AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois juin deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 18 février 2004, qui, après condamnation de René X... pour fraude fiscale, a sursis à statuer sur ses demandes ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 avril 2004, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1745 du Code général des impôts, des articles L. 621-44, L. 621-46 et L. 622-32 du Code de commerce, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble le principe de l'indépendance de l'action publique et des procédures relatives à l'établissement et au recouvrement de l'impôt, défaut de motifs ;
"en ce qu'après avoir déclaré René X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt attaqué a statué sur la demande de la Direction générale des impôts et de la Direction des services fiscaux et les a invitées à justifier d'une déclaration de créance au passif personnel de René X... puis renvoyé l'affaire à une audience ultérieure ;
"aux motifs que, "la cour d'appel saisie constate en effet que René X... a été admis à titre personnel au bénéfice du redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Thonon-les- Bains du 5 avril 2002 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 11 mars 2003 ; que la Direction générale des impôts ne justifie pas avoir déclaré sa créance née des droits de TVA éludés au passif personnel de René X... ainsi que l'article L. 621-44 du Code de commerce le prescrit, l'absence de production dans le cadre de la procédure collective ayant pour effet d'éteindre la dette en vertu de l'article L. 621-46 du même Code ;
qu'en l'état des éléments produits, la Cour ne peut condamner solidairement la SARL Maisons Individuelles Conseil et René X... au paiement de la somme de 520 915 francs ; qu'il y a lieu de rouvrir les débats et d'inviter la Direction générale des impôts à justifier de sa déclaration de créance au passif personnel de René X... et des éventuelles démarches processuelles qu'elle aura engagées, telle le cas échéant qu'action en relevé de forclusion, en vue de recouvrer son dû ; qu'en outre l'article L. 622-32 du Code de commerce permet au trésor public, postérieurement au jugement de clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actifs, de poursuivre en paiement le débiteur pénalement condamné pour fraude fiscale ; que les parties voudront bien conclure sur le point de savoir si le prévenu pourrait opposer au fisc l'absence de déclaration de créance à son passif personnel en cas de mise en oeuvre ultérieure à son encontre par le trésor public des dispositions précitées de l'article L. 622-32 du Code de commerce" ;
"alors que, dès lors, qu'il constate que le prévenu est coupable de fraude fiscale, le juge répressif, sur la demande de l'Administration, doit se prononcer sur la solidarité avec le redevable légal de l'impôt sans pouvoir exiger de l'Administration qu'elle justifie, le cas échéant, d'une déclaration de créance au passif de la procédure collective affectant le prévenu ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes et principe susvisés" ;
Vu les articles 1745 du Code général des impôts et L. 232 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre d'un prévenu ne fait pas obstacle au prononcé de la solidarité prévue par l'article 1745 précité, mesure à caractère pénal sans incidence sur la détermination des droits dus et sur l'obligation pour l'Administration de déclarer sa créance à la procédure collective ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'après avoir déclaré René X... coupable de fraude fiscale, en sa qualité de gérant de fait de la société Maisons individuelles conseil, les juges du second degré ont sursis à statuer sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile, tendant à ce que le prévenu soit déclaré solidairement tenu, avec la société, redevable légal, au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes, et ont renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure pour permettre à l'administration des Impôts de justifier de la déclaration de sa créance au passif de la procédure de redressement judiciaire de René X..., ouverte par jugement du 5 avril 2002, ou de l'introduction d'une action en relevé de forclusion ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 18 février 2004, mais en ses seules dispositions relatives aux demandes de l'administration des Impôts, partie civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Cahambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;