AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que par requête du 14 novembre 2003 la Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT et M. X... ont sollicité l'annulation du premier tour des élections des représentants du personnel au comité d'établissement Inéo Com Ile-de-France et Nord, et subsidiairement ont demandé au tribunal d'instance d'ordonner la suspension des élections avant le second tour fixé au 5 décembre 2003 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT et M. X... de leur demande tendant à l'annulation des élections des représentants au comité d'établissement Inéo Com, alors que le nombre de membres d'un comité d'entreprise ou d'établissement est fixé par décret en Conseil d'Etat, de sorte que ce nombre ne peut être augmenté que par un protocole d'accord préélectoral signé par toutes les organisations syndicales intéressées ; qu'en décidant le contrat, au motif inopérant selon lequel la CGT ne justifie pas de ce que l'augmentation du nombre de sièges préjudicierait aux intérêts des salariés ou à ceux de leur représentation syndicale, le tribunal d'instance a violé, par refus d'application, ensemble les articles L. 433-9, alinéa 3, L. 433-1, alinéas 1 et 3 et R. 433-1 du Code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a exactement décidé que l'alinéa 3, de l'article L. 433-1 du Code du travail n'exige pas l'unanimité pour la conclusion de la convention collective ou de l'accord augmentant le nombre des membres du comité d'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT et M. X... de leur demande tendant à ce que le tribunal d'instance surseoit à statuer dans l'attente de la décision du ministre du Travail relative au découpage en établissements distincts et à la répartition des salariés au sein des collèges et d'avoir, en conséquence, débouté la Fédération CGT précitée et M. X... de leur demande tendant à l'annulation des élections des représentants au comité d'établissement Inéo Com, alors, selon le moyen :
1 / que le juge a l'obligation de surseoir à statuer chaque fois que l'exception d'illégalité d'une décision administrative soulevée devant lui revêt un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement du fond du litige ; que tel est le cas d'une exception tirée de l'illégalité d'une décision administrative de découpage en établissements distincts frappée d'un recours hiérarchique en annulation ; que l'annulation d'une telle décision, sur le fondement de laquelle avaient été organisées des élections, n'entraîne pas, par elle-même, l'annulation de ces élections, de sorte que la demande d'annulation, introduite plus de 15 jours après les élections, est irrecevable ; qu'ayant constaté que le ministre du Travail était saisi d'un recours hiérarchique sur la décision déterminant le nombre et la répartition des établissements distincts, le tribunal d'instance, qui a refusé de surseoir à statuer jusqu'à la décision administrative à intervenir au motif erroné que le recours hiérarchique a vocation, s'il aboutit, à remettre en cause la détermination des établissements et les élections, le tribunal d'instance a violé, par refus d'application, le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 433-2, alinéa 9, du Code du travail et, par fausse application, l'article L. 435-4, alinéa 9, du même Code ;
2 / qu'aux termes de l'article L. 433-2, alinéa 5, du Code du travail, la composition des collèges électoraux ne peut être modifiée par voie d'accord préélectoral que lorsque celui-ci est signé par toutes les organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise ; qu'un accord préélectoral non unanime est sans effet ; que, selon l'alinéa 7, de l'article L. 433-2 précité, dans le cas où cet accord ne peut être obtenu, l'inspecteur du Travail décide de cette répartition entre les collèges électoraux ; qu'en conférant un effet, en l'absence d'une décision administrative sur ce point, au protocole d'accord préélectoral non signé par la CGT en ce qu'il a fixé la répartition des salariés entre les collèges au motif inopérant que la CGT ne démontrait pas de préjudice causé par cet accord aux salariés du premier collège, le tribunal d'instance a violé, par refus d'application, l'article L. 433-2, alinéa 5, du Code du travail et le principe de la séparation des pouvoirs ;
3 / que le juge a l'obligation de surseoir à statuer chaque fois que la question préjudicielle revêt un caractère sérieux et que sa solution est nécessaire au règlement du fond du litige ; que tel est le cas de la contestation portée devant l'administration du Travail sur la répartition des salariés entre collèges électoraux telle que déterminée par un accord préélectoral non signé par toutes les organisations syndicales représentatives de l'entreprise ; que l'intervention d'une décision administrative de répartition des salariés dans les collèges n'entraîne pas l'annulation des élections organisées sur le fondement d'un accord préélectoral non unanime ayant fixé antérieurement cette répartition, de sorte que la demande d'annulation, introduite plus de 15 jours après les élections, est irrecevable ; qu'en refusant de surseoir à statuer sur la décision à intervenir sur le recours hiérarchique de la CGT relatif à la répartition des salariés dans les collèges au motif erroné selon lequel ce recours, s'il aboutit, a pour vocation de remettre en cause les élections, le tribunal d'instance a violé ensemble le principe de la séparation des pouvoirs et l'article L. 433-2, alinéa 7, du Code du travail ;
4 / que le tribunal d'instance saisi d'une demande d'annulation des élections d'un comité d'établissement doit surseoir à statuer lorsque est soulevée devant lui l'illégalité d'un protocole d'accord préélectoral qui a réparti les salariés entre les collèges de façon non conforme aux prévisions de la convention collective et que l'inspecteur du Travail a été régulièrement saisi de cette contestation ; qu'en s'abstenant de rechercher si tel n'était pas le cas en l'espèce, quand les exposants avaient soutenu dans leur requête que le protocole d'accord préélectoral dont l'inspecteur du Travail était régulièrement saisi était contraire à la Convention collective nationale du bâtiment et qu'ils avaient, en outre, produit aux débats leur recours administratif selon lequel ce protocole prévoyait que les ETAM niveaux 1 et 2 votaient dans le premier collège, et que ceux des niveaux 3 à 6 votaient dans le second collège, en méconnaissance de la Convention collective précitée qui dispose que les ETAM des niveaux 1 à 4 votent au premier collège et ceux des niveaux 5 et 6 votent au second collège, le tribunal d'instance n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe de la séparation des pouvoirs et de l'article L. 433-2, alinéa 7, du Code du travail ;
Mais attendu que la décision administrative prise en vertu de l'article L. 433-2 du Code du travail étant d'application immédiate et s'imposant au juge judiciaire tant qu'elle n'a pas été annulée, le tribunal d'instance a exactement décidé qu'il ne pouvait suspendre les élections ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Direction déléguée de Inéo Com Ile-de-France et Nord ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quatre.