AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2001), que la société Factocic, subrogée dans les droits de créance détenus par la société SIA sur la société Air France au titre d'une facture d'un montant de 892 440 francs en date du 31 janvier 1997 à échéance du 31 mai 1997, en a demandé paiement à la société Air France qui lui a opposé le fait que la prestation de la société SIA n'avait été exécutée que partiellement -justifiant l'avoir de 892 440 francs et la nouvelle facture de 468 040,16 francs émis par la société SIA elle-même le 28 avril 1997- et ne lui avait réglé le 19 juin 1997 que cette somme de 468 040,16 francs ;
que la société Factocic a judiciairement demandé à la société Air France le paiement de la somme de 424 400 francs représentant le solde de sa facture ;
Attendu que la société Air France fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer cette somme à la société Factocic, alors, selon le moyen :
1 / que si la subrogation investit le subrogé de la créance primitive avec tous ses avantages et accessoires, celui-ci n'a pas plus de droits que son subrogeant aux lieu et place duquel il agit, si bien que le débiteur poursuivi par le subrogé peut lui opposer les mêmes exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire et peut donc notamment se prévaloir de l'inexécution totale ou partielle de l'obligation objet de la créance cédée ; que la preuve de cette inexécution peut être rapportée par tous moyens ; que, dès lors, en considérant que la société Air France ne pouvait rapporter la preuve de l'inexécution de son obligation par la société SIA par l'avoir et la nouvelle facture établis par cette dernière parce que ces documents comptables n'étaient pas opposables à la société Factocic, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1353 du Code civil ;
2 / que le débiteur cédé est recevable à opposer au créancier subrogé des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant et donc notamment la compensation entre créances connexes dont ils sont réciproquement titulaires ; que l'avoir consenti par le créancier initial sur sa créance cédée, en raison d'une exécution partielle de son obligation, s'il ne peut remettre en cause le montant nominal de cette dernière, n'en constitue pas moins, pour le débiteur cédé, une créance connexe à la créance initiale cédée et opposable comme telle au créancier subrogé ; que, dès lors, en considérant que la société Air France ne pouvait se prévaloir de l'avoir établi par la société SIA dans le cadre du marché ayant fait l'objet de la créance cédée (à) la société Factocic parce que ce document comptable n'était pas opposable à cette dernière, la cour d'appel a violé les articles 1252 et 1289 du Code civil ;
3 / que, tenue de rechercher dans quelle mesure la société Air France, débiteur cédé, disposait sur la société SIA d'une créance connexe de celle que cette dernière avait cédée à la société Factocic, du fait que le créancier initial, faute de n'avoir pas fourni la main d'oeuvre promise, n'avait exécuté que partiellement sa prestation objet de la créance cédée, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que le montant de l'avoir établi par le créancier initial était supérieur au coût de la main d'oeuvre évalué dans la facture cédée, mais devait rechercher si le débiteur cédé ne se prévalait pas d'une créance connexe au moins à concurrence du montant initialement facturé au titre de la main d'oeuvre ;
qu'en s'en abstenant, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 1252 et 1289 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que si les exceptions inhérentes à la créance sont opposables par le débiteur au subrogé, il n'en est pas ainsi lorsque le créancier subrogeant renonce volontairement à sa créance postérieurement à la subrogation ; qu'ayant relevé que la société Air France, pour s'opposer aux droits de la société Factocic, avait fait valoir que la société SIA avait reconnu l'absence de fourniture de main d'oeuvre le 27 avril 1997 en procédant à un avoir et une nouvelle facturation, et ayant constaté qu'à l'égard de la société Factocic, la société SIA n'avait pas le pouvoir de modifier l'étendue des droits qu'elle lui avait cédés, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que l'abandon de créance était postérieur au transfert, par subrogation conventionnelle, de la créance de prix à la société Factocic, a justement décidé que cet abandon de créance était sans effet à l'égard de cette dernière, devenue seule titulaire de droits à l'encontre de la société Air France ;
Et attendu, en second lieu, que les conclusions prises par la société Air France n'avaient nullement invoqué, devant les juges du fond, la compensation de dettes connexes entre le créancier et le débiteur ;
que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Air France à payer à la société Factocic la somme de 2 250 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quatre.