AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2002) rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3, 13 juillet 1999, n° Q 97-16.179 et S 97-16.181, 3 octobre 2000, n° N 97-16.177 et 30 janvier 2001 n° P 97-16.178), que la société Natiocredibail a conclu le 28 septembre 1990 un contrat de crédit-bail immobilier avec la société Hostellerie des Jardins de Bougival, portant sur l'achat d'un terrain et l'édification d'un hôtel ; que la construction a été achevée en novembre 1991 mais que l'hôtel n'a pas pu être exploité ; que le crédit-preneur ayant été déclaré en redressement judiciaire, la société Natiocredibail a produit sa créance au titre des échéances impayées et de l'indemnité de résiliation à la procédure collective et a assigné en paiement MM. X..., Y..., Z... et A..., qui s'étaient portés cautions solidaires de la société crédit-preneuse au prorata de leur participation dans le capital ;
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. B..., X..., Y... et A... font grief à l'arrêt de les condamner, après avoir écarté l'exception de nullité du contrat de crédit-bail immobilier, à payer, à concurrence de leur engagement de caution, la somme de 2 865 199 francs à la société Natiocredibail, alors, selon le moyen :
1 ) qu'est nul le contrat de crédit-bail immobilier qui, sous couvert d'une clause de résiliation anticipée à la demande du preneur, tend à faire supporter à celui-ci toutes les obligations résultant de l'exécution du crédit-bail, et le prive d'une faculté effective de résiliation ;
qu'en l'espèce, le contrat prévoyait qu'en cas de résiliation à la demande du preneur, ce dernier devrait verser le montant de la "valeur financière résiduelle du contrat" à la date de la résiliation ; que les parties s'opposaient sur la définition de la notion de "valeur financière résiduelle du contrat" ; que, pour rechercher si les sommes dues à ce titre n'équivalaient pas, dans leur montant, à celles qui étaient dues par le preneur en cas d'exécution normale du contrat, la cour d'appel est partie du postulat, exclusivement étayé par l'affirmation de Natiocredibail et par un simple tableau établi par le crédit-bailleur pour les besoins de la cause, que la "valeur financière résiduelle" correspondait au montant du capital restant dû ; qu'en s'abstenant cependant de déterminer, par une analyse des termes du contrat et de l'intention des parties, ce que recouvrait la notion de "valeur financière résiduelle du contrat ", elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1-2, alinéa 2, de la loi du 2 juillet 1966 devenu L. 313-9 du Code monétaire et financier, ensemble des articles 1134 et 1156 du Code civil ;
2 ) que les cautions soutenaient que "la notion de "valeur financière résiduelle du contrat " recouvrait les loyers restant à échoir et la valeur résiduelle des biens loués" ; qu'ainsi, en retenant que les "bases contractuelles" du tableau produit par Natiocredibail assimilant la valeur financière résiduelle au montant du capital restant dû n'étaient pas "précisément discutées", la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'en page 43 du contrat de crédit-bail figurait un tableau intitulé "clé d'amortissement du dossier Hôtel des Jardins de Bougival" indiquant le montant total de l'investissement, sa durée de quinze ans et comportant deux colonnes, l'une afférente à l'assiette de calcul des intérêts, l'autre aux amortissements financiers sur soixante périodes et qu'en page 41 était précisé le mode de calcul des loyers dont une partie correspondait au remboursement en capital selon la clé d'amortissement et une autre aux intérêts calculés et énumérés dans la première colonne, la cour d'appel, qui a procédé à l'analyse du contrat, a, sans modifier l'objet du litige, retenu, par une interprétation souveraine de la commune intention des parties, que la valeur financière résiduelle du contrat correspondait au capital restant dû ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la société Natiocredibail fondait sa demande au titre de l'indemnité de résiliation sur la résiliation judiciaire du contrat obtenue après constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, et ayant énoncé, à bon droit, que le contrat de crédit-bail ne constituant pas un concours financier, l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ne lui était pas applicable, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions sur la règle de l'égalité des créanciers que ses constatations rendaient inopérantes et qui a souverainement retenu, sans violer le principe de la contradiction ni modifier l'objet du litige, que la date contractuellement prévue pour la mise en exploitation de l'hôtel n'avait pas été respectée du consentement des parties qui attendaient un repreneur, et que la société Natiocredibail justifiait que le calcul des pré-loyers qu'elle avait fait correspondait aux clauses du contrat qui en fixaient le montant, a pu en déduire que l'hôtel n'ayant jamais été exploité, seuls des pré-loyers étaient dus et condamner les cautions, à hauteur de leurs engagements, au paiement de la somme demandée par le crédit-bailleur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la société Natiocredibail, au titre de leur engagement de caution, chacun la somme de 820 166 francs, alors, selon le moyen, que l'indivisibilité entre deux contrats n'a pas pour effet de modifier la nature juridique de chacun d'eux ; qu'en l'espèce, MM. X... et Y... s'étaient portés caution des engagements de la société Hostellerie des Jardins de Bougival au titre du contrat de crédit-bail à compter de sa prise d'effet devant intervenir au plus tard le 1er décembre 1991 ; qu'en qualifiant, sous couvert de l'indivisibilité entre les deux phases de l'opération contractuelle litigieuse, d'obligation découlant du crédit-bail le paiement des préloyers afférents à la période de préfinancement correspondant à la construction de l'immeuble et antérieure à la prise d'effet du crédit-bail, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2015 du Code civil, ensemble l'article 1er de la loi du 2 juillet 1966 devenu L. 313-7 du Code monétaire et financier ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le 1er décembre 1991 était la date prévue pour la mise en exploitation de l'hôtel, et non la date de prise d'effet du contrat de crédit-bail, et constaté que MM. X... et Y... avaient donné procuration en indiquant de leur main sur cet acte qu'ils se portaient caution "en garantie des engagements financiers résultant du contrat de crédit-bail à intervenir", la cour d'appel, qui a retenu, à bon droit, que le contrat de crédit-bail formait un tout indivisible comportant deux phases nécessaires, la première correspondant à la construction de l'immeuble au cours de laquelle seuls des pré-loyers étaient dus et la seconde débutant à la mise en exploitation de l'immeuble au cours de laquelle les loyers rétribuaient l'occupation et que tant les pré-loyers que les loyers constituaient des obligations du crédit-preneur, a pu en déduire que l'engagement des cautions, qui visait toutes les obligations du crédit-preneur dont elles ne pouvaient ignorer les modalités ou l'étendue de l'engagement, étant ses associées, était précis et déterminé, et que MM. X... et Y... devaient payer, à concurrence de celui-ci, l'intégralité des sommes réclamées par le crédit bailleur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne, ensemble, MM. Z..., A..., X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble MM. Z..., A..., X... et Y... à payer à la société Natiocredibail la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de MM. Z..., A..., X... et Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quatre.