AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Clément,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2ème section, en date du 30 mars 2004, qui, dans la procédure suivie contre lui pour complicité de diffamation publique envers une administration, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge d'instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3 de la loi d'amnistie du 6 août 2002, 206, 186, 186-1, 6, 179, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel interjeté par Clément X... de l'ordonnance du 11 décembre 2003 l'ayant renvoyé devant le tribunal correctionnel ;
"aux motifs que "l'ordonnance critiquée n'est pas complexe ; qu'en effet le magistrat instructeur a été appelé par le conseil de l'appelant à se prononcer sur une demande de non-lieu fondée sur l'application à son profit de la foi d'amnistie, ce qui s'analyse en des conclusions aux fins de non-lieu et non en une demande visant au prononcé d'une décision distincte ; que ce magistrat, pour conclure à la décision de renvoi contestée, a visé le réquisitoire définitif du procureur de la République en "en adopt(ant) les entiers motifs", dont ceux comportant examen de la loi d'amnistie et des moyens présentés par l'appelant sur ce point ; ( ... ) qu'ainsi, saisie de l'appel interjeté contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, fondée sur divers motifs, dont ceux ayant trait à l'application de la loi d'amnistie, la Cour ne peut que déclarer cet appel irrecevable" ;
"alors que l'ordonnance du juge d'instruction portant renvoi devant la juridiction correctionnelle est susceptible d'appel, par dérogation aux articles 186 et 186-1 du Code de procédure pénale, dès lors qu'elle statue en même temps, fût-ce implicitement, sur une requête aux fins d'amnistie fondée sur les articles 2 et 3 de la loi d'amnistie du 6 août 2002 ; qu'a, en effet, nécessairement un caractère complexe l'ordonnance qui statue à la fois sur la recevabilité de l'action publique en rejetant implicitement, par adoption des motifs du réquisitoire définitif du procureur de la République, la demande d'amnistie, mais également sur les charges réunies contre Clément X..., justifiant, selon elle, son renvoi devant la juridiction de jugement ; que, les dispositions de l'ordonnance prononçant implicitement sur l'amnistie étant soumises aux voies de recours ordinaires, c'est par conséquent à tort, et en violation des textes susvisés, que l'arrêt a déclaré irrecevable l'appel formé par Clément X... à l'encontre de ces dispositions" ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 9 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;
Attendu qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 9 de la loi du 6 août 2002 que, lorsqu'il est saisi par la personne mise en examen d'une requête en constatation de l'amnistie, le juge d'instruction est tenu de statuer par une décision soumise aux voies de recours ordinaires ; que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, intervenue sans qu'il ait été statué sur une telle demande, comporte un rejet implicite de celle-ci et présente le caractère d'une décision complexe susceptible d'appel de la part de la personne mise en examen ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, Clément X..., mis en examen pour diffamation publique envers une administration a, le 26 mai 2003, saisi le juge d'instruction d'une demande " à fin de non-lieu " tendant à voir constater l'extinction de l'action publique par l'amnistie, sur le fondement des articles 2 et 3 de la loi du 6 août 2002 ; que, par ordonnance du 11 décembre 2003, Clément X..., notamment, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sans qu'il ait été statué sur sa requête ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel formé par Clément X... de ladite ordonnance, l'arrêt énonce que le juge d'instruction a adopté les motifs du réquisitoire définitif écartant l'application de la loi d'amnistie aux faits pour lesquels le renvoi a été ordonné ; que les juges en déduisent que cette ordonnance n'est pas complexe ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors qu'elle aurait dû déclarer l'appel recevable et, après annulation de l'ordonnance entreprise, procéder dans les conditions prévues à l'article 206, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 30 mars 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mme Guirimand conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;