AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° E 02-18.182 et n° F 02-18.160 respectivement formés par la société Ateliers de la chaînette et la BNP Paribas qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (3e chambre, 20 décembre 2000, pourvois n° N 98-13.927 et n° V 99-10.948), qu'avant sa mise en redressement judiciaire, la société Farkas engineering a cédé, selon les modalités de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, à la BNP, aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas, les créances qu'elle détenait sur la société Sochata Snecma, aux droits de laquelle se trouve la société Snecma services, au titre de travaux que celle-ci lui avait confiés pour la fourniture et l'installation "clé en mains" d'ateliers de lavage et d'attaques chimiques et qu'elle avait partiellement sous-traités à la société Sodistal, aux droits de laquelle se trouve la société Ateliers de la chaînette ; que celle-ci, qui n'était pas payée de ses prestations, a exercé l'action directe contre le maître de l'ouvrage ; qu'en cours d'instance, elle a formé contre ce dernier une demande additionnelle en réparation fondée sur l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et mis en cause la responsabilité délictuelle de la BNP Paribas, lui reprochant les conditions dans lesquelles elle avait souscrit la cession des créances afférentes aux travaux sous-traités ; qu'ayant constaté que l'action directe ne pouvait pas être accueillie puisque le maître de l'ouvrage ne détenait plus de fonds disponibles à la date où elle avait été exercée et jugé que l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 était inapplicable, la cour d'appel, infirmant le jugement déféré, a ordonné à la société Ateliers de la chaînette de restituer à la société Snecma services les fonds perçus en exécution de celui-ci, cependant qu'elle déclarait la BNP Paribas responsable du préjudice subi par le sous-traitant pour avoir été privé des sommes qu'il aurait perçues si le cautionnement avait été fourni et avoir dû exposer de multiples frais de procédure pour parvenir à son indemnisation ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° E 02-18.182 :
Attendu que la société Ateliers de la chaînette fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande qu'elle avait formée contre la société Snecma services, alors, selon le moyen, que dès lors qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que les travaux sous-traités s'inscrivaient dans le cadre de la fourniture et du montage d'ateliers de lavage et d'attaques chimiques, intégrés par scellement au sol et sur les parois à une construction immobilière industrielle, comprenant des travaux de cuverie, de charpente au sol et aérienne, de ventilation, d'installation électrique complexe et de réseaux de fluide incorporés au bâtiment, avec mise en place de ponts roulants suspendus ou posés avec palans circulant sur des chemins de roulement, la cour d'appel ne pouvait, parce que l'objet du contrat n'était pas la construction immobilière elle-même, ou parce que les parties s'étaient référées aux conditions d'achat de matériel à usage industriel, exclure la réalisation de travaux du bâtiment et de génie civil, dont l'exécution était au contraire caractérisée par ses propres constatations, sans priver sa décision de toute base légale au regard de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'un côté, que les marchés passés entre la société Snecma services et la société Farkas engineering avaient pour objet la réalisation d'équipements industriels, la commande portant sur la fourniture et le montage d'ateliers de lavage et d'attaque chimique, et non sur la construction, dont ces équipements étaient totalement distincts, des bâtiments destinés à les recevoir édifiés sous la maîtrise d'ouvrage d'un tiers, que les différents scellements au sol ou dans les parois des équipements fournis, effectués par la réalisation de trous ou de pose de platines, ne caractérisaient pas, du fait de leur banalité et de leur simplicité, des travaux de bâtiments au sens de la loi du 31 décembre 1975 et que les éléments de charpente aérienne, distincts de la toiture et propres à la circulation des ponts roulants, ne constituaient pas davantage de tels travaux, et d'un autre côté, que les travaux de génie civil avaient été exclus de la sphère d'intervention de la société Farkas engineering par les cahiers des charges techniques contractuels stipulant que ne faisaient pas partie des commandes "les amenées des fluides au sein des ateliers, la distribution et l'arrivée des puissances électriques sur les différentes armoires électriques, les travaux de génie civil et le revêtement anti-acide des sols (fosse, tranchée, passage plus traversées des murs etc...), les liaisons à la station des effluents, les travaux de percement de la toiture ou toute modification ou accrochage sur le toit, le renforcement éventuel des fermes, les travaux de renforcement des charpentes et de toiture éventuels, l'aménagement des aires de stockage pièces etc...", ce que corroboraient les tableaux généraux prévisionnels de réalisation établis par la société Farkas engineering mentionnant que les travaux de génie civil relevaient du domaine d'intervention de la société Snecma services, et que les travaux dont la société Ateliers de la chaînette se prévalaient à ce titre, n'étant pas extérieurs mais intérieurs aux bâtiments, ne pouvaient correspondre à des travaux publics, la cour d'appel, qui a pu en déduire que les travaux exécutés n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le premier moyen du pourvoi n° F 02-18.160 :
Attendu que la BNP Paribas fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à indemniser la société Ateliers de la chaînette, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le pourvoi formé par la société Ateliers de la chaînette contre l'arrêt rendu le 19 juin 2002, du chef de cet arrêt ayant ordonné la restitution par cette société à la société Snecma services de la somme de 68 010,65 euros entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant condamné BNP Paribas à payer à la société Ateliers de la chaînette la somme de 122 466 euros, en considération du lien de dépendance nécessaire unissant ces dispositions de l'arrêt attaqué, et ce, par application des dispositions de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le pourvoi formé par la société Ateliers de la chaînette contre l'arrêt attaqué ayant été rejeté, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ;
Mais sur le second moyen du pourvoi n° F 02-18.160, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
Attendu que, lorsqu'elle porte sur des créances détenues par l'entrepreneur principal à l'encontre du maître de l'ouvrage au titre de travaux que cet entrepreneur n'a pas exécutés personnellement, la cession de créance est, dans cette mesure, inopposable au sous-traitant concerné ;
Attendu que pour condamner la BNP Paribas à réparer le préjudice subi par la société Ateliers de la chaînette pour avoir été privée des sommes que la fourniture d'un cautionnement par la société Farkas engineering lui aurait permis de percevoir et avoir été contrainte d'exposer les frais de procédure lui ayant permis de faire reconnaître ses droits, l'arrêt retient que la banque cessionnaire a commis une faute en se désintéressant des conditions de la cession de créance ainsi qu'en s'abstenant de veiller au respect par le cédant de ses obligations d'entrepreneur principal ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans la mesure où la cession litigieuse était inopposable et que la BNP Paribas ne pouvait lui opposer aucun droit sur les sommes payées par la société Snecma services au titre des prestations sous-traitées, cette cession ne pouvait, par elle-même, avoir été source d'aucun préjudice pour la société Ateliers de la chaînette, ce dont il résultait que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle de la banque ne se trouvaient pas réunies, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais dans ses seules dispositions faisant grief à la BNP Paribas, l'arrêt rendu le 19 juin 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Ateliers de la chaînette (ADC) aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Ateliers de la chaînette (ADC) à payer la somme de 1 800 euros à la société Snecma services et une somme de même montant à la BNP Paribas ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille quatre.