AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 8 septembre 2003, qui, dans la procédure suivie contre la société FUEL ARTOIS du chef des infractions prévues aux article 410 et 411 du Code des douanes, a déclaré son action prescrite ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 351 du Code des douanes, 522 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action douanière prescrite ;
"aux motifs que la saisine d'une juridiction territorialement incompétente interrompt la prescription quand il est impossible de déterminer avec exactitude le lieu du délit, qu'il est indifféremment quel que soit le mode de saisine lorsque la juridiction est manifestement incompétente ; que l'administration des Douanes connaissait le lieu du délit, précisé dans sa citation, qu'elle a néanmoins cité la société Fuel Artois devant un tribunal qui ne répondait pas aux critères de compétence prévus par le Code de procédure pénale, qu'ayant été renvoyée à se mieux pourvoir, elle a fait appel de cette décision et que par suite des divers recours exercés, elle n'a fait délivrer une nouvelle citation que le 24 avril 2002 ;
"alors qu'est compétent le tribunal de police du lieu de commission ou de la constatation du délit ou celui de la résidence du prévenu ; qu'il est constant que si la société Fuel Artois est domiciliée dans le Pas de Calais, les infractions ont fait l'objet de diverses investigations, auditions et saisies au siège de cette société et des importateurs, fournisseurs, intermédiaires, transporteurs et clients domiciliés dans divers départements ; que les infractions ont été constatées au lieu où, au cours et au terme de l'enquête, les résultats des contrôles, des saisies et auditions ont été analysées, centralisées au siège de la DNRED de Lille ; que l'infraction a ainsi été constatée et notifiée dans les locaux de cette DNRED de Lille ; que le tribunal de police de Lille n'était pas manifestement incompétent dès lors que c'est dans son ressort que l'infraction avait été constatée, qu'il y avait à tout le moins incertitude quant à la détermination du lieu du délit, qu'en estimant, dès lors, pour déclarer l'action douanière prescrite que la demanderesse connaissait le lieu du délit et a fait délivrer une citation devant un tribunal qui ne répondait pas aux conditions de compétence prévues par le Code de procédure pénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'administration des Douanes a fait citer la société Fuel Artois devant le tribunal de police de Lille des chefs d'infractions prévues aux articles 410 et 411 du Code des douanes ; que, pour déclarer ce tribunal territorialement compétent, la cour d'appel, après avoir relevé que les faits reprochés avaient été commis au siège de la société, domiciliée dans le Pas-de-Calais, a relevé qu'à la suite de nombreuses investigations, auditions et saisies au siège de la société et auprès des importateurs, fournisseurs, transporteurs et clients, domiciliés dans divers départements, les infractions avaient été constatées au siège de la direction nationale des renseignements et enquêtes douanières de Lille, où avaient été centralisés, collationnés et analysés les résultats de l'enquête ;
Attendu que cet arrêt a été cassé au motif qu'il ne résultait pas de ces constatations que le lieu retenu pour déterminer la compétence du tribunal de police fût celui où les contraventions avaient été matériellement constatées ;
Attendu que l'administration des Douanes a alors fait citer la société Fuel Artois, pour les mêmes faits, devant le tribunal de police d'Arras ;
Attendu que, pour juger que le délai de prescription n'avait pas été interrompu par la saisine du tribunal de police de Lille et déclarer l'action prescrite, l'arrêt attaqué énonce que, si la saisine d'une juridiction territorialement incompétente interrompt la prescription lorsqu'il est impossible de déterminer avec exactitude le lieu du délit, il en va différemment lorsque la juridiction est manifestement incompétente ; qu'en l'espèce, l'administration des Douanes connaissait le lieu du délit, précisé dans sa citation initiale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;