AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq août deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN- PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 30 juin 2004, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires de BELGIQUE en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé dans le mémoire personnel, pris de la violation de l'article 695-23 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, le mandat d'arrêt européen contient la nature et la qualification juridique de l'ensemble des infractions pour lesquelles l'exécution est demandée par les autorités judiciaires de Belgique ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen de cassation, proposé dans le mémoire personnel, pris de la violation de l'article 695-13 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé dans le mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 695-11, 695-22, 695-23, 695-24, 695-29, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a accordé la remise de Jacques X..., demandée en exécution d'un mandat d'arrêt européen, présenté par le Gouvernement belge, sur le fondement des articles 695-22 et suivants du Code de procédure pénale, émis le 18 juin 2004 par le Procureur du Roi de Bruxelles (Belgique), aux fins d'exécution d'une peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée par un jugement exécutoire du tribunal de première instance de Bruxelles, en date du 18 avril 2002, en répression de faux, usage de faux, escroquerie, abus de confiance, émission de chèque sans provision, détournement d'objets saisis, détournement d'actifs et de comptabilité, avantage accordé à un créancier au préjudice de la masse, défaut de déclaration de faillite, organisation frauduleuse d'insolvabilité, défaut de réponse aux convocations et questions du curateur, infractions commises du 14 octobre 1996 au 21 décembre 2000 ;
"aux motifs que, "Jacques X... a reconnu que le mandat d'arrêt lui était applicable quant à l'identité ; que la peine est supérieure à 4 mois d'emprisonnement et est susceptible d'opposition ; que les faits reçoivent des qualifications prévues par l'article 695-22 du Code de procédure pénale ou sont susceptibles de recevoir une qualification en droit français, à l'exception des faits d'émission de chèques sans provision ; qu'en conséquence, il convient d'accorder l'exécution du mandat d'arrêt pour les faits visés à l'exception de ceux qualifiés d'émission de chèques sans provision" (arrêt, page 5) ;
"alors que, conformément à l'article 695-24- 2 du Code de procédure pénale, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen peut être refusée si la personne recherchée pour l'exécution d'une peine privative de liberté est de nationalité française et que les autorités françaises compétentes s'engagent à faire procéder à cette exécution ; qu'ainsi, en faisant droit, partiellement, à la demande d'exécution du mandat d'arrêt européen concernant Jacques X..., lequel est de nationalité française, sans rechercher si la peine qui lui a été infligée ne pouvait être exécutée par les autorités françaises, et sans inviter ces dernières à faire part de leurs observations à cet égard, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jacques X... s'est vu notifier, le 28 juin 2004, un mandat d'arrêt européen émis, le 18 juin 2004, par le procureur du Roi à Bruxelles pour l'exécution d'une peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée par jugement exécutoire rendu par le tribunal de première instance de ce ressort le 18 avril 2002 ; que, devant la chambre de l'instruction, il n'a pas consenti à sa remise aux autorités judiciaires belges, estimant que ces dernières ne sauraient fonder leur demande sur une décision contre laquelle il pouvait former opposition ;
Attendu que, pour autoriser la remise de l'intéressé, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la chambre de l'instruction, qui n'était pas tenue de rechercher si la peine pouvait être exécutée sur le territoire national, a justifié sa décision sans méconnaître les textes invoqués ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Mais sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation de l'article 695-23, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu que, le mandat d'arrêt européen ne peut être exécuté si le fait, objet dudit mandat, ne constitue pas une infraction au regard de la loi française ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le mandat d'arrêt européen du 18 juin 2004 a été délivré à l'encontre de Jacques X... pour l'exécution d'une peine de cinq ans d'emprisonnement à laquelle l'intéressé a été condamné, non seulement, pour faux et usage de faux, escroquerie, abus de confiance, détournement d'actif et de comptabilité et organisation frauduleuse d'insolvabilité, objets d'une double incrimination, mais également pour des faits d'émission de chèque sans provision, octroi d'un avantage à un créancier au préjudice de la masse, défaut de déclaration de faillite, et défaut de réponse aux convocations et questions du curateur, qui ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale en France ou dont les éléments constitutifs sont différents ;
Attendu que la chambre de l'instruction, qui à l'exception des faits d'émission de chèque sans provision, a néanmoins autorisé la remise de l'intéressé en exécution du mandat d'arrêt européen pour l'ensemble de ces faits, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 30 juin 2004, en ses seules dispositions ayant autorisé la remise de Jacques X... pour avantage accordé à un créancier au préjudice de la masse, défaut de déclaration de faillite et défaut de réponse aux convocations et questions du curateur, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Lemoine conseiller rapporteur, M. Roger conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;