AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 9 octobre 2003), que la société Bresson Rande (la société) a conclu un contrat d'affacturage avec la Société française de factoring (l'affactureur), aux droits de laquelle vient la société Eurofactor ; qu'elle a constitué un "compte de retenue de garantie", sur lequel l'affactureur pouvait prélever à tout moment les sommes nécessaires pour couvrir l'éventuelle position débitrice du compte courant ; que le 19 janvier 2000, la société a cédé à la Société générale, selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 codifiée sous les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, la créance correspondant au solde du compte de retenue de garantie, dans la limite de 800 000 francs ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 6 juin 2000 ; que l'administrateur judiciaire a poursuivi le contrat d'affacturage jusqu'au 11 septembre 2000 ; que M. X..., liquidateur judiciaire de la société, et la Société générale ont demandé concurremment à l'affactureur de leur adresser la somme de 800 000 francs ;
Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt d'avoir condamné l'affactureur à payer la somme de 121 959,21 euros, outre les intérêts, à la Société générale, alors, selon le moyen :
1 / que lorsqu'une créance est subordonnée à un événement futur, a fortiori lorsqu'il est éventuel, c'est la survenance de cet événement qui constitue le fait générateur de la créance, fût-il prévu au contrat ; qu'en l'espèce, les droits cédés portaient sur une créance qui ne revêtait aucun caractère de liquidité et d'exigibilité, ni de certitude, à savoir la restitution du solde, éventuellement créditeur à hauteur de 800 000 francs, d'un compte de retenue de garantie accessoire du compte courant ouvert entre l'affactureur et son client, la société, le compte de garantie ne pouvant être soldé et ne devenant exigible qu'au moment de la clôture du compte, après compensation avec le solde éventuellement débiteur du compte courant et après passation des écritures de régularisation et contre-passation des opérations en cours ;
dès lors en affirmant que cette créance était née lors de la signature du contrat d'affacturage prévoyant les conditions et modalités de la retenue de garantie et de sa restitution, et qu'elle était sortie du patrimoine de la société dès la date de l'acte de cession, la cour d'appel a violé les articles L. 313-23, L. 313-24 et L. 313-27 du Code monétaire et financier et 1134 du Code civil ;
2 / que "relatif au sort des créanciers postérieurs à la procédure collective, et non aux créances du débiteur lui-même, l'application de l'article L. 621-32 du Code de commerce n'était ni invoquée ni revendiquée par les parties" ; que dès lors en excluant, sur le fondement de ce texte, que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fasse obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, du fait qu'il n'était pas soutenu que le solde créditeur à hauteur du montant litigieux procédait de prélèvements sur les créances nées de la poursuite du contrat d'affacturage après le jugement d'ouverture, sans susciter préalablement les observations des parties sur ce point, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture ; que dès lors, en statuant, pour écarter ce principe, sur un motif inopérant tiré de l'application d'un texte, l'article L. 621-32 du Code de commerce, inapplicable en l'espèce, car relatif au sort des créances bénéficiant aux créanciers postérieurs à l'ouverture de la procédure collective, et non au sort des créances, également nées après l'ouverture de la procédure collective, mais bénéficiant au débiteur lui-même, question qui se posait exclusivement en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-40 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que peuvent être cédées, dans les conditions prévues aux articles 1er et suivants de la loi modifiée du 2 janvier 1981, devenus les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, les créances résultant d'un acte déjà intervenu mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés, la cour d'appel, qui a retenu que la créance cédée était sortie du patrimoine de la cédante à la date de l'acte de cession, soit antérieurement au jugement d'ouverture, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille cinq.