AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mai 2003), qu'en 1996, M. X..., salarié de la société Cap Gemini, s'est vu offrir l'acquisition, au prix unitaire de 30 francs, de 20 000 bons lui donnant la faculté d'acquérir autant d'actions de cette société au prix de 80 francs lors de la levée de l'option qui devait intervenir au premier semestre 2000 ; que pour acquérir ces bons, M. et Mme X... ont contracté un emprunt auprès de la Société générale (la banque), avec laquelle M. X... a également conclu une convention intitulée "Contrat d'options sur actions cotées" ; qu'aux termes de cette convention, M. X... s'engageait à lever les options d'achat d'actions en janvier 2000 et qu'il était stipulé que si le cours des actions était, à cette date, inférieur à 118, 42 francs, représentant la somme du prix du bon, du prix de l'action et du coût du crédit, la banque lui verserait la différence entre ce montant et le cours réel et que, si celui-ci était supérieur à ce montant, la banque lui verserait la plus-value dans la limite d'un cours maximum de 290, 13 francs ; que lors du dénouement de l'opération en janvier 2000, le cours de l'action était supérieur à 1 500 francs ; que M. et Mme X..., alléguant avoir été victimes d'un dol par réticence, ont demandé l'annulation des contrats conclus avec la banque et subsidiairement sollicité l'annulation de la stipulation d'intérêts incluse dans le contrat de prêt en invoquant l'absence d'indication du taux effectif global ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à l'annulation, pour réticence dolosive, des contrats conclus avec la banque alors, selon le moyen :
1 ) que, quelles que soient les relations contractuelles entre un client et sa banque, celle-ci a le devoir de l'informer des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme ; que cette connaissance doit s'apprécier en fonction du degré d'expérience dans le domaine financier concerné et de la complexité du produit ; qu'en l'espèce, M. X... soutenait que la compréhension du mécanisme de couverture et de ses implications supposait des connaissances pointues et des compétences spécifiques, dont il ne disposait pas, étant parfaitement novice en matière d'opérations réalisées sur les produits dérivés, opérations réservées aux entreprises et aux institutionnels ; qu'en se bornant à constater que M. X... était diplômé de l'ENA et ancien inspecteur des finances, et exerçait des fonctions de direction au sein de la société Cap Gemini pour considérer que la Société générale n'avait aucune obligation précontractuelle d'information sur le contrat d'options qu'elle lui a fait souscrire, sans relever aucun élément de nature à caractériser une connaissance concrète et effective de la part de M. X... des produits dérivés et, en particulier, des mécanismes de couverture du risque de variation de cours permettant d'éclairer son consentement en la matière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du Code civil ;
2 ) que la banque est tenue d'une obligation précontractuelle d'information d'autant plus précise que l'opération concerne des produits dérivés sur un marché de gré à gré ; qu'en l'espèce, M. X... soutenait que le document de présentation de l'offre de financement et de couverture fourni par la Société générale comportait des indications fausses en ce qu'il indiquait notamment que les solutions de couverture proposées assuraient un gain minimum au bénéficiaire à l'échéance, alors que seul le risque de perte était partiellement couvert et qu'aucune information ne lui avait été donnée sur les mécanismes internes utilisés pour la couverture du risque de variation de cours, à défaut desquelles il ne pouvait appréhender la construction du contrat d'option par la Société générale ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y avait été invitée, si les informations remises par la banque à l'occasion de la souscription du contrat d'options étaient suffisamment précises et complètes, en particulier sur les mécanismes internes de couverture du risque de variation de cours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du Code civil ;
3 ) que M. et Mme X... reprochaient à la banque de ne pas les avoir informés de l'existence d'autres formules de couverture du risque de variation de cours, qu'elle ne pouvait ignorer en tant que spécialiste des produits dérivés, et qui comportaient l'avantage de permettre au client de percevoir une quote--part de la plus-value réalisée, sans plafonnement des gains potentiels ; qu'en se bornant à énoncer qu'il ne pouvait être reproché à la banque d'avoir conçu sa formule de couverture en anticipant sur une évolution à la hausse du cours des actions, dès lors que "la prévision entre dans la fonction principale de la direction des marchés d'un établissement bancaire, à qui il ne peut être fait grief d'apprécier l'avenir du marché en fonction de différents paramètres, qu'il n'a pas à faire connaître à son client", sans rechercher s'il n'incombait pas à l'établissement de crédit, dans le cadre de son obligation précontractuelle d'information, de faire connaître à son client l'existence d'autres techniques de couverture du risque de variation de cours, afin de lui permettre de contracter en toute connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109 du Code civil ;
Mais attendu que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ; que le moyen, qui se borne en ses trois branches à invoquer des manquements de la banque à son obligation précontractuelle d'information, sans alléguer que ces manquements auraient été commis sciemment dans l'intention de provoquer dans l'esprit de M. X... une erreur déterminante de son consentement, ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme X... font encore grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels contenue dans le contrat de prêt alors, selon le moyen :
1 ) que le délai de prescription de l'action en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels pour défaut d'indication du taux effectif global est de cinq ans à compter de la signature du contrat de prêt ; qu'en considérant que cette action était soumise au délai de forclusion biennale de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles L. 313-2 du même Code, 1304 et 1907 du Code civil ;
2 ) qu'en toute hypothèse, en ne répondant pas au moyen soulevé par M. et Mme X... tiré de ce que la banque, en concluant le contrat d'options le 28 juin 1996, soit antérieurement à la conclusion de la convention d'ouverture de crédit, le 25 juillet 1996 avait privé, de facto, les emprunteurs de la faculté de rétractation de sept jours prévue par l'article L. 311-5 du Code de la consommation, ce qui excluait la volonté des parties de se soumettre à la réglementation du crédit à la consommation résultant des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résulte des clauses du contrat que celui-ci est soumis aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978, la cour d'appel, qui a ainsi écarté l'interprétation contraire à laquelle se réfère la seconde branche, a fait à bon droit application, à l'action en annulation de la stipulation d'intérêts, du délai de forclusion de deux ans prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 2 000 euros à la Société générale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille cinq.