AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que la société Beta international (la société Beta), société de droit espagnol, a réalisé pour le compte de la société Edi Loire des ouvrages pour un montant de 393 844 francs ; qu'une clause de réserve de propriété jusqu'au paiement complet du prix figurait sur les bons de livraison ; que le 4 novembre 1997, la société Beta a fait pratiquer une saisie conservatoire sur le stock d'ouvrages ; que le 5 novembre 1997, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Edi Loire ; que la société Beta a déclaré sa créance le 12 novembre 1997 ; que le 25 novembre 1997, la société Beta a présenté au liquidateur une requête en revendication que celui-ci a rejetée en considérant que la qualité d'imprimeur de la société Beta ne lui conférait aucun droit de propriété sur les ouvrages revendiqués ; que le juge commissaire, puis le tribunal, ont rejeté cette requête pour des motifs identiques ; que la société Beta a interjeté appel ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu l'article L. 621-122 du Code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande en revendication faite par la société Beta sur les ouvrages en litige, la cour d'appel, après avoir relevé que la clause de réserve de propriété avait été acceptée, a décidé que la société Beta n'était pas fondée à invoquer le bénéfice de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1995 faute de justifier avoir livré les marchandises dans le cadre d'un contrat de vente lui conférant la pleine propriété ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que l'action en revendication des biens dont la propriété est réservée en application d'une clause contractuelle peut être exercée quelle que soit la nature juridique du contrat dans lequel elle figure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour rejeter la demande en revendication faite par la société Beta sur les ouvrages en litige, la cour d'appel a retenu que, le contrat portant sur des ouvrages littéraires dont l'auteur est le propriétaire exclusif des droits de propriété incorporels et des attributs d'ordre patrimonial s'y rattachant, en application de l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, les travaux exécutés par la société Beta n'ont pu lui transférer la titularité des droits découlant de cette propriété qui sont indissociables du support matériel résultant des ouvrages ; que les travaux ont donc été effectués dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage qui n'emporte pas dérogation à la jouissance de droit reconnu à l'auteur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'existence de droits incorporels sur les ouvrages n'exclut pas l'existence d'un droit de propriété sur les objets matériels, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille trois.