats d'arrêt ;
"aux motifs que l'examen de la procédure révèle que les actes invoqués comme absents figurent bien en procédure dans la cote détention : arrêt du 22 janvier 2002, infirmant l'ordonnance de mise en liberté et ordonnant la remise à effet du mandat de dépôt, mandat d'arrêt du 27 mars 2002 et arrêt du 3 décembre 2002 ordonnant la rectification pour erreur matérielle du mandat d'arrêt ;
Nordine X... a été interpellé en Espagne le 19 décembre 2002 soit postérieurement à l'arrêt du 18 juillet 2002 restituant au juge d'instruction le contentieux de la détention ; il a été remis aux autorités françaises le 16 janvier 2003 et présenté ce même jour à M. le procureur de la République de Bayonne qui lui a donné connaissance de ces pièces ; le 17 janvier 2003 il a comparu devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Aix-en- Provence ; ainsi les dispositions prévues aux articles 130 et 133 du Code de procédure pénale ont bien été respectées ; iI convient de rappeler que l'on se trouve dans le cas d'une remise à effet du mandat de dépôt initial décerné le 21 octobre 2001 et non d'un placement en détention, ainsi il n'y avait pas lieu de saisir le juge des libertés et de la détention en vue du débat contradictoire ni de rendre une ordonnance de placement en détention ;
"1 ) alors que, contrairement à ce qu'a énoncé l'arrêt attaqué, Nordine X... a été mis en détention sur la base d'un mandat d'arrêt et non par l'effet de l'exécution du mandat de dépôt initial, et qu'en n'examinant pas, comme il le demandait dans son mémoire régulièrement déposé, la question de la régularité de la mise à exécution du mandat d'arrêt, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;
"2 ) alors qu'il appartient à la juridiction qui a décerné un mandat d'arrêt d'en contrôler l'application et de prendre la décision de placement en détention et que dans la mesure où la chambre de l'instruction a délivré mandat d'arrêt cependant que Nordine X... a comparu devant le juge d'instruction, la chambre de l'instruction aurait dû annuler la procédure pour incompétence de ce magistrat ;
"3 ) alors, en tout état de cause, que lorsque la chambre de l'instruction décerne elle-même le titre de détention, elle a seule compétence pour connaître du contentieux qui en découle à moins qu'elle n'en décide autrement dans sa décision et que dès lors une décision postérieure, restituant pour l'avenir au juge d'instruction le contentieux de la détention, ne peut avoir pour effet de donner à ce magistrat compétence pour connaître de ce contentieux" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 137-1 et 145 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit la procédure suivie contre Nordine X... régulière ;
"aux motifs que l'on se trouve dans le cas d'une remise à effet du mandat de dépôt initial décerné le 21 octobre 2001 et non d'un placement en détention et qu'ainsi il n'y avait pas lieu de saisir le juge des libertés et de la détention en vue du débat contradictoire ni de rendre l'ordonnance de placement en détention ;
"alors que la mise à exécution d'un mandat d'arrêt constitue un placement en détention au sens des textes susvisés, en sorte que cette mise à exécution requiert le concours du juge des libertés et de la détention qui doit faire précéder sa décision d'un débat contradictoire et que la procédure qui a été suivie à l'encontre de Nordine X... ayant méconnu ces règles édictées dans l'intérêt des droits de la défense, la chambre de l'instruction devait en constater l'irrégularité" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour refuser d'annuler la procédure ayant conduit à la réincarcération de Nordine X..., la chambre de l'instruction énonce que l'intéressé a été interpellé et remis aux autorités françaises en exécution du mandat d'arrêt, conformément aux dispositions des articles 130 et 133 du Code de procédure pénale et qu'il a été ensuite écroué en vertu du mandat de dépôt initial sans qu'il y ait lieu de saisir le juge des libertés et de la détention en vue du débat contradictoire ni de rendre une ordonnance de placement en détention ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision dès lors que, le mandat de dépôt initial ayant repris effet à la suite de l'arrêt du 22 janvier 2002, ce titre de détention, qui avait été notifié à la personne mise en examen, permettait, en application de l'article 122, alinéa 4, du Code de procédure pénale, de la rechercher et de la transférer sans qu'il soit nécessaire de décerner à son encontre un mandat d'arrêt ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs ;
I - Sur le pourvoi formé le 1er avril 2003 :
Le déclare irrecevable ;
II - Sur le pourvoi formé le 31 mars 2003 :
Le REJETTE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;