AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X... de ce que, en tant qu'héritiers de Eric X..., qui est décédé le 12 février 2003, ils reprennent l'instance qu'il avait introduite ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2001), Eric X... a été engagé aux Etats-Unis en 1964 en qualité d'attaché de clientèle par la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith ; qu'il a été muté l'année suivante en la même qualité au sein de la filiale parisienne de l'entreprise américaine ; qu'il a bénéficié à compter du 1er janvier 1966 du plan de pension de retraite supplémentaire instauré par la société américaine au bénéfice des salariés de son groupe, quel que soit le lieu de leur affectation ; qu'ayant pris sa retraite à compter du 1er juillet 1987, il a fait convoquer le 25 octobre 1999 son ancien employeur devant la juridiction prud'homale pour avoir paiement d'un rappel de pension de sa retraite supplémentaire et de dommages-intérêts ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir décidé que la loi américaine était applicable au litige et jugé qu'en application de cette loi les demandes de leur auteur étaient irrecevables comme prescrites, alors, selon le moyen :
1 / que la cotisation de l'employeur à un régime de retraite est l'une des contreparties de l'exécution du contrat de travail par le salarié ; que l'employeur qui prend un engagement de garantir un montant de retraite quel que soit l'organisme qui gère l'exécution de cet engagement et quel que soit le droit applicable à cet engagement à cet organisme, reste responsable de l'exécution de cet engagement en application du contrat de travail le liant à son salarié ; qu'en présence d'un contrat de travail de droit français, le régime des avantages issus de l'application de cette relation contractuelle est donc la législation française applicable au statut collectif de la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith ; qu'en se fondant sur le fait que le régime de retraite de l'employeur était géré par la loi de l'Etat de New-York pour décider d'opposer la prescription spécifique à cette loi à M. X... dont le contrat de travail et tous ses attributs et tous ses attributs, y compris ses droits à le retraite, était soumis à la loi française, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / que les lois de police s'appliquent dans les matières où les intérêts sociaux en cause sont si importants que la loi du juge doit s'appliquer selon ses propres dispositions; que les règles qui ont pour but de protéger la collectivité de travail, et plus spécifiquement les droits à la retraite, doivent être considérées comme des lois de police; qu'en décidant que le litige opposant M. X... à la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith, qui portait sur le retrait d'un avantage garantissant les droits à la retraite des salariés, ne mettait pas en jeu une loi de police, la cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil et les articles L. 911-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
3 / qu'en toute hypothèse, quelle que soit la loi choisie par les parties, elle ne peut faire obstacle aux dispositions d'ordre public du pays d'accueil ; que les règles françaises relatives à la modification d'un engagement de retraite sont d'ordre public ; qu'en décidant que le litige opposant M. X... à la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith ne mettait pas en jeu une loi de police, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les parties, si son application ne remettait pas en cause des règles d'ordre public concernant les droits à la retraite des salariés français sur le territoire national, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 911-1 et L. 914-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que, selon l'article 12.8 du plan de retraite institué aux Etats-Unis par l'employeur, la validité de ce régime et de toute disposition de celui-ci était déterminée et interprétée conformément aux lois de l'Etat de New-York, a décidé à bon droit que les demandes du salarié étaient prescrites en application de ces lois ;
Et attendu que la cour d'appel, qui était saisie de la seule question du paiement d'un rappel de pension de retraite supplémentaire facultative instituée à l'étranger par un employeur étranger, n'avait pas à faire application de dispositions du Code de la sécurité sociale relatives aux régimes de retraite complémentaires obligatoires ;
D'où il suit que, mal fondé en sa première branche, le moyen est inopérant en ses deux autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille quatre.