AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par acte authentique du 9 mars 1989, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Rhône, aux droits de laquelle est venue la CRCAM du Centre Est (la Caisse), a accordé à la société civile immobilière Croix de mission (la SCI) une ouverture de crédit d'un certain montant pour une durée d'un an renouvelable ; que M. X..., gérant de la SCI, est intervenu à l'acte en qualité de caution et a consenti une hypothèque sur un bien immobilier en garantie de ses engagements ; que la débitrice principale s'étant montrée défaillante, la Caisse a poursuivi la caution en exécution de son engagement ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré non fondée l'opposition qu'il avait formée, en qualité de caution hypothécaire donnée en garantie de l'ouverture de crédit consentie à la SCI, au commandement immobilier et à la sommation à tiers détenteur délivré par la Caisse, alors, selon le moyen, que le contrat de cautionnement hypothécaire stipulait en des termes clairs et précis que l'ouverture de crédit, dont la durée annale correspondait à celle de l'engagement de cautionnement hypothécaire, ne pouvait être reconduite qu'à l'initiative de l'emprunteur et à la condition que celui-ci en manifeste le désir par lettre au moins un mois avant l'échéance ; que pour rejeter le moyen tiré de l'extinction de l'engagement de garantie hypothécaire, la cour d'appel a énoncé que les parties auraient été d'accord pour reconduire tacitement l'ouverture de crédit même sans respecter le formalisme prévu, ce qui avait autorisé la Caisse à prendre et à renouveler les inscriptions d'hypothèque ; qu'en s'abstenant de préciser les éléments lui permettant de conclure à un accord des parties sur cette tacite reconduction, contraire de surcroît aux prévisions contractuelles, et expressément contestée par M. X... dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 2015 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le formalisme prévu au contrat avait été stipulé dans l'intérêt de la Caisse, qui n'était pas tenue d'accepter la reconduction de l'ouverture de crédit, et dès lors que M. X... n'a pas contesté, dans ses conclusions, le fait que la SCI dont il était le gérant, avait continué à bénéficier de l'ouverture de crédit, la cour d'appel, qui a relevé que l'acte avait prévu la possibilité de reconduction de l'ouverture de crédit, que la Caisse s'était réservée, à cette occasion, le droit de renouveler l'inscription hypothécaire prise en garantie dans l'acte, et que cette inscription avait été renouvelée jusqu'au 20 février 2002, a fait ressortir que les parties avaient été d'accord pour reconduire tacitement cette ouverture de crédit sans respecter le formalisme prévu ; que le moyen n'est pas fondé :
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 1134 et 2015 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la tacite reconduction n'entraîne pas prorogation du contrat primitif, mais donne naissance à un nouveau contrat ; que, selon le second, le cautionnement doit être exprès et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt retient que l'engagement de caution de celui-ci mentionne clairement qu'il se porte caution envers la Caisse "pour le remboursement des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires en vertu du présent contrat et l'exécution de toutes les obligations en résultant" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que le cautionnement, accessoire au contrat initial, avait, quant à lui, été reconduit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre Est ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille trois.