AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Imprimerie Gougenheim publicité a engagé M. Olivier X... à effet du 1er septembre 1996, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de représentant exclusif, puis de chef des ventes ; que ce contrat de travail comportait une clause de non-concurrence sur une période de 2 ans assortie d'une contrepartie financière ainsi qu'une pénalité à la charge du salarié ; que le salarié a démissionné par lettre du 11 juillet 2000 ; qu'il a effectué son préavis jusqu'au 26 septembre 2000 ; qu'il a été engagé par la société Méditéo qui était concurrente de la société Gougenheim ; que cette dernière société, à partir du mois d'octobre 2000, a établi des bulletins de salaire portant mention du versement de la contrepartie financière, mais a opéré d'office une compensation avec une créance qu'elle disait avoir sur le salarié ; que, soutenant avoir appris le 8 mars 2001 que le salarié ne respectait pas la clause de non-concurrence, la société Gougenheim a saisi la juridiction prud'homale en référé sur le fondement de l'article R. 516-31 du Code du travail ;
Attendu que la société Imprimerie Gougenheim fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 13 mars 2002) d'avoir estimé qu'il n'y avait pas trouble manifestement illicite, et qu'il n'y avait pas lieu à ordonner la cessation des violations de la clause de non-concurrence et d'avoir rejeté en conséquence la demande de provision, alors, selon le moyen :
1 / que le salarié qui, dès la rupture de son contrat de travail, a violé son obligation de non-concurrence ne peut pas prétendre au versement de l'indemnité compensatrice correspondante ; que le salarié ne pouvant se prévaloir de l'absence de paiement d'une indemnité à laquelle il n'avait pas droit, une telle méconnaissance de la clause de non-concurrence constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, dès le mois d'octobre 2000, au lendemain de la fin de son préavis, le salarié avait été embauché par une société nouvellement créée, concurrente de son ancien employeur ; qu'il en résultait nécessairement que, le salarié ayant immédiatement méconnu ses obligations, l'employeur était libéré, dès l'origine, de son obligation de payer l'indemnité contractuelle de non-concurrence et que l'absence de paiement ne pouvait faire perdre aux actes de concurrence leur illicéité manifeste ; qu'en jugeant cependant qu'il n'y avait pas lieu à référé faute de trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les articles R. 516-31 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2 / que le salarié qui, dès la rupture de son contrat de travail, a méconnu son obligation de non-concurrence ne peut pas prétendre au versement de l'indemnité compensatrice correspondante ;
qu'il n'est donc pas sérieusement contestable que le salarié auteur d'un tel manquement est débiteur envers son employeur des indemnités contractuellement mis à sa charge en cas de violation de la clause de non-concurrence ; qu'en conséquence, après avoir constaté que dès la fin de son préavis le salarié avait commis des actes de concurrence en violation de la clause de non-concurrence, la cour d'appel, statuant en référé, ne pouvait pas en l'espèce rejeter les prétentions indemnitaires de l'employeur ; qu'en effet, le salarié ayant méconnu ses obligations, l'employeur était libéré, dès l'origine, de son obligation de payer l'indemnité contractuelle de non-concurrence sans qu'aucune contestation sérieuse ne puisse être tirée du défaut de paiement de l'indemnité de non-concurrence qui n'était pas due ou, a fortiori, de l'impossibilité d'opérer une compensation entre les sommes prétendument dues par l'employeur et celles dues par le salarié ; qu'en jugeant cependant que la demande de l'employeur se heurtait à une contestation sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 516-31 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir constaté que la société Gougenheim n'avait jamais versé la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Imprimerie Gougenheim publicité aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quatre.