AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Francis,
contre le jugement de la juridiction de proximité d'HAGUENEAU, en date du 18 novembre 2004, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de dépôt d'ordures sans autorisation, a prononcé un ajournement de peine ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111- 3, 111-4, 121-1, 122-1, 122-2, 531, R. 632-1 du Code pénal, 29, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que le jugement attaqué a déclaré Francis X... coupable des faits reprochés comme se situant au 5 avril 2004 ;
"aux motifs qu'il convient de cerner la saisine du tribunal en rappelant que la citation vise un seul acte contraventionnel commis au cours de la période du 16 mars 2003 au 5 avril 2004 en se fondant sur divers courriers échangés entre la direction du supermarché Match, l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique de Reichshoffen et la commune à partir de 2002, et sur le procès-verbal du garde-pêche de l'association agréée en date du 20 avril 2004 ; qu'il résulte des pièces de la procédure qu'une infraction de dépôt d'ordures a été constatée par le garde-pêche en date du 5 avril 2004 ; que cette date se situe bien au cours de la période visée à la prévention ; que l'infraction de dépôt d'ordure constitue une contravention instantanée et non continue ; que le prévenu n'a jamais contesté avoir délégation de pouvoir, de compétence, attribution et autorité, en sa qualité de directeur de magasin, pour répondre de l'infraction qui lui est reprochée en cette seule qualité ; qu'il résulte des débats et de l'audition de deux témoins à la barre que le cours d'eau se situe à l'est de la propriété Match ; que les vents dominants prennent à cet endroit une direction ouest-est, ce que le prévenu ne conteste nullement ; que le tribunal forme son intime conviction, s'agissant d'un fait personnel imputable au prévenu, qu'il se sert de ces vents, au demeurant très réguliers dans les Vosges du Nord, comme d'un outil de balayage du parking dont il a la responsabilité pour se débarrasser des déchets qui l'encombrent ; que le choix de dépôt et du maintien des bennes dans le même axe venteux et à proximité de la rivière relèvent bien de son acte personnel ; que la connaissance de la direction et de la puissance du vent au dessus de l'espace grand ouvert que constitue un parking de supermarché est parfaitement acquise par le prévenu qui exerce la fonction de directeur depuis près de deux ans ; qu'en outre, les nombreux courriers émanés tant du garde-pêche que de la commune de Reichshoffen, bien antérieurement à la période visée par la poursuite, l'ont suffisamment sensibilisé pour qu'il ne puisse plus l'ignorer ; que dès lors le vent ne peut pas davantage constituer un cas de contrainte ou de force majeure exonératoire de responsabilité pénale ; que le moyen mis en oeuvre par le prévenu (pose tardive de poubelles, corbeilles, bien après les constatations, état de fait visé à la prévention), le balayage quotidien du parking, et le ramassage régulier des bennes, par leur insuffisance et leur inadaptation notoire à enrayer le dépôt reproché, ne peuvent pas davantage constituer une cause exonératoire de responsabilité pénale ; qu'il résulte tant des constatations du procès-verbal du garde-pêche que des photographies jointes, confirmées tant par l'audition en qualité de témoin, du garde-pêche à la barre, que de l'audition à la barre du maire-adjoint, la preuve d'un dépôt de matériaux sur les berges et dans la rivière, propriété, dont le magasin Match n'a pas la disposition, ni ne possède d'autorisation de dépôt autre que les bennes ; que de même, il résulte bien de ces mêmes constatations et déclarations la preuve que bon nombre des objets déposés, mais certes pas tous, proviennent de l'exploitation du magasin Match dont le prévenu à la responsabilité ;
"1 - alors que le juge de proximité, saisi in rem par la citation directe, ne peut statuer sur des faits distincts de ceux visés par cette citation ; qu'en l'espèce, la citation visait exclusivement une infraction de dépôt d'ordures commise sur le " parking du supermarché Match " ; que le juge de proximité ne pouvait dès lors condamner le prévenu au titre d'un dépôt de matériaux " sur les berges et dans la rivière Scwarzbach ", fait distinct de celui visé à la prévention ;
"2 - alors que la prévention visait, pour la commission de l'infraction unique et instantanée poursuivie, une période allant du 16 mars 2003 au 5 avril 2004 ; que le procès-verbal servant de base exclusive aux poursuites faisait quant à lui état d'une inspection de l'espace litigieux tous les deux jours du 5 avril 2004 au 19 avril 2004, sans aucunement indiquer que la présence d'ordures avait été effectivement constatée le premier jour, soit le 5 avril 2004, terme de la période visée à la prévention ; que le juge de proximité ne pouvait dès lors affirmer sans autre justification ni explication, sauf à priver sa décision de motifs, qu'il résultait des pièces de la procédure qu'une infraction de dépôt d'ordure avait été constatée le 5 avril 2004 ;
"3 - alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en l'espèce, le juge de proximité ne pouvait, sans méconnaître ces principes, imputer personnellement à Francis X... un dépôt d'ordures sur les berges et dans la rivière jouxtant le parking du supermarché Match, au seul prétexte que le prévenu aurait su que le vent emportait les déchets laissés par les clients du supermarché sur le parking du magasin dont il avait la responsabilité, sans à aucun moment caractériser aucun dépôt, abandon ou jet d'ordures personnellement imputable au prévenu sur les berges ou dans la rivière, ni même un dépôt, un abandon ou un jet d'ordures personnellement imputable au prévenu sur le parking du supermarché ;
"4 - alors que nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement ; qu'en l'espèce, en retenant l'exposant dans les liens de la prévention au prétexte qu'il laissait le vent emporter les déchets abandonnés par les clients du supermarché sur le parking faute d'installation suffisante de poubelles, le juge de proximité a en réalité condamné pénalement le prévu pour n'avoir pas mis de poubelles à disposition des clients ; que ce fait, au demeurant visé par la prévention, ne constituait cependant pas une infraction pénalement sanctionnée, non plus que le fait de laisser le vent emporter des détritus déposés, abandonnés ou jetés par des tiers ;
qu'en se déterminant de la sorte, le juge a méconnu le principe de la légalité des délits et des peines ;
"5 - alors qu'en l'absence d'élément matériel, l'infraction n'est pas constituée, et la responsabilité pénale du prévenu ne peut être engagée, sans qu'il soit besoin pour lui d'exciper de causes d'irresponsabilité pénales ; qu'en l'espèce, pour retenir à tort la culpabilité du prévenu, le juge ne pouvait, sauf à statuer par des motifs inopérants, dénier au vent, au balayage quotidien du parking et à l'installations de poubelles le caractère de cause exonératoire de responsabilité pénale, inutile puisque n'avait été caractérisé à la charge du prévenu aucun fait personnel de dépôt, abandon ou jet d'ordures" ;
Vu l'article R. 632-1 du Code pénal, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, est punissable le fait de déposer, d'abandonner ou de jeter dans un lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, des ordures, déchets, matériaux, ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, si ce dépôt n'est pas effectué par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation ;
Attendu que, pour déclarer Francis X..., directeur d'un supermarché, coupable de cette contravention, le jugement retient que les détritus jetés sur le parking de ce magasin par des clients sont emportés par le vent sur des fonds voisins ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser à la charge du prévenu les faits de dépôt, d'abandon ou de rejet de déchets sur le terrain d'autrui, la juridiction de proximité a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le premier moyen de cassation proposé,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement susvisé de la juridiction de proximité d'Haguenau en date du 18 novembre 2004 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la juridiction de proximité d'Haguenau, sa mention en marge ou à la suite du jugement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;