AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X... a été engagée par la société Segec le 10 juillet 1989 en qualité d'assistante de révision au coefficient 195 prévu par la Convention collective des experts comptables ; que le contrat de travail précise en son article 06 intitulé horaire : "l'horaire est celui en usage dans la société et dont Mme X... déclare avoir pris connaissance" et en son article 07 intitulé rémunération : "Votre rémunération sera de 10 000 francs brut par mois" ; qu'à compter de janvier 1990 le montant de la rémunération a été porté à 150 000 francs brut par an ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes en paiement notamment d'heures supplémentaires et de rappel de salaires ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 30 avril 2001) d'avoir limité le montant des heures supplémentaires dues par la société Segec et celui des congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1 / que c'est à celui qui invoque l'existence d'une convention de forfait d'en rapporter la preuve, l'existence d'une telle convention ne se présumant pas ; qu'en tenant pour acquise l'existence d'une convention de forfait acceptée par Mme X..., au motif que son contrat de travail faisait référence à l'horaire de travail en vigueur dans l'entreprise dont la salariée confirmait avoir pris connaissance, et qu'il faisait suite à un contrat à durée indéterminée, alors que la seule connaissance d'un usage relatif à l'horaire de travail n'établissait ni l'existence d'une convention de forfait, ni a fortiori, son acceptation par la salariée, et que la société Segec n'invoquait pas même l'existence d'une telle convention, la cour d'appel a violé les articles L. 212-5 du Code du travail et 1315 du Code civil ;
2 / que le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord entre l'employeur et le salarié mais non d'un usage d'entreprise, inopposable à ce dernier ; qu'en admettant l'existence d'une convention de forfait entre la société Segec et Mme X... alors qu'elle avait seulement constaté que le contrat de travail de la salariée se bornait à faire référence à "l'horaire de travail en usage dans la société", sans en préciser la durée ni les caractéristiques, la cour d'appel a ainsi rendu opposable à Mme X... un usage d'entreprise et violé l'article L. 212-5 du Code du travail et l'article 1134 du Code civil ;
3 / que l'existence d'une convention de forfait ne se présumant pas, la seule constatation d'un salaire perçu d'un montant supérieur au salaire conventionnel augmenté des heures supplémentaires réclamées ne permet pas de conclure à l'existence de celle-ci ; qu'en énonçant, pour la débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et de congés payés y afférents, que la rémunération perçue par Mme X... était au moins égale à ce à quoi elle pouvait prétendre au titre de la rémunération des heures accomplies dans le cadre de l'horaire normal de travail, majorée de la rémunération des heures supplémentaires décomptées et calculées selon le salaire minimum conventionnel correspondant au coefficient qui lui avait été affecté, la cour d'appel a violé l'article L. 212-5 du Code du travail et l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que si la seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser la convention de forfait, la cour d'appel qui, en l'espèce, a, d'une part, relevé que le contrat de travail fixe une rémunération forfaitaire et fait référence à l'horaire de travail en vigueur dans l'entreprise dont la salariée confirmait avoir pris connaissance, et, d'autre part, constaté que la rémunération était au moins égale à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir augmentée des heures supplémentaires, a, sans encourir les griefs du moyen, estimé que l'employeur rapportait la preuve d'une convention de forfait ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la salariée de l'ensemble de ses prétentions au titre des heures supplémentaires et de l'avoir condamné au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen :
1 / que, selon l'article L. 212-4 du Code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que le temps passé par le salarié pour se rendre de son domicile à son lieu de travail n'est, en conséquence, pas du temps de travail effectif ; qu'en croyant néanmoins pouvoir qualifier, en l'espèce, ce temps comme tel, au motif que les temps de déplacement de la salariée auraient dépassé en durée le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoyait pas, a violé l'article susvisé ;
2 / que, selon l'article L. 223-11 du Code du travail, l'indemnité afférente aux congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ; qu'en évaluant à la somme de 31 969,93 francs les congés payés afférents aux heures supplémentaires que la salariée aurait effectuées alors que sa rémunération totale pour ces heures s'élevant à 31 969,31 francs, les congés payés afférents ne pouvaient être évalués qu'à la somme de 3 196,93 francs, la cour d'appel a violé l'article L. 223-11 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté que les déplacements de la salariée, qui devait se rendre régulièrement à Lyon, Marseille, Lille, Paris, auprès d'entreprises clientes de l'employeur et à la demande de ce dernier, étaient effectués hors période de travail et dépassaient en durée le temps normal du déplacement entre le domicile et le lieu de travail habituel, a exactement décidé qu'ils devaient être assimilés à un temps de travail effectif ;
Et attendu, ensuite, que la deuxième branche dénonce une erreur matérielle qui ne peut être réparée que selon les dispositions de l'article 462 du nouveau Code de procédure civile ;
Que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille quatre.