AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme X... a été engagée le 5 mai 1988 en qualité de caissière par la société Contrexedis, puis a été promue employée commerciale ; que le 25 février 2000, elle a été trouvée lors de son passage en caisse en possession d'un article non réglé ; que le 26 février 2000, elle a remis en mains propres à son employeur une lettre de démission ; que l'employeur a établi le solde de tout compte et les documents sociaux le 1er mars 2000, qu'il a adressé à la salariée par lettre recommandée du 3 mars 2000, présentée le 7 mars 2000 ; que la salariée a rétracté sa démission par lettre en date du 3 mars 2000 reçue par l'employeur le 6 mars 2000, lettre dans laquelle elle précisait avoir donné sa démission sous la menace ; que l'employeur a alors convoqué la salariée à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 20 mars 2000 afin de voir requalifier sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail ; que l'employeur n'a pas donné suite à la procédure de licenciement engagée ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Nancy,15 octobre 2001) d'avoir accueilli les demandes de la salariée, alors selon le moyen, que :
1 / le caractère clair et non équivoque de la volonté de démissionner s'apprécie en la personne du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que "c'est vainement que Mme X... alléguait les pressions et les menaces du directeur pour obtenir sa démission ; qu'elle ne versait en effet aux débats aucun éléments pour démontrer que son consentement avait été vicié" ; que pour affirmer néanmoins le caractère équivoque de la démission de la salariée, la cour d'appel s'est contentée de relever que l'employeur avait initié une procédure de licenciement avec mise à pied conservatoire suite à la réception, 8 jours plus tard, d'une lettre de rétractation faisant état de menaces et pressions du directeur pour obtenir la démission ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 122-4 du Code du travail ;
2 / est claire et non équivoque la volonté de démissionner du salarié à la suite de vols matériels commis par lui au préjudice de l'entreprise dont la réalité est établie, dès lors que cette démission n'a pas été obtenue sous les menaces de poursuites et la contrainte morale de l'employeur ; que l'existence d'une lettre de rétractation adressée 8 jours plus tard est sans incidence sur le caractère libre, éclairé et non équivoque de la démission ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que d'une part la salariée, en dépit de ses allégations, n'avait subi aucune menace ni pression de son employeur pour obtenir sa démission et d'autre part que le vol commis par elle au détriment de l'entreprise était établi et reconnu par elle ; qu'en affirmant néanmoins que sa démission était équivoque, dès lors que la salariée avait adressé 8 jours plus tard une lettre de rétractation motivée faisant été de menaces et de pressions de son employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article L. 122-4 du Code du travail ;
3 / la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, il résulte des termes même de l'arrêt qu'après avoir reçu en mains propres une lettre de démission en date du 26 février 2000, la société "préparait en conséquence son solde de tout compte et les documents sociaux dès le 1er mars et les expédiait par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2000 présentée le 7 mars 2000" ; que la cour d'appel a pourtant retenu qu'après la saisine par Mme X... du conseil de prud'hommes le 20 mars 2000, la société avait "finalement pris acte d'une démission équivoque en remettant le solde de tout compte et le certificat de travail" ; qu'en affirmant ainsi tout à la fois que la remise de ces documents caractérisant la prise d'acte de la démission avait été faite le 3 mars 2000 et postérieurement au 20 mars 2000, la cour d'appel s'est déterminée aux termes de motifs contradictoires en violation de l'article 455 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résultait des constatations des juges du fond que la salariée avait rédigé une lettre de démission dans le bureau du directeur de l'établissement à l'issue d'un entretien avec celui-ci et que la salariée s'était rétractée dans un délai de huit jours ; qu'en l'état de ces énonciations, sans encourir les griefs du moyen, la cour d'appel a pu décider que la salariée n'avait pas manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Contrexedis-Centre E. Leclerc aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Contrexedis-Centre E. Leclerc à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quatre.