AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la suite d'un contrôle de l'URSSAF, concernant la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, la Caisse primaire d'assurance maladie a décidé d'affilier au régime général de la sécurité sociale les médecins assurant les gardes de l'unité de soins et de réanimation gérée au sein de la Clinique du Tonkin, par les docteurs X... de Y..., Z..., A..., B... et C..., dans le cadre d'une société de fait ; que la cour d'appel a débouté M. A... de son recours contre cette décision et déclaré régulière la mise en demeure notifiée par l'URSSAF à la société de fait, le 25 mai 1999, pour le recouvrement des cotisations sociales dues au titre de l'emploi des médecins remplaçants ;
Sur les premier et troisième moyens, ce dernier pris en ses trois branches :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon les moyens :
1 / qu'en vertu des articles L.311-2 et R.142-19 du Code de la sécurité sociale, la juridiction saisie d'un conflit d'assujettissement doit appeler d'office tous les organisme de sécurité sociale concernés, y compris ceux de travailleurs indépendants dont les personnes étaient susceptibles de relever et auxquels elles auraient pu s'affilier du chef de leur activité ; qu'en omettant de les appeler en la cause, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
2 / qu'en application de l'article L.311-2 du Code de la sécurité sociale, l'affiliation au régime général des salariés suppose que soit constaté un lien de subordination juridique entre le travailleur et celui qui peut être considéré comme son employeur ; que le docteur A... avait, dans ses conclusions d'appel datées du 24 janvier 2002, souligné les spécificités du service d'urgence de réanimation qui imposaient une certaine contrainte horaire pour chacun des médecins pour assurer un service continu jour et nuit et qui, du fait de l'objet de ce service (réanimation) restreignaient nécessairement la possibilité tant pour le malade le plus souvent inconscient, de choisir son médecin que pour le médecin de choisir son patient ; qu'en se bornant à relever l'existence de telles contraintes pour en déduire l'existence d'un lien de subordination, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si elles n'étaient pas justifiées par la seule organisation nécessaire du service de réanimation et non par un état de subordination des médecins remplaçants vis à vis de ceux exerçant à titre permanent au sein de la clinique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte précité ;
3 / que le docteur A... avait régulièrement produit aux débats des pièces attestant que les médecins remplaçants établissaient en leur nom les dossiers médicaux, effectuaient des prescriptions de médicaments, des indications opératoires et établissaient des certificats de décès ; qu'en affirmant qu'aucun document d'ordre médical n'était signé par eux, la cour d'appel a dénaturé les pièces précitées et a violé l'article 1134 du Code civil ;
4 / que s'agissant de la rémunération forfaitaire versée aux médecins remplaçants, le docteur B... avait souligné qu'elle résultait de l'application même de la nomenclature des actes professionnels, sur laquelle se fonde la CPAM elle-même pour effectuer ses versements correspondant à une somme forfaitaire journalière, quels que soient l'ancienneté et le titre du médecin, et qui pose le principe de la rémunération de l'équipe entière de médecins, qu'ainsi chacun d'entre eux, au vu de ce principe d'égalité, recevait un même pourcentage des sommes journalières versées en fonction de cette nomenclature ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes pour la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement l'ensemble des pièces qui lui étaient soumises et analysant les conditions dans lesquelles l'activité des médecins remplaçants était exercée au sein de l'unité de soins et de réanimation, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'un conflit d'affiliation, a relevé que ces praticiens effectuaient leurs gardes de nuit dans les locaux de ce service, avec le concours de son secrétariat et selon un planning et un horaire déterminés à l'avance ; que leurs patients étaient ceux traités dans le même service dont ils ne supportaient pas les risques financiers et qu'ils ne signaient aucune feuille de soins, ordonnance ou courrier concernant ces malades ; que leur activité n'avait pas donné lieu à un contrat de remplacement destiné au conseil de l'ordre et que d'un montant forfaitaire, leur rémunération était fixée unilatéralement par les médecins de l'unité de soins et de réanimation ; que répondant ainsi aux conclusions, elle a pu en déduire, sans dénaturation, l'existence d'un lien de subordination, de sorte que l'activité litigieuse justifiait l'affiliation des intéressés au régime général de la sécurité sociale ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1134 du Code civil, 32 du nouveau Code de procédure civile et L.244-2 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'en vertu du deuxième de ces textes, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ;
Attendu que pour déclarer régulière la mise en demeure notifiée par l'URSSAF le 25 mai 1999 à la société de fait existant, au sein de la clinique du Tonkin, entre MM. X... de Y..., Z..., A..., B... et C..., l'arrêt attaqué retient qu'immatriculée en tant qu'employeur, cette société avait une existence légale auprès de cet organisme qui en outre n'avait pas alors connaissance des médecins pris individuellement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le rapport des agents de l'URSSAF du 24 septembre 1998 mentionnait les cinq médecins concernés par le redressement, et que dépourvue de personnalité morale et de la capacité d'agir en justice, une société de fait ne peut être destinataire d'une mise en demeure préalable à des poursuites, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué au fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré régulière la mise en demeure du 25 mai 1999, l'arrêt rendu le 23 avril 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Annule la mise en demeure notifiée par l'URSSAF le 25 mai 1999 ;
Condamne la CPAM et l'URSSAF de Lyon aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille trois.