AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office :
Vu l'article 92, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles L. 464-7, L. 464-8 et L. 430-9 du Code de commerce ;
Attendu que si l'affaire relève de la compétence du juge administratif, la Cour de cassation peut relever d'office le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par décision n° 02-D-44 du 11 juillet 2002, le Conseil de la concurrence (le Conseil), après s'être saisi d'office de pratiques concernant la situation de la concurrence dans les secteurs de l'eau potable et de l'assainissement, notamment en ce qui concerne la mise en commun des moyens pour répondre à des appels à concurrence, a estimé que les sociétés Compagnie générale des eaux (CGE) et Lyonnaise des eaux (SLDE) avaient contrevenu aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce, et, en application des dispositions de l'article L. 430-9 du Code de commerce a demandé au ministre chargé de l'économie d'enjoindre aux sociétés CGE et SLDE de modifier, compléter ou résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes qui ont conduit ces entreprises à associer leurs moyens dans le cadre des filiales communes qu'elles ont créées conjointement, dans les secteurs de l'eau potable et de l'assainissement ;
Attendu que la cour d'appel a rejeté le recours formé contre cette décision, en estimant mal fondés les moyens soulevés contre l'article 2 par lequel le Conseil a dit qu'il était établi que les sociétés CGE et SLDE ont contrevenu aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce, et en retenant que la suite éventuelle qui sera donnée à la demande du Conseil d'enjoindre aux deux sociétés de modifier, compléter ou résilier dans un délai déterminé tous accords ou tous actes les ayant conduites à associer leurs moyens dans le cadre des filiales communes qu'elles ont créées conjointement, relève de l'appréciation exclusive du ministre de l'Economie, tant dans son principe que dans ses modalités, et qu'il s'ensuit que la décision prise par le Conseil de formuler cette demande ne fait pas grief, de sorte que le recours en annulation formé par la société CGE contre l'article 3 de la décision est irrecevable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des textes susvisés que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 430-9 du Code de commerce ne sont susceptibles que d'un recours devant le juge administratif, la cour d'appel, qui était saisie d'une décision dont le seul objet était la mise en oeuvre des pouvoirs dévolus au Conseil par l'article L. 430-9 du Code de commerce, relatif à la concentration économique, a excédé sa compétence ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de cassation peut, en cassant l'arrêt sans renvoi, mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour connaître du recours ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne la Compagnie générale des eaux aux dépens ;
Met en outre à sa charge ceux afférents à l'instance d'appel ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille quatre.