AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 27 octobre 2003, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs de faux en écriture publique et usage, a prononcé sur une demande d'actes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 décembre 2003 où étaient présents : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Chanet, MM. Beyer, Pometan, Mme Palisse conseillers de la chambre, M. Ponsot, Mme Ménotti, M. Chaumont conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle GATINEAU et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 10 novembre 2003, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée en défense :
Attendu que, si les arrêts rendus, soit sur appel de l'une des ordonnances du juge d'instruction visées aux articles 81, neuvième alinéa, 82-1, deuxième alinéa, 156, deuxième alinéa, et 167, quatrième alinéa, du Code de procédure pénale, soit en raison du défaut par le juge d'instruction d'avoir rendu une telle ordonnance, constituent une exception expressément prévue par les articles 570, troisième alinéa, et 571, septième alinéa, à la procédure applicable aux pourvois formés contre les arrêts préparatoires, interlocutoires ou d'instruction rendus par les chambres de l'instruction, et si, conformément à ces textes, le pourvoi formé contre un tel arrêt ne peut, en aucun cas, donner lieu à examen immédiat, il en va autrement lorsque, comme en l'espèce, l'arrêt contient des dispositions qui impliquent la violation de règles d'ordre public touchant à l'organisation judiciaire et à la compétence des juridictions ;
que le procureur général est recevable à se pourvoir contre un tel arrêt ;
Au fond :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 205 et 207 du Code de procédure pénale ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il se déduit du deuxième alinéa de l'article 207 du Code de procédure pénale que, lorsque, dans une matière autre que la détention, la chambre de l'instruction, qui infirme une ordonnance du juge d'instruction ou qui est saisie directement d'une demande d'actes faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans le délai légal, ordonne un supplément d'information et délègue un juge pour y procéder, celle-ci évoque nécessairement l'affaire dans sa totalité et demeure seule compétente pour rendre les décisions de caractère juridictionnel imposées par le déroulement de l'instruction ;
Qu'une même information ne peut être conduite à la fois par un juge d'instruction et par un conseiller à la cour d'appel chargé d'un supplément d'information ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les parties civiles Jean-Christophe X..., Alain Y..., Pierre Z... et Charles A..., ont régulièrement déposé au greffe du juge d'instruction une demande tendant à l'accomplissement de certains actes ; que, par ordonnance du 5 juin 2003, le magistrat instructeur a refusé de faire droit à ces demandes ;
Attendu que, saisie de l'appel formé par les parties civiles, la chambre de l'instruction, tout en refusant de faire droit à la demande des requérants tendant à ce que la chambre de l'instruction use de son pouvoir d'évocation et dessaisisse le juge d'instruction, décide de prescrire l'accomplissement des actes sollicités, ordonne à cette fin un supplément d'information et commet pour y procéder un magistrat de la cour d'appel ;
Mais attendu qu'en procédant ainsi alors que le supplément d'information, impliquant le dessaisissement du juge d'instruction, ne pouvait être ordonné qu'après que la chambre de l'instruction eut évoqué l'affaire, les juges ont méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 27 octobre 2003 ;
DIT qu'en application de l'article 612-1 du Code de procédure pénale, l'annulation prononcée aura effet à l'égard des parties à la procédure qui ne se sont pas pourvues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Vu l'article 609-1 du Code de procédure pénale ;
DIT que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy devient compétente pour la poursuite de la procédure ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six janvier deux mille quatre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;