AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Claire,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 19 février 2003, qui, pour non-représentation d'enfant, l'a condamnée à 4 mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 227-5 et 227-29 du Code pénal, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claire X... coupable de non-représentation d'enfant, faits commis les 17 août 2001, 15 et 29 septembre 2001, et 31 octobre 2001 ;
"aux motifs que sur l'incident du 17 août 2001, le conseil de Claire X... soutient que Jean-Michel Y... disposait d'un droit de visite à compter du 15 août, qu'il ne s'est pas présenté pour prendre sa fille à cette date et dès lors que Claire X... pouvait disposer de son temps les jours suivants, que le 16 août elle était à son travail et en déplacement dans le cadre de sa mission, qu'en conséquence elle ne peut être poursuivie ; que selon les termes de l'article 227-5 du Code pénal, le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à qui a le droit de le réclamer est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ; qu'en l'espèce, en application du jugement de divorce en date du 16 novembre 2000 confirmé sur ce point par arrêt de la cour d'appel du 2 avril 2002, Jean-Michel Y... dispose du droit de visite et d'hébergement suivant : un mercredi sur deux à charge pour le père de venir chercher et raccompagner l'enfant, les deuxième et quatrième mercredis du mois ; un week-end sur deux du samedi 19 heures au dimanche 18 heures les 1er, 3ème et 5ème week-end de chaque mois, à charge pour le père d'aller chercher l'enfant, pendant la moitié des vacances scolaires, sans excéder une période de 15 jours continus ; Claire X... ne conteste pas le droit de Jean-Michel Y... d'héberger leur fille la seconde quinzaine du mois d'août 2001 ; le mois d'août comportant 31 jours, ce droit correspondant à la moitié du mois débutait le 16 août à midi ;
Jean-Michel Y... remet à la Cour un constat d'huissier démontrant que celui-ci s'est présenté au domicile de Claire X... le 16 août à 9 h 20, 11 h 30, et 18 h 30, pour s'assurer qu'elle était prête à mettre en oeuvre le droit du premier ; il s'agit bien du premier jour du droit de Jean-Michel Y... ; l'huissier a constaté d'une part que la villa était "totalement fermée", que personne ne répondait à ses sollicitations répétées, et que deux véhicules étaient garés devant la maison ; or, si Claire X... pouvait parfaitement, ce même jour, et les jours suivants, rejoindre son lieu de travail puisqu'il résulte des documents remis par son conseil que le 16 août toute la journée elle a exercé une activité professionnelle en dehors de son domicile, elle devait impérativement organiser les modalités de remise de Z... à son père, soit en lui indiquant à quelle heure elle serait disponible, soit en demandant à un tiers de confiance de procéder à sa place à la remise de l'enfant à Jean-Michel Y... ; or, Claire X..., puisqu'elle était absente pour son travail, savait forcément depuis longtemps qu'elle serait largement indisponible le 16 août, ne soutient pas qu'il lui était impossible d'agir ainsi, ni avoir tenté de joindre Jean-Michel Y... pour s'arranger autrement avec lui; il est donc incontestable que le 16 août 2001, et les jours suivants, Claire X... a délibérément, en s'absentant de son domicile et en faisant en sorte que personne n y soit pour remettre l'enfant à son père et en cachant à celui-ci l'endroit où se trouvait leur fille, refusé de la remettre au sens de l'article 227-5 précité ; que sur les incidents des 15 et 29 septembre 2001, Claire X... ne conteste pas le droit de Jean-Michel Y... d'héberger sa fille les fins de semaine de 15 et 29 septembre 2001 ; s'agissant du samedi 15 septembre, Claire X... fait remettre un certificat médical dans lequel il est mentionné, à côté de l'indication de médicaments, "doit rester à la maison pendant 48 heures" ; or, la Cour constate, d'une part, que ce certificat, s'il signifie que l'enfant ne doit pas être en extérieur, ne fait pas obstacle à son transport jusqu'au domicile du père géographiquement peu éloigné, d'autre part, qu'il est daté du 14 septembre donc que l'indication concernant les sorties pendant seulement 48 heures ne valait plus pour le dimanche 17, second jour dont devait disposer Jean-Michel Y..., enfin que ce dernier étant lui-même chirurgien-dentiste, il est manifestement apte à soigner
son enfant si le besoin se présente ; s'agissant du samedi 29 septembre, la Cour relève que Claire X... fait déposer un certificat mais qui est daté du 27 soit deux jours avant, que ce certificat comporte une fois encore des noms de médicaments et que la mention complémentaire est seulement "ne pas sortir si fièvre" ; or, Claire X... ne prétend ni ne démontre que son enfant avait de la fièvre le samedi 29 septembre 2001, et si même avait été le cas pour la raison précitée tenant à la profession de Jean-Michel Y..., l'accueil chez son père n'aurait pas été impossible ; il est donc incontestable que les 15 et 29 septembre 2001, Claire X... a délibérément et sans raison valable refusé de remettre sa fille à Jean-Michel Y..., au sens de l'article 227-5 précité ;
que sur
l'incident du 31 octobre 2001, Claire X... ne conteste pas le droit de Jean-Michel Y... d'héberger sa fille le 31 octobre 2001 ; elle fait produire un certificat médical dans lequel il est mentionné en dessous d'une liste de médicaments : "à garder en chambre" ; or, la Cour constate, d'une part, que ce certificat, s'il signifie que l'enfant ne doit pas rester en extérieur, ne fait pas obstacle à son transport jusqu'au domicile du père géographiquement peu éloigné, et d'autre part, que Jean-Michel Y... est apte à soigner son enfant si le besoin se présente ; il est donc incontestable que le 31 octobre 2001, Claire X... a délibérément et sans raison valable refusé de remettre sa fille à Jean-Michel Y... au sens de l'article 227-5 précité ;
"alors 1 ) que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, s'agissant de la procédure n° 02001087, il résulte des mentions de la citation du 3 avril 2002, qui seule fixe l'étendue de la saisine de la juridiction de jugement, que la demanderesse est poursuivie pour avoir, le 17 août 2001, refusé de représenter Z...
