AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'un conteneur de champagne réceptionné au Havre par la société Compagnie nouvelle de manutention portuaire (le manutentionnaire) puis transporté par les sociétés Canada maritime agencies limited et Canada maritime limited, aux droits de laquelle se trouve la société CP Ships (le transporteur maritime), sur le navire "Canmar Fortune" ayant présenté des manquants lors de la livraison au Canada, le transporteur maritime a indemnisé l'ayant droit de la marchandise le 2 octobre 1998 puis a assigné le 27 avril 1999 le manutentionnaire en déclaration de responsabilité et en réparation du préjudice ; que la cour d'appel a accueilli la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par le manutentionnaire ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que le transporteur maritime reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors selon le moyen, que la reconnaissance par le débiteur du droit du réclamant emporte interruption de la prescription ;
qu'en énonçant que la proposition de règlement de la somme de 27 749,80 francs contenue dans le fax adressé le 18 décembre 1998 par le manutentionnaire au transporteur maritime, représentée par son mandataire la société Budd Paris ne pouvait valoir comme acte interruptif de prescription dès lors qu'il s'agissait d'une "offre de transaction " sans dire en quoi l'engagement ainsi pris sans aucune réserve par le manutentionnaire à l'égard du Crédit municipal de Lyon se serait inscrit dans le cadre de concessions réciproques dont l'existence n'a aucunement été constatée par la cour d'appel, celle-ci a privé sa décision de base légale au regard des articles 56 et 32 de la loi du 18 juin 1966, ensemble les articles 2248 et 2044 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine de la portée du fax litigieux, que ce dernier ne constituait pas de la part du manutentionnaire une reconnaissance de responsabilité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la première branche :
Vu l'article 2220 du Code civil ;
Attendu que ce texte, qui interdit de renoncer d'avance à la prescription, ne prohibe pas les accords conclus après la naissance de l'obligation et en cours de délai, par lesquels les parties conviendraient de la suspension de ce délai ;
Attendu que pour dire l'action prescrite l'arrêt, après avoir relevé que l'action récursoire du transporteur maritime à l'encontre du manutentionnaire, qui avait commencé à courir à compter de l'indemnisation du destinataire, expirait le 2 janvier 1999, retient que le manutentionnaire ne pouvait avoir valablement suspendu la prescription le 24 décembre 1998 pour la période du 29 janvier au 28 avril 1999, une telle suspension ne pouvant être convenue que pour une période pendant laquelle le délai de prescription est encore en cours ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille cinq.