AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré partiellement confirmatif, qu'un plan de continuation de la société Celatose (la société) a été adopté le 24 octobre 1990 ; que le 13 mars 1995, la Société d'économie mixte du versant Nord-Est de la métropole Nord, aujourd'hui dénommée la Société d'économie mixte de la Ville renouvelée (la SEM), a vendu à la société des terrains et bâtiments industriels en partie payables à terme ; que l'acte contenait une clause de réserve de propriété ainsi que, à titre de sûreté du paiement du solde du prix, le privilège de vendeur, lequel a été publié ; que la société n'ayant pas réglé les échéances de mai et de novembre 1995, la SEM lui a, suivant acte d'huissier du 14 novembre 1995, notifié la résolution de la vente, en application de la clause résolutoire prévue au contrat ; que, le 16 novembre 1995, le tribunal a prononcé la résolution du plan pour inexécution de ses engagements par la société et ouvert à son encontre une nouvelle procédure de redressement judiciaire en fixant une date de cessation des paiements au 14 novembre 1995, puis, le 8 février 1996, a adopté le plan de cession de ses actifs ; qu'ultérieurement, la SEM a fait assigner M. X..., représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de la société et M. Y..., liquidateur de la société, pour voir constater la résolution de la vente ; que MM. X... et Y..., ès qualités, se sont opposés à cette demande et ont reconventionnellement demandé la restitution des acomptes sans ordonner leur compensation avec les sommes dues par la société ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de la société et son liquidateur reprochent à l'arrêt d'avoir jugé que la clause de réserve de propriété stipulée dans l'acte de vente par la SEM à la société le 13 mars 1995 devait produire son plein effet, d'avoir jugé qu'en application de cette clause par acte signifié le 14 novembre 1995, la vente était résolue et d'avoir ordonné la publication à la conservation des hypothèques, alors, selon le moyen :
1 / que si deux clauses d'un acte de vente sont incompatibles, l'une supposant un transfert de propriété immédiat et l'autre prévoyant un transfert de propriété différé, elles s'annulent, l'acte étant régi par le droit commun sur ce point, en l'occurrence un transfert de propriété au moment de l'acte de vente du 13 mars 1995 ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1583 du Code civil, ensemble l'article 57 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction originelle ;
2 / qu'en toute hypothèse, une partie ne peut renoncer unilatéralement et potestativement à une clause de réserve de propriété ou au privilège du vendeur stipulés d'un commun accord et décider ainsi à sa guise qui est propriétaire et à quel moment il l'est ; qu'en jugeant néanmoins que la SEM pouvait renoncer à la clause de réserve de propriété pour se prévaloir du privilège du vendeur, et inversement, à son libre choix, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1174 et 1583 du Code civil ;
Mais attendu que l'existence du privilège de vendeur d'immeuble n'exclut pas le droit pour le vendeur d'invoquer la clause de réserve de propriété stipulée dans l'acte de vente, même si ce privilège a été publié ; qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'en inscrivant dans la convention du 13 mars 1995, que le transfert de propriété devrait faire l'objet d'un nouvel acte et résulterait du paiement intégral du prix, les parties avaient clairement manifesté leur volonté de retarder le transfert, à la société, de la propriété de l'immeuble, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ; que celui-ci ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 9, 107 et 108 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-7, L. 621-107 et L. 621-108 du Code de commerce et l'article 14 du décret du 27 décembre 1985 dans sa rédaction d'origine ;
Attendu que pour limiter la condamnation de la SEM à la somme de 679 272,33 euros, après compensation, l'arrêt retient que la société était encore maîtresse de ses droits lors de la notification de la clause résolutoire, que les parties sont convenues, si elle était mise en oeuvre, qu'il y aurait compensation entre les sommes à restituer par le vendeur et les sommes dues par l'acquéreur, que l'acte d'huissier est du même jour que la date retenue par le tribunal pour l'état de cessation des paiements et qu'à défaut de report de celle-ci, la période suspecte n'a débuté qu'à compter du 15 novembre 1995 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la période suspecte débute la première heure du jour fixé pour la date de cessation des paiements, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SEM à payer à M. X..., représentant des créanciers de la société, après compensation conventionnelle, la somme de 679 272,33 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 1998, l'arrêt rendu le 16 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de cassation ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille quatre.