AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juillet deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre I'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS , en date du 31 mars 2003, qui, dans l'information suivie contre lui notamment du chef de viol aggravé, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 197 du Code de procédure pénale, des droits de la défense, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise portant prolongation de la détention provisoire du demandeur ;
"aux motifs que, conformément aux dispositions des articles 194 et 197 du Code de procédure pénale, M. le procureur général a notifié :
à la personne mise en examen le 21 mars 2003, aux parties civiles et à leurs avocats le 21 mars 2003, la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience, et a déposé le même jour le dossier au greffe de la chambre de l'instruction, où il a été tenu à la disposition des avocats de la personne mise en examen et des parties civiles ;
"alors que la formalité imposée par l'article 197 du Code de procédure pénale, tenant à la notification aux parties et à leurs avocats de la date à laquelle l'affaire doit être appelée à l'audience de la chambre de l'instruction, est essentielle aux droits des parties et doit être observée à peine de nullité de l'arrêt à intervenir ; qu'en l'état des propres mentions de l'arrêt attaqué, d'où il ressort non seulement que le demandeur mis en examen avait comparu personnellement à l'audience de la chambre de l'instruction sans l'assistance d'un avocat, mais aussi que le procureur général n'avait pas notifié à l'avocat du demandeur, mis en examen, la date à laquelle l'affaire devait être appelée à l'audience de la chambre de l'instruction, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes et du principe susvisés" ;
Attendu que, faute pour le demandeur d'avoir désigné un avocat en vue de l'assister dans la présente procédure, celui-ci ne saurait se faire un grief d'avoir été rendu seul destinataire de la notification de la date d'audience ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 144-1, 145-2, 145-3 du Code de procédure pénale, 5 de la Convention Européenne des Droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance portant prolongation de la détention provisoire du demandeur ;
"aux motifs que Pierre X... a déclaré qu'il était étranger aux faits en invoquant une machination de son épouse qui lui reprochait son infidélité ; qu'en première comparution, le mis en examen a choisi de se taire ; que la victime a été entendue récemment par le juge d'instruction et a confirmé ses précédentes déclarations ; que le mis en examen, également réentendu, maintient ses dénégations ; que Pierre X... a 46 ans ; qu'il a reconnu Christelle dont il n'est pas l'auteur ; qu'il a, en outre, deux jeunes enfants issus de son mariage actuel et deux autres enfants nés hors mariage ; qu'il est vendeur de produits de bazar sur les marchés du Pré-Saint-Gervais ; qu'il dispose du revenu minimum d'insertion ;
que l'article 175 a été notifié le 13 février 2003 ; que le délai prévisible d'achèvement de la procédure peut, en l'état, être fixé à deux mois ; que le 3 mars 2003, le dossier a été attribué à un juge d'instruction nouvellement nommé ; que, par ordonnance du 22 janvier 2003, le président de la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable, à défaut de motivation, la requête en nullité du mis en examen ; que M. le procureur général requiert confirmation de l'ordonnance ; que, par son mémoire, Pierre X... soutient que sa détention est illégale, dès lors qu'il a été mis en examen sans avoir été entendu ; que Pierre X... qui a choisi de faire usage de son droit au silence lors de sa première comparution ne saurait se faire grief de n'avoir pas été entendu et d'en déduire une prétendue irrégularité du titre de détention ; que les faits ont eu lieu dans le milieu familial, que le père est dit violent, que l'enfant s'est rétracté dans un premier temps après avoir été conduite par son père dans les locaux de police ; qu'il convient d'éviter toute pression jusqu'à comparution devant la juridiction de jugement ; que l'autoritarisme, la psychorigidité du père, les éléments de l'expertise psychiatrique et le cadre familial dans lequel ont eu lieu les faits conduisent à craindre un renouvellement de l'infraction qu'il convient d'éviter ; que les faits de viols sur enfant mineur par personne ayant autorité troublent de façon exceptionnelle et persistante l'ordre public en raison des dommages qu'ils causent à la victime ; qu'il convient de faire cesser ce trouble ; que la détention provisoire est l'unique moyen de satisfaire à ces exigences, que les mesures de contrôle judiciaire sont insuffisantes ;
"alors, d'une part, que lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle, la décision ordonnant sa prolongation doit notamment comporter, outre le délai prévisible d'achèvement de la procédure, des indications particulières qui justifient, en l'espèce, la poursuite de l'information ; que, pour confirmer l'ordonnance portant prolongation de la détention provisoire du demandeur, au-delà d'un délai d'un an, pour une nouvelle durée de six mois, la chambre de l'instruction ne pouvait se borner à relever que cette prolongation serait l'unique moyen pour éviter toute pression ainsi que pour mettre fin au trouble exceptionnel et persistant causé à l'ordre public et éviter un renouvellement de l'infraction puisque le délai prévisible d'achèvement de la procédure pouvait, en l'état, être fixé à deux mois, sans donner aucune indication particulière justifiant, en l'espèce, la poursuite de l'information ;
"alors, d'autre part, que la chambre de l'instruction ne pouvait prolonger la détention provisoire du demandeur au-delà d'un an pour une nouvelle période de six mois, sans nullement répondre au moyen pertinent des conclusions d'appel dont elle était saisie, tiré de ce qu'une telle prolongation de sa détention provisoire méconnaissait les dispositions de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa seconde branche soutient pour la première fois devant la Cour de Cassation, que la durée de la détention aurait excédé un délai raisonnable, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Menotti conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;