AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 juin 2002), que par acte sous seing privé du 29 septembre 1998, enregistré le 1er octobre suivant, M. X... a vendu à la société Margot un fonds de commerce à l'enseigne "The Kilekenny", la prise de possession étant prévue pour le 15 octobre 1998 ; que la vente a été publiée dans un journal d'annonces légales le 16 octobre 1998 puis au BODACC le 14 novembre 1998 ; que par acte du 19 octobre 1998 la société Sud-Ouest Distribution a fait signifier à la société Margot son opposition au paiement du prix de vente ;
qu'une ordonnance du 21 octobre 1998 ayant autorisé la société Sud-Ouest Distribution, créancière de M. X..., à faire inscrire un nantissement provisoire, à titre conservatoire, sur le fonds de commerce appartenant à son débiteur, ce nantissement a été inscrit le 29 octobre 1998 ; que par acte des 24 et 30 décembre 1998 la société Sud-Ouest Distribution a formé, en application de l'article 23 de la loi du 17 mars 1909, une surenchère du dixième sur le prix principal de 400 000 francs ;
Attendu que la société Sud-Ouest Distribution fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la mainlevée du nantissement judiciaire provisoire qu'elle avait fait inscrire le 29 octobre 1998 sur le fonds de commerce appartenant à M. X... et vendu à la société Margot le 29 septembre précédent et, en conséquence, d'avoir ordonné la radiation de cette inscription, déclaré irrecevable la surenchère du dixième formée par elle, créancier chirographaire, et déclaré celle-ci forclose pour surenchérir du sixième, alors, selon le pourvoi, que la vente d'un fonds de commerce, certes parfaite entre les parties dès sa conclusion, n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement des deux mesures de publicité légales prévues à l'article 3 de la loi du 17 mars 1909 ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la vente du fonds de commerce "The Kilekenny" intervenue entre M. X..., vendeur, et la société Margot, acquéreur, le 19 septembre 1998, enregistrée le 1er octobre 1998 et publiée dans un journal d'annonces légales le 16 octobre 1998, n'a fait l'objet d'une insertion au BODACC que le 14 novembre 1998 ; qu'il en résulte que c'est seulement à cette date que la vente est devenue opposable aux tiers créanciers, telle la société Sud-Ouest Distribution ; qu'en affirmant cependant que, du fait de l'accomplissement des mesures de publicité et M. X... n'étant plus propriétaire, la société Sud-Ouest Distribution, créancière de ce dernier, n'avait pu être valablement autorisée, le 21 octobre 1998, à inscrire un nantissement sur le fonds de commerce litigieux et que cette inscription n'avait pu être valablement prise le 29 octobre suivant, pour en déduire que n'ayant pas la qualité de créancier inscrit, la société Sud-Ouest Distribution n'était pas fondée à surenchérir du dixième, quand le nantissement litigieux avait été autorisé et inscrit avant la publicité au BODACC du 14 novembre 1998, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 141-12 et 13 du Code de commerce, ensemble celles de l'article 67 de la loi du 9 juillet 1991 et de l'article 1167 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 3, alinéa 8, de la loi du 17 mars 1909, devenu l'article L. 141-17 du Code de commerce, que la publicité de la vente du fonds de commerce constitue une condition d'opposabilité aux tiers, non de la vente, mais du paiement du prix de vente ; qu'ayant relevé que le 29 octobre 1998, date à laquelle le nantissement judiciaire avait été inscrit sur le fonds de commerce, M. X... n'était plus propriétaire de celui-ci, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas allégué que le fonds avait été vendu en fraude des droits des créanciers, en a déduit exactement que l'inscription du nantissement n'était pas valable et que la société Sud-Ouest Distribution ne pouvait requérir la mise aux enchères publiques du fonds de commerce en offrant de porter le prix principal un dixième en sus, les alinéas 1er et 2 de l'article 23 de la loi du 17 mars 1909, devenus l'article L. 143-13 du Code de commerce, réservant cette faculté aux créanciers inscrits ; que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société Sud-Ouest distribution aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Société Sud-Ouest distribution, la condamne à payer à la société de distribution des Brasseries Heid Sodibra la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille cinq.