AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant, tant sur le pourvoi principal formé par M. X... et la SCP Belat et Desprat, ès qualités, que sur le pourvoi incident, formé en même termes par la société SOCA ;
Met hors de cause, sur sa demande, la société Belat et Desprat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 2 mai 2000), que la société Rebours ayant confié à la société SIPA la maîtrise d'oeuvre d'une chaîne de production destinée à la fabrication d'omelettes pré-cuites, la société SOCA, titulaire d'une police de responsabilité auprès de la compagnie UAP, aux droits de laquelle est la société Axa Courtage, a été chargée de la fourniture de machines dites "operculeuses" permettant de sceller les barquettes contenant le produit fini ; que, se plaignant de diverses malfaçons de cet outil de production la société Rebours a poursuivi l'indemnisation de son préjudice ; que par arrêt du 6 février 1996, complété le 11 février 1997, la cour d'appel a déclaré la société SOCA responsable des désordres affectant les "operculeuses" ;
que cette société avait entre-temps été placée en redressement judiciaire, M. X..., étant désigné en qualité d'administrateur, et la SCP Belat et Desprat, en celle de représentant des créanciers, puis a fait l'objet d'un plan de continuation, arrêté le 30 mai 1997 ; que, statuant au vu notamment des conclusions de l'expertise qu'elle avait ordonnée par son précédent arrêt, la cour d'appel a arrêté le chiffrage des préjudices incombant à la société SOCA, et mis hors de cause la société Axa en retenant qu'elle était fondée en son refus de garantie ;
Sur le premier moyen des pourvois principal et incident :
Attendu que M. X... et la société SOCA font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur contestation, sans qu'il y ait lieu à nouvelle expertise, et fixé le préjudice subi par la société Rebours au titre des désordres affectant les "operculeuses" à la somme de 385 000 francs, alors, selon le moyen, que la réparation ne saurait excéder le montant du préjudice ;
qu'en l'espèce, il était constant que l'expert avait évalué à 350 000 francs le coût nécessaire à l'achat d'une nouvelle "operculeuse", ainsi qu'à l'adaptation avec reprise des anciennes ; que les exposantes soutenaient dans leurs conclusions d'appel que ce chiffrage ne pouvait être retenu dès lors que l'expert n'avait nullement précisé si, s'agissant de la reprise des anciennes machines, l'évaluation globale effectuée avait pour base leur valeur à l'état neuf ; qu'ils soutenaient en effet que, compte tenu de l'état d'abandon dans lequel se trouvaient les anciennes "operculeuses", dans l'hypothèse où la valeur de reprise avait été calculée en fonction de leur valeur à l'état neuf, l'évaluation de l'expert aboutissait nécessairement à l'enrichissement indu de la société Rebours ; qu'en se bornant dès lors à affirmer, sans qu'il y ait lieu à nouvelle expertise, que le coût de la remise en état des "operculeuses" devait être chiffré à 385 000 francs, sans nullement s'interroger, comme elle y était pourtant invitée, sur la question de savoir si l'allocation au maître de l'ouvrage, non seulement du coût d'achat d'une "operculeuse" plus performante, mais encore du coût d'adaptation avec reprise des anciennes, dont la valeur de reprise n'était pas précisée, n'excédait pas le montant du préjudice en réalité subi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la remise en état de la chaîne de production ne pouvait être valablement envisagée, ni techniquement, ni financièrement, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé la nécessité de procéder à un remplacement du matériel initial par un matériel plus performant, ainsi que la nécessité d'adapter ce dernier et de procéder à la reprise des anciennes machines, puis souverainement évalué les valeurs de remplacement et de reprise, a répondu aux conclusions prétendument délaissées, et légalement justifié sa décision d'accorder réparation de ces différents chefs de préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen des pourvois, tant principal qu'incident :
Attendu que M. X... et la société SOCA font en outre grief à l'arrêt, d'avoir déclaré la société Axa fondée en son refus de garantie des désordres imputés à la société SOCA, et de l'avoir en conséquence mise hors de cause, alors, selon le moyen, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la clause d'exclusion 2-3-2 figurant dans la police d'assurance souscrite par la société SOCA auprès de l'UAP, aux droits de laquelle venait la compagnie Axa Courtage, stipulait que n'étaient pas garantis, d'une part, "le coût de remplacement et la remise en place des fournitures et matériels utilisés pour l'exécution de travaux chez les clients" (2-3-2-3), d'autre part, "les frais engagés en vue de remédier aux vices de conception ou de fabrication de produits, de même qu'aux défectuosités de l'installation, de la réparation ou des opérations d'entretien" (2-3-2-4), enfin "les réclamations émanant des utilisateurs des produits livrés et des travaux effectués, fondées sur le fait que ces produits ou travaux ne remplissent pas les fonctions ou ne satisfont pas à la finalité promise par l'assuré, dans la mesure où ces réclamations ne portent pas sur la réparation des dommages corporels, matériels ou immatériels directement entraînés par l'altération des produits ou la défectuosité des travaux" (2-3-2-5) ; qu'il en résultait que les réclamations émanant des utilisateurs des produits livrés, fondées sur le fait que ces produits ne remplissaient pas les fonctions ou ne satisfaisaient pas à la finalité promise par l'assuré entraient dans le champ de la garantie, dès lors qu'elles portaient sur la réparation des dommages matériels ou immatériels directement entraînés par l'altération des produits livrés , que dès lors, en déclarant pour rejeter la demande de garantie de la compagnie Axa Courtage formée par les exposants, à l'instar du maître de l'ouvrage, des dommages matériels et immatériels causés par les "operculeuses" livrées à la société Rebours, que l'exclusion stipulée à l'article 2-3-2 du contrat d'assurance visait le remplacement ou la réparation du produit livré, seuls demeurant dans le champ de la garantie les dommages causés par le produit livré, la cour d'appel a dénaturé ladite clause, et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la société Rebours n'ayant poursuivi que l'indemnisation du coût des travaux de réfection des "operculeuses", à l'exclusion de tout dommage matériel ou immatériel consécutif, et la cour d'appel n'ayant prononcé que de ce chef, le moyen portant sur la dénaturation des stipulations réglant la garantie de tels dommages matériels ou immatériels manque par le fait qui lui sert de base ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Condamne M. X... et la société SOCA aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la société Axa Courtage la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille quatre.