AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LA SOCIETE LE GRAND DOMAINE,
- X... Peggy, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 1er décembre 2003, qui , pour infractions à la législation sur la billeterie des établissements de spectacle, les a condamnées à des amendes et pénalités fiscales ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 235 du Livre des procédures fiscales, et 496 et 497 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré régulier l'appel formé par le ministère public ;
"aux motifs qu'il résulte des articles 496 et 497 du Code de procédure pénale que les jugements rendus en matière correctionnelle peuvent être attaqués par la voie de l'appel et que la faculté d'appeler appartient au procureur de la République. Lesdits articles et ceux qui les suivent dans le Code de procédure pénale ne comportent aucune restriction quant à la nature des infractions soumises au tribunal correctionnel ; que le procureur de la République peut donc faire appel en toute matière intéressant l'ordre public, ce dont relève manifestement la fraude fiscale ou les infractions s'y rattachant ;
"alors qu'en vertu des dispositions de l'article L.235 du Livre des procédures fiscales qui dérogent aux dispositions générales du Code de procédure pénale relatives au droit d'appel, il appartient exclusivement à l'administration fiscale, hors les cas où une peine privative de liberté est encourue, de poursuivre devant les tribunaux les infractions aux lois sur les contributions indirectes ;
que, dès lors, en jugeant régulier, en l'espèce où aucune peine privative de liberté n'était encourue, l'appel formé par le procureur de la République, qui a activement soutenu son recours en déniant la validité de la communication de pièces effectuée par les prévenues, puis en prenant ses réquisitions tant sur les incidents que sur le fond, apportant ainsi indûment la contradiction aux moyens et conclusions de ces dernières, la cour d'appel a violé les textes susmentionnés" ;
Vu l'article L. 235, alinéa 2, du Livre des procédures fiscales, ensemble l'article 802 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, les infractions en matière de contributions indirectes sont poursuivies à la seule diligence de l'administration fiscale ; que le ministère public n'est recevable à intervenir à l'instance en qualité d'appelant que dans le cas où l'infraction poursuivie est punie d'une peine d'emprisonnement ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les prévenues ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel à la seule initiative de l'administration fiscale pour des infractions à la législation sur les contributions indirectes réprimées par les articles 1791 et 1791 bis du Code général des impôts et pour lesquelles elles n'encouraient que des amendes et pénalités fiscales ; que les juges du second degré ont reçu l'appel du ministère public qui a pris des réquisitions tant sur les incidents que sur le fond de l'affaire ;
Mais attendu qu'en cet état, alors que l'appel du procureur de la République était irrecevable et que les réquisitions prises, au soutien de cet appel, portaient atteinte aux intérêts des prévenues, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 1er décembre 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Salmeron, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Frechede ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;