Y..., mineure, à son père Jean-Michel Y... qui avait le droit de la réclamer ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que la prévenue aurait, en s'absentant le 16 août 2001, refusé de remettre l'enfant Z..., le même jour, à son père, la cour d'appel qui retient à la charge de Claire X... des faits non visés à la prévention, a violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;
"alors 2 ) que la personne qui, bénéficiant d'un droit de visite et d'hébergement, ne se présente pas le premier jour à partir duquel ce droit s'exerce est réputée avoir renoncé à toute la période pendant laquelle ledit droit devait être exercé ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en vertu du jugement de divorce du 16 novembre 2000, Jean-Michel Y... avait le droit d'héberger sa fille, pendant la moitié des vacances scolaires, sans excéder une période de 15 jours continus ; qu'en estimant dès lors que ce droit débutait le 16 août 2001 et non le 15 août, pour en déduire que l'absence de la mère à cette date caractérisait le délit de non représentation d'enfant, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de la prévenue, qui faisait valoir qu'en exécution du jugement de divorce, l'enfant avait successivement été hébergée chez sa mère du 1er au 15 juillet 2001, puis chez son père du 16 au 30 juillet, soit pendant 15 jours, puis chez sa mère du 31 juillet au 14 août, de sorte qu'en cet état, le père devait exercer son droit d'hébergement à compter du 15 août au matin et que, faute de s'être présenté sur les lieux à cette date, Jean-Michel Y... était réputé avoir renoncé à toute la quinzaine suivante, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"alors 3 ) qu'en se bornant à énoncer qu'il résulte d'un constat d'huissier que le 16 août 2001, premier jour du droit de visite et d'hébergement accordé à Jean-Michel Y..., le domicile de la mère de l'enfant était totalement fermé et qu'ainsi le père n'a pu faire respecter son droit, pour en déduire que la prévenue, en s'absentant ce même jour, aurait délibérément refusé de remettre l'enfant à son père le 16 août 2001 "et les jours suivants", sans rechercher si le père s'était présenté au domicile de la mère postérieurement au 16 août 2001, ni si cette dernière s'était, postérieurement à cette date, opposée à la remise de l'enfant à son père, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 227-5 du Code pénal ;
"alors 4 ) que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux, que s'agissant des faits du 15 septembre 2001, la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance que le certificat médical du 14 septembre de la même année, obligeant l'enfant à demeurer à la maison pendant 48 heures, ne valait plus pour le dimanche 17, second jour dont devait disposer Jean-Michel Y... ; qu'en statuant ainsi, quoiqu'il ne résulte pas de la citation qu'il ait été reproché à la prévenue d'avoir omis de représenter l'enfant à la date du 17 septembre 2001, la cour d'appel, qui a retenu à la charge de Claire X... des faits non visés à la prévention, a violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;
"alors 5 ) qu'en énonçant que le certificat médical du 14 septembre 2001 obligeant l'enfant à demeurer à la maison pendant 48 heures, ne valait plus pour le dimanche 17, second jour dont devait disposer Jean-Michel Y..., tout en relevant par ailleurs que le 15 septembre 2001 était un samedi, ce dont il résulte que le dimanche suivant était le 16 septembre et non le 17, et qu'ainsi l'indication du certificat médical concernant les sorties de l'enfant couvrait également le second jour du droit de visite du père, la cour d'appel qui s'est déterminée par des motifs contradictoires, a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"alors 6 ) que l'intention délictuelle est un élément essentiel du délit de non représentation d'enfant ; qu'en se bornant à énoncer, s'agissant des incidents des 15 et 29 septembre 2001 et 31 octobre 2001, que les indications des certificats médicaux ne constituaient pas un obstacle objectif à la remise de l'enfant à son père, pour en déduire que la mère doit être déclarée coupable de non-représentation d'enfant, sans rechercher si les agissements imputés à la mère ne résultaient pas d'une interprétation, fût-elle erronée, des mentions de ces certificats, comme telle exclusive de toute intention frauduleuse, et notamment de toute volonté délibérée de refuser de représenter le mineur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale" ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour déclarer Claire X..., coupable de non-représentation d'enfant, notamment le 17 août 2001, l'arrêt attaqué relève que, le 16 août, jour où débutait le droit de visite et d'hébergement de Jean-Michel Y... sur sa fille, et les jours suivants, la prévenue, en s'absentant de son domicile sans prévenir le père de l'enfant et en lui cachant l'endroit où cette dernière se trouvait, a délibérément refusé de la remettre, au sens de l'article 227-5 du Code pénal ;
Qu'en se référant à la date du 16 août, la cour d'appel s'est bornée à replacer les faits de la prévention dans leur contexte, sans pour autant excéder sa saisine ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;
Sur le moyen pris en sa quatrième branche :
Attendu qu'eu égard aux faits survenus le samedi 15 septembre 2001, il n'importe que, pour en éclairer le déroulement, l'arrêt attaqué se réfère par erreur au dimanche 17 septembre 2001 et non 16 septembre, cette erreur étant dépourvue de conséquences sur la prévention ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Sur le moyen pris en ses quatre autres branches :
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
Attendu qu'ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Pelletier conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;