AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Michel X... que le pourvoi incident relevé par Mme X..., MM. Y... et Alain X... et Mme Z... ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi incident, pris en leurs quatre branches, rédigées en termes identiques :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2001), que, le 24 juin 1997, la société Alyah, M. A... et M. B... ont signé, au profit des consorts X..., une promesse d'achat portant sur 6 069 parts de la société civile immobilière (SCI) Riquet Canada, pour un certain prix, qui rappelait l'existence d'une action paulienne engagée par la société Affine à l'encontre de la donation faite par M. et Mme X... desdites actions à leurs trois enfants, prévoyait un délai de réalisation maximum jusqu'au 31 décembre 2000 et était assortie d'une garantie de paiement à première demande du Crédit lyonnais expirant à la même date ; que, le 29 décembre 2000, les consorts X... ont notifié l'acceptation de cette offre d'achat tant à la société Alyah, à MM. A... et B... qu'au Crédit lyonnais, puis ont assigné le Crédit lyonnais, en référé, afin d'obtenir sa condamnation, en sa qualité de garant à première demande, à payer à Mme X... et à ses enfants, à titre provisionnel, la somme de 1 065 716 francs et de voir désigner le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, séquestre, afin de recevoir la somme de 1 065 716 francs correspondant à la "quote-part de la cession de parts entre les consorts X... et la société Alyah et affectées à M. X... jusqu'à ce que la procédure pendante sur le fondement de l'action paulienne ait trouvé son aboutissement définitif" ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes tendant au paiement du prix de cession des parts sociales par le Crédit lyonnais, garant à première demande régulièrement actionné, alors, selon le moyen :
1 / que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, la société Crédit lyonnais, garant autonome, invoquait seulement, pour s'opposer à l'exécution de sa garantie, le fait que l'acte à elle signifiée par les consorts X... n'aurait pas contenu de demande en paiement, ni n'aurait indiqué que la somme exigée n'avait pas été encaissée à bonne date ; qu'en revanche, à aucun moment le Crédit lyonnais n'excipait d'une quelconque nécessité qu'ait été conclu un acte de vente en sus de la promesse, ni de ce que cette condition prétendue de la garantie n'aurait pas été remplie ; qu'en considérant que les conditions pour faire jouer la garantie n'étaient pas remplies, prétexte pris de la nécessité de l'établissement d'un acte de vente signé entre les vendeurs et les acheteurs, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en tout état de cause, les juges du fond doivent observer en toute occasion le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, en soulevant d'office le moyen tiré de la nécessité de la conclusion d'un acte de vente postérieurement à l'acceptation de la promesse, sans même provoquer les observations préalables des parties sur ce point qu'aucune ne discutait, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que, de plus, la garantie consentie par le Crédit lyonnais stipulait clairement que la banque s'engageait irrévocablement à payer les sommes correspondant au paiement du prix de cession des parts, comme prévu dans la promesse d'achat ; que si l'acte se référait certes à une demande de paiement déclarant que la somme dont le paiement était prévu à l'acte de cession n'avait pas été encaissée à bonne date, il ne prévoyait aucunement la conclusion d'un acte de cession, postérieurement à l'acceptation de la promesse, comme une condition de mise en oeuvre de la garantie ; que l'acte de garantie indiquait encore que la demande adressée au garant devrait être accompagnée d'une copie de la mise en demeure adressée au cédant ; qu'à aucun moment cependant l'acte de garantie ne posait la nécessité qu'une telle mise en demeure doive être consécutive à la défaillance des débiteurs ; qu'en considérant qu'il résultait des dispositions de l'acte de garantie la nécessité d'un acte de vente ainsi que d'une mise en demeure des acheteurs consécutive à leur défaillance pour que la garantie puisse être mise en oeuvre, la cour d'appel a dénaturé la garantie autonome et indépendante consentie par le Crédit lyonnais et violé l'article 1134 du Code civil ;
4 / qu'une garantie autonome n'est pas privée de son autonomie par la simple référence qui y est faite au contrat de base, et en particulier par la mention que la mise en oeuvre de la garantie devrait prendre la forme d'une déclaration indiquant que le débiteur principal n'aurait pas rempli ses obligations ; que c'est a fortiori le cas lorsque le garant s'est engagé de manière irrévocable et s'est explicitement interdit d'opposer au bénéficiaire de la garantie quelque exception que ce soit tirée des rapports entre les parties au contrat de base ; que le garant ne peut alors aucunement exciper, pour échapper à sa garantie, de la prétendue nécessité d'une défaillance du débiteur principal ou de l'indication d'une telle défaillance dans la déclaration tendant à la mise en oeuvre de sa garantie, incompatible avec l'autonomie de la garantie ;
qu'en l'espèce, l'acte de garantie contenait un chapitre spécifiquement dédié à son caractère autonome et stipulait ainsi que l'engagement de garantie était autonome et indépendant et qu'il s'ensuivait qu'il ne pourrait être opposé aux demandeurs quelqu'exception que ce soit tirée des relations existant entre eux-mêmes et la société Alyah à l'occasion de la cession intervenue ; qu'il s'en évinçait clairement que le garant ne pouvait aucunement refuser sa garantie en excipant de circonstances tenant aux rapports entre les vendeurs et les acquéreurs ; qu'en considérant néanmoins que la garantie ne pouvait être mise en oeuvre en l'absence d'établissement d'un acte de vente entre les acheteurs et les vendeurs, et d'une mise en demeure des acheteurs consécutive à leur défaillance, toutes circonstances propres aux relations entre acheteurs et vendeurs, sans tenir le moindre compte des stipulations claires et précises de la garantie excluant toute incidence de telles circonstances sur la mise en oeuvre de la garantie, la cour d'appel a derechef dénaturé l'acte de garantie et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à inviter les parties à s'expliquer sur un moyen qui était dans le débat, a, sans méconnaître les termes du litige et par une interprétation que les termes ambigus de la garantie rendaient nécessaires, retenu souverainement que l'engagement du Crédit lyonnais nécessitait l'établissement d'un acte de cession signé entre les vendeurs et les acheteurs ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne M. Michel X..., Mmes X... et Z..., MM. Y... et Alain X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Michel X... à payer au Crédit lyonnais la somme de 2 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille quatre.