AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Franck,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 11 mai 2004, qui, pour délits et contraventions de blessures involontaires, l'a condamné à 8 mois de suspension du permis de conduire dont 4 mois avec sursis, à titre de peine principale pour les délits, et 2 amendes de 500 euros pour les contraventions, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 février 2005 où étaient présents : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Gailly, Guihal, Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-19 et R. 625-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Franck X... coupable de blessures involontaires ;
"aux motifs que Franck X... a, au cours d'une épreuve de vitesse dite "spéciale", disputée sur un circuit fermé à la circulation, perdu le contrôle de son véhicule qui est allé faucher cinq spectateurs placés sur un pré derrière une banderole ; que certes la finalité d'une épreuve de vitesse est pour chaque pilote d'obtenir le meilleur temps et donc de rechercher de façon permanente la vitesse maximale et les meilleures trajectoires ; qu'il doit en effet mobiliser ses compétences techniques, son audace pour tendre en permanence vers ses propres limites et celles de sa machine ; que toutefois sous prétexte d'être en compétition, le pilote ne doit pas faire abstraction de ses obligations générales de prudence et donc répondre de ses fautes "d'imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement" telle que définie par l'article 121-3 du Code pénal ; que raisonner autrement, exclurait automatiquement du champ d'application de la loi ce type de compétition, ce que n'a pas prévu le législateur ; que dans le cas d'espèce, il apparaît clairement qu'il existait une difficulté technique en raison d'une bosse dans un virage qui déséquilibrait les véhicules (témoignage de Y... et constatations photographiques) ; que Franck X... ainsi que tous les autres pilotes avaient reçu un "road book" plusieurs jours avant l'épreuve et selon M. Z... que cet endroit dangereux et difficile techniquement était facilement identifiable par une reconnaissance appropriée de l'itinéraire ; que l'exigence minimum d'un pilote avisé et expérimenté est aussi de tenir compte de l'état de la route ; que celle-ci était mouillée et grasse au moment de la compétition ; que selon Virginie X..., copilote totalement inexpérimentée, son mari circulait à une vitesse de 140 km/h et a été "surpris" par la bosse ; que Marc Y..., instructeur en pilotage, a affirmé que ce pilote s'est "fait surprendre comme un débutant" ; qu'en l'absence de toute défaillance mécanique, la cause de la sortie de la route de Franck X... est due à une vitesse exagérée de celui-ci sur une route mouillée, ne lui permettant pas de négocier normalement le passage de la bosse et du virage ; qu'en cela il a commis une faute caractérisée à l'origine des blessures involontaires eu égard aux dispositions de l'article 222-19 du Code pénal visées dans la prévention ; que cette faute est bien en lien de causalité directe et la plus proche avec les préjudices subis par les spectateurs ; que cette faute n'exclut pas qu'il y ait pu y avoir une autre cause indirecte aux dommages, liée à l'insuffisance des mesures prises par les organisateurs pour assurer la sécurité des spectateurs ; que le tribunal n'ayant pas été saisi certainement à tort de poursuites à l'encontre de cet auteur médiat, sa responsabilité pénale ne peut plus être recherchée ;
qu'il est bien évident néanmoins que la responsabilité civile des organisateurs pourra être engagée ; qu'il convient de confirmer le jugement quant à la culpabilité de Franck X... ;
"1 - alors que les épreuves sportives sont réglementées par des textes ayant pour résultat de soustraire, pendant leur déroulement, les concurrents régulièrement qualifiés aux sanctions qu'ils pourraient encourir sans eux ; que la sécurité des spectateurs incombant à l'organisateur de la course, il est de l'essence de la course automobile, en particulier des rallyes, que le pilote, s'affranchissant des règles habituelles de prudence que doit respecter tout conducteur en dehors des circuits, recule le plus possible les limites de son véhicule et prenne le maximum de risques en fonction du parcours emprunté ;
que c'est à ce prix seulement qu'il aura une chance de finir la compétition en tête ; qu'il ne peut par conséquent être fait grief à un pilote, dans les conditions extrêmes de conduite où il se situe nécessairement, de se tromper dans son appréciation et de faire une sortie de route ; qu'un défaut de maîtrise dans le cadre d'une compétition automobile sur circuit fermé au public perd nécessairement le caractère d'une faute pénale, sauf à ce que le pilote ne se soit pas conformé au règlement de l'épreuve ; qu'en retenant une faute pénale à la charge du demandeur, alors qu'il est établi que celui-ci a freiné à l'entrée de la courbe (arrêt, page 6) et qu'il a pris le départ de la compétition après une préparation suffisante, qu'il disposait de tous ses moyens intellectuels et physiques et qu'il conduisait un véhicule dont l'équipement et l'entretien étaient conformes aux règlements de la course, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"2 - alors que la durée de l'incapacité totale de travail est l'un des éléments constitutifs des infractions prévues par les articles 222-19 et R. 625-2 du Code pénal qu'il appartient au juge de caractériser; que la cour d'appel, qui a notamment confirmé la décision de première instance ayant ordonné une expertise aux fins de décrire les conséquences dommageables des faits dont Didier A... et Patrick A... ont été victimes, ne pouvait déclarer le demandeur coupable d'infractions de violences involontaires, rien ne permettant, en l'état de la procédure, d'affirmer quelles étaient les conséquences des prétendues violences ; qu'en ne justifiant pas de la durée de l'incapacité subie, l'arrêt est à nouveau privé de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Franck X... a perdu le contrôle de son véhicule et renversé cinq spectateurs alors qu'il participait à une épreuve de vitesse spéciale du rallye régional de Franche-Comté, sur un circuit fermé à la circulation ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de délits et de contraventions de blessures involontaires, l'arrêt attaqué retient que sa sortie de route est due à une vitesse exagérée sur une route mouillée et grasse qui ne lui a pas permis de prendre un virage rendu dangereux par une bosse, dont la présence pouvait être décelée par une reconnaissance appropriée de l'itinéraire ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, relevant de son appréciation souveraine, dont il résulte que le prévenu a commis une faute d'imprudence, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Attendu que, par ailleurs, l'arrêt, qui a confirmé le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise médicale des victimes des délits de blessures involontaires, n'encourt pas le grief allégué dès lors que les premiers juges ont relevé que Didier et Patrick A... avaient subi une incapacité totale de travail de plus de trois mois, la mesure d'instruction prescrite tendant seulement à la fourniture d'éléments complémentaires nécessaires à l'évaluation du préjudice corporel subis par ces parties civiles ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-3 et 132-7 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a condamné Franck X... à titre principal pour le délit à une suspension du permis de conduire pour une durée de huit mois dont quatre mois avec sursis et à deux amendes de 500 euros chacune pour les contraventions ;
"alors qu'une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine ; qu'en prononçant ainsi une peine pour le délit et une peine pour chaque contravention de blessures involontaires, alors que ceux-ci résultaient du même fait générateur constituant une faute pénale unique, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés" ;
Vu les articles 132-3 et 132-7 du Code pénal ;
Attendu qu'une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine ;
Attendu qu'après avoir déclaré Franck X... coupable des infractions précitées, la cour d'appel l'a condamné à huit mois de suspension du permis de conduire dont quatre mois avec sursis, à titre de peine principale pour les délits, ainsi qu'à deux amendes de 500 euros pour les contraventions ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les délits et les contraventions de blessures involontaires, qui procédaient d'une même action coupable, ne pouvaient être punis séparément, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 11 mai 2004, en ses seules dispositions ayant prononcé deux amendes de 500 euros pour les contraventions de blessures involontaires, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit mars deux mille cinq ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;