AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Luc,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 19 février 2003, qui, pour agressions sexuelles aggravées en récidive et pour arrestations illégales, l'a condamné à 7 ans d'emprisonnement, a décerné mandat de dépôt et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22 et 222-29, 132-10 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Luc X... coupable de deux récidives d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans ;
"alors, d'une part, que tout jugement ou arrêt de condamnation en matière correctionnelle doit constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction ; que le délit d'agression sexuelle reproché à Jean-Luc X... suppose l'usage, par son auteur, de la violence, contrainte, menace ou surprise ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est bornée à constater que le mode opératoire décrit par les enfants était identique et que, dans les deux cas l'agresseur, en se faisant passer pour un policier, les avait emmené dans un bois et leur avait demandé après les avoir déshabillé de faire grossir son sexe et de le masturber, sans caractériser dans les faits, une quelconque attitude du prévenu suggérant la violence, contrainte, menace ou surprise n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 132-10 du Code pénal lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un délit commet dans un délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit assimilé au regard des règles de la récidive, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé ; que tout jugement ou arrêt prononçant la récidive doit contenir les constatations nécessaires pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur les conditions légales précédemment définies ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable de récidives d'agressions sexuelles au regard des condamnations du 10 juillet 1990 et du 12 janvier 1995 figurant à son casier judiciaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la date de l'expiration ou de la prescription de la peine prononcée à l'issue des condamnations précitées et en ne permettant pas à la Cour de Cassation de s'assurer que le délit pouvant entraîner la récidive a bien été commis dans le délai de 5 ans prescrit par l'article 132-10 précité et alors que la prise en compte de cette récidive a indéniablement influencé le juge dans la condamnation prononcée à l'encontre du prévenu, la cour d'appel a méconnu les dispositions légales précitées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 4 mai 1998, le jeune Y...
Z..., âgé de 10 ans, a été enlevé à la sortie de son école par le conducteur d'une voiture qui l'a entraîné dans un bois, l'a forcé à se mettre nu, l'a photographié puis l'a contraint à le masturber ; qu'un rapprochement a été opéré avec une agression similaire commise le 25 mars précédent sur la personne de A...
B..., âgé de 8 ans ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, en ce qu'il conteste pour la première fois devant la Cour de Cassation l'état de récidive visé par la prévention, ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a reconnu Jean-Luc X... coupable des faits de la prévention ;
"aux motifs que concernant les faits du 4 mai 1998, sa mère a indiqué qu'elle était arrivé chez elle en compagnie de M. C... à 16 heures 30 et que son fils était à la maison et ne les avait pas quittés jusqu'à ce qu'elle reparte à 18 heures 30 ; que M. C... a confirmé les propos de Mme X... tout en étant moins précis sur les horaires et en indiquant qui'l ne pouvait dire si le prévenu était déjà dans la maison à son arrivée ; qu'aucun élément matériel ne vient corroborer l'horaire d'arrivée de Mme X... et de M. C... ; que l'expertise en informatique, qui aurait pu établir de façon incontestable qu'un travail sur l'ordinateur avait été fait entre 16 heures 30 et 17 heures a conclu à un travail de 15 heures 31 à 15 heures 40 et de 18 heures 17 à 19 heures 23 ; que le prévenu s'il a commis les faits pouvait être chez lui à 17 heures 10 ; qu'eu égard à la marge d'erreur dans les horaires donnés par les témoins, ceux-ci ne s'appuyant pour les donner sur aucun élément incontestable, les déclarations de Mme X... et de M. C... ne sauraient disculper le prévenu, vu les éléments recueillis par ailleurs à son encontre ;
que les arguments développés par la défense concernant quelques détails donnés par l'enfant qui ne correspondaient pas ou d'autres détails qu'il aurait dû voir et qu'il n'a pas vu, comme sa malformation au pouce, ne sauraient disculper le prévenu, eu égard aux charges accablantes ci dessus exposées ; qu'il ressort de l'ensemble de ces énonciations la preuve que Jean-Luc X... est bien l'auteur des faits commis sur Y...
Z... ; concernant les faits du 25 mars 1998, que l'enquête a démontré que le registre de l'école Paget qui mentionne que Jean-Luc X... était présent le 25 mars à 8 heures n'était pas tenu correctement et n'était pas fiable ; que seul le professeur l'ayant eu de 8 heures à 9 heures a été catégorique pour dire qu'il était présent ; que les déclarations de Mme D..., qui avait normalement Jean-Luc X... en cours de 10 heures à 12 heures, ne sauraient disculper le prévenu, Mme D... ayant donné des explications confuses et évolutives, desquelles il ressort qu'en définitive elle n'est pas certaine de la présence de cet élève à ce cours, puisqu'elle ne fait que se référer au registre des présences, lequel n'était pas tenu correctement ; qu'il ressort du dossier la preuve de Jean-Luc X... est l'auteur des faits dont a été victime A...
B... ;
"alors que, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait, pour rejeter l'alibi fourni par le prévenu concernant l'agression dont a été victime le jeune Y...
Z..., se borner à constater qu'eu égard à la marge d'erreur dans les horaires donnés par les témoins, ceux-ci ne s'appuyant pour les donner sur aucun élément incontestable, les déclarations de Mme X... et de M. C... ne sauraient disculper le prévenu vu les éléments déterminants recueillis par ailleurs à son encontre, alors que la mère du prévenu avait affirmé être arrivée chez elle en compagnie de M. C... à 16 heures 30 et que son fils était à la maison et ne les avait pas quittés jusqu'à ce qu'elle reparte à 18 heures 30 et que M. C... avait confirmé ce témoignage ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a entaché sa décision d'insuffisance de motifs ;
"alors de même que la cour d'appel ne pouvait, sans entacher sa décision d'insuffisance de motif, écarter le moyen de défense soulevé par le requérant qui invoquait que certains détails physiques donnés par Y...
Z... ne correspondaient pas à sa personne et qu'à l'inverse certains détails pourtant marquants comme sa malformation du pouce n'avaient pas été évoqués par l'enfant au seul motif que des charges accablantes étaient retenus par ailleurs contre lui" ;
Attendu que, la cour d'appel, ayant, sans insuffisance ni contradiction, souverainement apprécié les faits et circonstances de la cause, ainsi que les éléments de preuve contradictoirement débattus, le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;