AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., engagé le 19 novembre 1993 en qualité de chauffeur de taxi, par la société Taxis de la Seine, a, le 24 août 2000, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution du contrat de travail et a été licencié le 24 mars 2001 ;
Sur les premier et deuxième moyens, réunis :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à M. X... diverses sommes à titre de rappels de salaire, heures supplémentaires, compléments d'indemnités de rupture et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1 / qu'en raison de la spécificité de la profession des chauffeurs de taxi parisiens qui ont pour seule obligation de respecter une amplitude de travail de 10 heures correspondant à un temps de mise à disposition du taxi mais dont le temps de travail ne peut être contrôlé que par la recette réalisée, leur rémunération composée d'un fixe journalier et d'un pourcentage sur les recettes, est fixée par la Préfecture de Police de Paris de telle sorte que si le chauffeur de taxi effectue un nombre d'heures de travail suffisant, sa rémunération est au moins égale au SMIC, ce qui correspond à un horaire de travail effectif de 6 heures 40 minutes pour une amplitude de travail de 10 heures, que la cour d'appel en se prononçant au motif inopérant d'un horaire d'équivalence qui n'avait pas vocation à s'appliquer en la cause, pour dénier toute portée à l'horaire de 6,66 heures (soit 6 heures 40 minutes) a violé par fausse application les articles L. 212-2 et L. 212-4 du Code du travail ;
2 / que le SMIC est la garantie d'une rémunération horaire minimale correspondant au temps de travail effectif, que s'agissant des chauffeurs de taxi parisens dont la rémunération perçue permet de déterminer le temps de travail effectif, il en résulte que si M. X... perçoit une rémunération mensuelle inférieure au SMIC, ce que la cour d'appel a expressément relevé, c'est en raison d'un nombre d'heures de travail effectif nécessairement inférieur à la durée légale du travail, qu'en décidant que M. X... avait droit à une rémunération au moins égale au montant du SMIC, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant, a violé les articles L. 141-10, L. 141-11 et D. 141-3 du Code du travail ;
3 / que seules les heures supplémentaires de travail effectif accomplies au-delà de la durée légale de travail donnent lieu à rémunération, qu'en condamnant la société les taxis de la Seine à payer des heures supplémentaires en retenant la durée théorique de 8,8 heures figurant dans le contrat de travail, alors qu'il résultait du montant des recettes réalisées par M. X... que celui-ci n'avait même pas effectué le nombre d'heures suffisant pour atteindre le SMIC et donc ne pouvait avoir réalisé des heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article L. 212-5 du Code du travail ;
4 / que le paiement d'heures supplémentaires suppose l'accord, au moins implicite, de l'employeur, qu'en l'espèce, la société les Taxis de la Seine n'a jamais donné un tel accord, dès lors en condamnant l'employeur au paiement d'heures supplémentaires sans avoir relevé son accord, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 212-5 du Code du travail ;
5 / que la rémunération de M. X... révélait son insuffisance de travail ; dès lors l'insuffisance de résultats de M. X... constituait bien une cause réelle et sérieuse de licenciement que la cour d'appel ne pouvait l'exclure au motif erroné que même si la recette avait été conforme aux prescriptions du contrat M. X... n'aurait pas été rempli de ses droits au regard du SMIC et considérer que le véritable motif ne pouvait être que la conséquence de sa réclamation à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires, que ce faisant, elle a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé que l'horaire journalier de travail de M. X... était fixé, aux termes du contrat de travail, à 8h80 avec une amplitude maximale de 10 heures, contrôlée par l'employeur en fonction de l'heure de sortie du taxi et de sa rentrée dans l'entreprise et sur les bulletins de salaire de l'intéressé mentionnant une durée journalière, résultant d'un usage professionnel, de 6,66 heures avec la même amplitude de travail, la cour d'appel, écartant à juste titre l'application de cet usage, contraire aux stipulations contractuelles, a exactement décidé que l'intéressé devait percevoir une rémunération au moins égale au SMIC ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, par une appréciation des éléments de fait relatifs à la durée effective du travail de M. X..., a retenu que celui-ci avait accompli des heures supplémentaires dont elle a ordonné le paiement ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel, après avoir retenu que le grief fait à M. X... n'était que la conséquence de sa réclamation relative aux salaires, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, a décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 1134, alinéa 3, du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour harcelèmenet moral, la cour d'appel s'est bornée à retenir que M. X... s'est vu infliger deux sanctions disciplinaires irrégulières en l'espace d'un mois et 4 jours ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le comportement de l'employeur, tel que constaté par la cour d'appel, relevait de l'exercice de son pouvoir disciplinaire, ne caractérisait pas à lui seul un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au harcèlement moral, l'arrêt rendu le 15 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société des Taxis de la Seine aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quatre.