AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été engagé le 1er juin 1987 par la Société générale d'édition (SGE) devenue en dernier lieu société Precom, en qualité de représentant exclusif chargé de la prospection et annonces publicitaires pour le compte du journal "Le Marin" édité par la société Ouest-France ; qu'il a été licencié par la société SGE le 4 octobre 1990 et a saisi la juridiction prud'homale ; qu'un premier arrêt a été rendu (Versailles, 2 mai 1997) et cassé partiellement par arrêt n° 1693 P de la Cour de cassation du 18 avril 2000 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Angers, 8 janvier 2002) d'avoir mis hors de cause la société Ouest-France et de l'avoir ainsi débouté de ses demandes alors, selon le moyen :
1 ) que l'employeur est celui qui exerce sur le salarié les pouvoirs de direction et de surveillance ; qu'en se bornant à constater, par des motifs inopérants, que la SGE et la Société d'Editions Ouest France avaient des rapports réguliers dans le cadre d'un même groupe et qu'il était normal que M. X... travaillat dans les locaux du Marin et sur son papier à en-tête, sans rechercher, comme l'y invitait le salarié dans ses conclusions d'appel, si la Société d'Editions Ouest-France n'exerçait pas sur lui un pouvoir de direction et de surveillance, conjointement avec la SGE, par l'intermédiaire de l'encadrement du Marin, quand elle s'est par ailleurs exclusivement fondée sur des courriers de MM. Y... et Z..., secrétaires généraux de la publication Le Marin, pour considérer que le licenciement de M. X... était justifié par l'absence d'envoi à ces personnes de ses rapports d'activité et de ses notes de frais, cette absence d'envoi à ces personnes les empêchant d'exercer leur contrôle sur les résultats de M. X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2 ) qu'exerce un pouvoir de direction et de surveillance caractérisant la qualité d'employeur, l'entreprise qui reproche à un salarié, par des notes internes et des courriers recommandés, de ne pas lui adresser de rapports d'activité ni de notes de frais, et qui lui enjoint de les lui adresser, ces notes internes et courriers ayant servi, par la suite, à titre exclusif, de base au licenciement prononcé par une autre entreprise ayant la qualité d'employeur conjoint ; qu'ayant relevé que le licenciement prononcé par la SGE était justifié par les notes internes et courriers adressés par MM. Y... et Z..., secrétaires généraux du Marin, reprochant au salarié de ne pas leur adresser de rapports d'activité ni de notes de frais et lui enjoignant de régulariser son attitude à cet égard, ce dont il se déduisait que ces cadres exerçaient un pouvoir de direction et de surveillance sur M. X..., la cour d'appel, qui a cependant considéré que la SGE était le seul employeur de M. X..., à l'exclusion de la Société d'Editions Ouest France par l'intermédiaire du Marin, a violé, par fausse application, les articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu, qu'après avoir constaté que les sociétés Ouest France, SGE et le Marin appartenaient au même groupe de sociétés, que M. X... avait été engagé par la SGE, laquelle lui versait ses salaires et l'avait chargé de la prospection et annonces publicitaires pour le compte du journal "Le Marin", que les courriers étaient adressés à la SGE laquelle avait procédé au licenciement, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Ouest-France devait être mise hors de cause ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1 ) que ne constitue pas une faute le fait pour le salarié de ne pas fournir de rapport d'activité ni de notes de frais, dès lors que cette abstention n'a pas été reprochée au salarié pendant une longue période, et qu'en outre, le contrat de travail ne prévoit pas l'obligation de fournir de tels documents ; qu'après avoir constaté que l'article 6 du contrat de travail de M. X... prévoyait seulement que celui-ci devait tenir la SGE informée de son activité, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme l'y invitaient les conclusions d'appel du salarié, si l'absence de fourniture des documents litigieux n'était pas dénuée de tout caractère fautif, dès lors, en premier lieu, que son contrat de travail ne lui imposait pas expressément une telle fourniture et, en second lieu, qu'aucun reproche ne lui avait été présenté sur ces points pendant trois années, et qu'il communiquait journellement par téléphone ses rapports d'activité à la responsable de clientèle du Marin, selon le processus en vigueur depuis toujours, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
2 ) que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en considérant que l'article 6 du contrat de travail de M. X... imposait à celui-ci de fournir régulièrement à l'employeur des rapports d'activité et des notes de frais, quand l'article 6, alinéa 1, de ce contrat de travail imposait seulement au salarié de tenir la SGE régulièrement au courant de son activité, la cour d'appel, qui a ajouté au contrat de travail des obligations à la charge du salarié qu'il ne prévoyait pas, a dénaturé les termes clairs et précis de la clause contractuelle précitée ; que la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
3 ) que le juge doit, par une décision motivée, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur au vu des éléments fournis par les deux parties ; qu'en se bornant à reprendre les termes mêmes des conclusions d'appel de la société Precom, la cour d'appel, qui n'a, ce faisant, pas procédé à une analyse propre des faits de la cause dont elle aurait tiré une déduction juridique propre après avoir examiné par elle-même les éléments fournis par les deux parties, n'a pas usé des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... ne faisait parvenir à son employeur ni ses rapports journaliers d'activité ni ses notes de frais hebdomadaires malgré de nombreuses remarques verbales et écrites, la première en date du 9 mars 1998 (en réalité 1988) la cour d'appel, sans encourir aucun des griefs du moyen, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a décidé, que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quatre.