AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1315 du Code civil et L. 143-4 du Code du travail ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'aux termes du second, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir, de la part de celui-ci, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d'une convention ou accord collectif de travail ou d'un contrat ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., après avoir quitté les fonctions de président-directeur général et d'administrateur de la société Créalu qu'il avait fondée, en a été nommé directeur commercial à compter du 30 juillet 1998 ; qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Créalu, ses actifs ont été cédés à la société Eurlux suivant jugement du tribunal de commerce de Belfort du 2 mars 1999 ;
que la société Eurlux ayant elle-même été mise en liquidation judiciaire, M. X... a été licencié pour motif économique le 6 juillet 2000 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en fixation de sa créance au titre des congés payés pour la période du 1er juin 1999 au 6 juillet 2000 et des indemnités de préavis et de licenciement, la cour d'appel retient que, s'agissant de la période considérée, force est de constater que le salarié a été désintéressé de ses congés payés comme en atteste le bulletin de paie qui lui a été délivré ; que c'est manifestement à tort que les premiers juges ont satisfait aux demandes d'indemnités de préavis et de licenciement alors qu'il est établi que le salarié a perçu respectivement les sommes de 78 253,08 francs et 7 822,20 francs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur se devait de justifier, notamment par la production de pièces comptables, du paiement des sommes réclamées par le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en fixation au passif de la liquidation de la société Eurlux de sa créance au titre des congés payés pour la période du 1er juin 1999 au 6 juillet 2000 et des indemnités de préavis et de licenciement, l'arrêt rendu le 7 octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille cinq.