AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier décembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN et de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 8 janvier 2004, qui, dans la procédure suivie contre Philippe X..., Pascal Y..., Lionel Z... et les sociétés AGENCE MARITIME DE BRETAGNE et FRANCE APPRO du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, a constaté l'extinction de l'action publique par prescription ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 38, 336, 343, 351, 382, 388, 392, 395, 396, 398, 399, 414, 436, 407, 417 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrite l'action douanière ;
"aux motifs que si le procès-verbal de constat et de notification d'infraction dressé le 22 octobre 1998 contre Lionel Z... et notifié le jour même à l'intéressé après son audition constitue un acte de poursuite, il n'en est pas de même du procès-verbal du 17 mai 1999 ; qu'il concerne les mêmes poursuites que celles visées au procès-verbal du 22 octobre 1998 et ne comporte aucune constatation nouvelle entraînant une qualification pénale , qu'il a pour seul objet de porter à la connaissance de la société Agence Maritime de Bretagne le contenu du procès-verbal du 22 octobre 1998 dont il reproduit exactement les termes ;
"alors que les procès-verbaux de douanes constituent des actes de poursuite et d'instruction, interruptifs comme tels de la prescription ; que le procès-verbal du 22 octobre 1998 comporte notification à Lionel Z..., PDG de la société France Appro, du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ; que le procès-verbal du 17 mai 1999 comporte non seulement notification à l'Agence Maritime de Bretagne du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées mais la déclaration de Philippe X..., déclarant en douane, selon laquelle il indiquait que les documents avaient été reçus par son client, Lionel Z..., ce qui constituait un élément nouveau à l'enquête douanière, s'agissant de la responsabilité de la fraude ; que la cour d'appel a déclaré prescrite l'action douanière aux motifs que le procès-verbal du 17 mai 1999 concernerait les mêmes poursuites que celles visées dans le procès-verbal du 22 octobre 1998, qu'il n'aurait pour objet que de porter à la connaissance de la société, Agence Maritime de Bretagne le contenu du procès-verbal du 22 octobre 1998 dont il reproduit exactement les termes ; qu'en statuant ainsi pour en déduire que ce procès-verbal du 17 mai 1999 ne serait pas interruptif de prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 351 du Code des douanes et les articles 7 et 8 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout acte de poursuite ou d'instruction interrompt la prescription de l'action publique à l'égard de tous les participants à l'infraction ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Philippe X..., Pascal Y..., Lionel Z... et les sociétés Agence maritime de Bretagne et France Appro sont poursuivis, à l'initiative de l'administration des Douanes, du chef d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
Attendu que, pour déclarer cette action prescrite, l'arrêt relève que, si le procès-verbal de constat et de notification d'infraction dressé le 22 octobre 1998, à l'encontre de Lionel Z..., constitue un acte de poursuite, il n'en est pas de même du procès-verbal du 17 mai 1999, qui ne comporte aucune nouvelle constatation entraînant une qualification pénale et qui a eu pour seul objet de porter à la connaissance de la société Agence maritime de Bretagne le contenu du procès-verbal précédent ; que le dernier acte interruptif de prescription est en date du 22 octobre 1998, alors que l'action n'a été engagée que par citations des 18, 19 et 22 février 2002 ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le procès-verbal du 17 mai 1999, en ce qu'il avait pour objet de notifier l'infraction à des personnes non visées dans le procès-verbal du 22 octobre 1998, constituait un nouvel acte de poursuite interruptif de prescription, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des texte susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 8 janvier 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;