AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses six branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Amiens, 26 octobre 2000), que M. X..., ancien gérant de la SARL X... pneus (la SARL), mise en redressement puis liquidation judiciaires, a relevé appel du jugement ayant ouvert à son encontre une procédure de liquidation judiciaire sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel a confirmé le jugement ;
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'en cas de liquidation judiciaire d'une personne morale, le tribunal ne peut prononcer le redressement judiciaire personnel de son dirigeant que lorsqu'il a fait des biens ou du crédit de la personne morale, un usage contraire à l'intérêt social ; qu'en se déterminant exclusivement en considération de l'avis de redressement notifié à la SARL par l'administration fiscale qui lui reprochait d'avoir commis un acte de gestion anormal en consentant un prêt sans intérêt à la SCI dont M. X... était associé, sans rechercher si le prêt consenti à la SCI a tourné à l'avantage de la SARL qui en était associée dans les mêmes proportions que M. X..., à concurrence d'un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 182, 3 , de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que M. X... faisait valoir que "la SARL qui est associée à la SCI, et détient un tiers du capital social a nécessairement participé dans cette proportion à l'intérêt de l'opération prétendument reprochée, de sorte que celle ci n'a pas pu être encore réalisée dans l'intérêt exclusif de M. et Mme X..." ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que M. X... a fait valoir que "la SARL a pris en location l'immeuble, donné à bail par la SCI, moyennant un loyer de 4 000 francs HT, à compter de janvier 1991, mais n'a jamais acquitté ce loyer jusqu'au 5 mars 1998, date de sa mise en liquidation judiciaire ; qu'il s'évince dès lors que la SCI se trouve créancière de la SARL du montant du loyer de janvier 1991 à mars 1998, soit 86 mois, faisant apparaître une dette de 413 994 francs TTC ; que depuis mars 1998, plus aucun loyer n'est payé sans que la SCI n'ait pu récupérer la jouissance de l'immeuble ; qu'en se bornant à affirmer que le prêt ne comportait pas de contrepartie, sans s'expliquer sur la mise à disposition gratuite d' un local, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'en cas de liquidation judiciaire d'une personne morale , le défaut de déclaration de cessation des paiements, dans le délai de quinzaine, ne permet pas d'ouvrir une procédure collective sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, à l'encontre du dirigeant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;
5 / qu'en cas de liquidation judiciaire de la personne morale, seule la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire dans l'intérêt personnel de son dirigeant justifie l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de ce dernier ; qu'en se déterminant sur la seule considération du montant de l'insuffisance d'actif de la SARL et de la date de la cessation des paiements, la cour d'appel qui n'a pas relevé que M. X... avait poursuivi l'exploitation déficitaire abusivement dans son intérêt personnel, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 182, 4 , de la loi du 25 janvier 1985 ;
6 / qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de M. X... qui faisait valoir que l'insuffisance d'actif de la SARL était exclusivement imputable aux détournements de clientèle commis par la société L'Européenne de pneumatiques, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que M. X... détenait un tiers du capital de la SCI et relevé que la SARL avait prêté à la SCI, en 1990, une somme de 604 657 francs, qui n'était toujours pas remboursée à la date du 31 mars 1996 et pour laquelle la SARL s'était abstenue de réclamer des intérêts normaux, l'arrêt retient qu'en procédant à ce versement sans contrepartie au profit de la SCI, M. X... avait fait des biens de la SARL un usage contraire à l'intérêt de celle ci pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était directement intéressé ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante mentionnée à la première branche et qui a répondu en les écartant aux conclusions mentionnées aux deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a, pour fonder sa décision, retenu à l'encontre de M. X... que les faits visés à l'article 182, 3 , de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 624-5 3 du Code de commerce ; qu'il s'ensuit que le moyen est inopérant en ses quatrième, cinquième et sixième branches et, dès lors, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille trois.