AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 18 mars 2005, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat, a ordonné la prolongation de sa détention provisoire ;
Vu les mémoires personnel et ampliatif produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé dans le mémoire ampliatif, et pris de la violation des articles 144-1, 145-2, 145-3 du Code de procédure pénale, 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la prolongation de la détention provisoire du demandeur pour une durée de quatre mois ;
"aux motifs que des investigations ont été ordonnées par arrêt du 28 octobre 2004 de la chambre de l'instruction, que ces investigations doivent être effectuées par le juge d'instruction et constituent des investigations en cours au sens de l'article 145-2 du Code de procédure pénale ; que, de même, les avocats ont sollicité des actes après la notification de l'article 175 du Code de procédure pénale le 20 janvier 2005, que ces demandes constituent des investigations au sens de l'article 145-2 du Code de procédure pénale ; qu'une personne mise en examen déclare avoir peur, que Laurent Y... a été frappé en prison, que des témoins ont fait des déclarations contestées, que les mis en examen s'insultent au cours des confrontations, que Jean-Claude Z... déclare avoir écrit une lettre sous la menace ; que la victime est morte au cours de l'exécution d'un contrat qui révèle une dangerosité criminelle certaine, que les déclarations des mis en examen ne sont pas conformes et que ceux-ci ne semblent pas libres de leurs déclarations ; que Michel X... a été condamné à 10 ans d'emprisonnement pour infraction à la législation sur les stupéfiants, qu'il pourrait se montrer dangereux selon un expert ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la mise en liberté constituerait un risque d'une particulière gravité pour la sécurité des personnes ;
"alors, d'une part, que lorsque la durée de la détention provisoire excède trois ans en matière criminelle, la décision ordonnant, à titre exceptionnel sa prolongation pour une durée de 4 mois doit notamment comporter, conformément aux exigences de l'article 145-3 du Code de procédure pénale, outre des indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information, le délai prévisible d'achèvement de la procédure ; que, pour ordonner la prolongation de la détention provisoire du demandeur au-delà d'un délai de trois ans, pour une nouvelle durée de quatre mois, la chambre de l'instruction ne pouvait se borner à relever que des investigations avaient été ordonnées par un précédent arrêt du 28 octobre 2004 et qu'elles devaient être effectuées par le juge d'instruction, sans donner aucune indication particulière quant au délai prévisible d'achèvement de la procédure ;
"alors, d'autre part, qu'ayant expressément constaté que l'avis de fin d'information avait été notifié par le juge d'instruction depuis le 20 janvier 2005, la chambre de l'instruction, ne pouvait, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs, retenir que la prolongation exceptionnelle de la détention provisoire du demandeur au-delà de trois ans, pour une nouvelle période de quatre mois, à compter du 20 mars 2005 à 00 heure 00, était justifiée par les investigations "en cours", ordonnées depuis le 28 octobre 2004 par la chambre de l'instruction et "devant être effectuées par le juge d'instruction" ;
"alors, de troisième part, que la chambre de l'instruction ne pouvait retenir que la prolongation exceptionnelle de la détention provisoire du demandeur au-delà de trois ans, pour une nouvelle période de quatre mois, était justifiée par les investigations "en cours", ordonnées depuis le 28 octobre 2004 par la chambre de l'instruction et devant être effectuées par le juge d'instruction, sans nullement répondre au moyen péremptoire des conclusions d'appel du demandeur selon lequel, par ordonnance, en date du 28 février 2005, le juge d'instruction avait refusé d'instruire notamment sur la demande d'actes formulée par le demandeur et visant précisément les investigations complémentaires déjà ordonnées par la chambre de l'instruction dans son arrêt susvisé du 28 octobre 2004 ;
"alors, enfin, que la chambre de l'instruction ne pouvait retenir que la prolongation exceptionnelle de la détention provisoire du demandeur au-delà de trois ans, pour une nouvelle période de quatre mois, était justifiée par les investigations rendues nécessaires consécutivement aux demandes d'actes sollicitées par le demandeur à la suite de la notification, le 20 janvier 2005, de l'avis de fin d'information, sans nullement répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel du demandeur selon lequel, par ordonnance, en date du 28 février 2005, le juge d'instruction avait précisément refusé de faire droit à ces demandes d'actes" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 137-3, 143-1 et suivants dudit Code ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que Michel X..., mis en examen pour assassinat, a été placé en détention provisoire le 20 mars 2002 ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire pour une durée de 4 mois, l'arrêt attaqué énonce que des investigations sont en cours au sens de l'article 145-2 du Code de procédure pénale et que la mise en liberté constituerait un risque d'une particulière gravité pour la sécurité des personnes ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser le délai prévisible d'achèvement de la procédure, comme le prévoit l'article 145-3 du Code de procédure pénale, auquel renvoie l'article 145-2 du même Code, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
Que dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 18 mars 2005, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;