AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt n° 1095 de cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 25 octobre 2004, qui, pour poursuite de l'exploitation d'une installation classée non conforme à la mise en demeure, l'a dispensé de peine ;
Vu le mémoire produit
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code l'organisation judiciaire, 510, 513 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale ;
"en ce que la cour d'appel était composée de M. Barrois, Président, et de MM. Levy et Coural, conseillers, lors des débats ;
"alors qu'aux termes de l'article L. 213-1 du Code de l'organisation judiciaire et 510 du Code de procédure pénale, lors des débats la Cour est composée d'un président et de deux conseillers ; que le magistrat de la cour d'appel chargé du rapport participe au délibéré ; que l'arrêt attaqué constate que, lors des débats, la Cour était composée de M. Barrois, Président, et de MM. Levy et Coural, Conseillers ; que le même arrêt relève que "Mme le Conseiller Seurin a été entendue en son rapport", après quoi la Cour a délibéré ; qu'en l'état de telles constatations qui ne permettent pas de s'assurer que les magistrats ayant délibéré n'étaient pas au nombre de 4, auquel cas la règle de l'imparité avait été méconnue, ni que le Conseiller chargé du rapport avait participé au délibéré, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué, signé par le président et par le greffier, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre correctionnelle était composée lors des débats et du délibéré de M. BARROIS, président, de Mme SEURIN et de M. COURAL conseiller ;
Que, dès lors, le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 524-5, R. 524-6 du Code rural, L. 514-11, L. 511-1, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-9, L. 512-12 et L. 517-1 du Code de l'environnement, 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable de l'infraction de poursuite de l'exploitation d'une installation classée non conforme à la mise en demeure ;
"aux motifs que la société coopérative Agro Picardie a été créée pour rassembler les cultivateurs. Elle dispose de 110 silos et collecte environ un million et demi de quintaux ; que ces silos sont soumis, au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, aux dispositions de l'arrêté ministériel du 29 juillet 1998 ; que dans le cadre du programme de contrôle des silos soumis à autorisation, identifiés en Picardie, la Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) va effectuer des contrôles sur plusieurs sites appartenant à la société coopérative agricole Agro Picardie ; que le 12 juin 2001, une vérification a lieu sur le site de Languevoisin ; que le 10 octobre 2001, un arrêté de mise en demeure émanant du Préfet de la Somme est adressé à Pierre X... , imposant à la société coopérative agricole Agro Picardie de respecter, aux termes d'un délai de trois mois, différentes prescriptions techniques de l'arrêté ministériel du 29 juillet 1998 ; que le 10 avril 2002 et le 22 juillet 2002, lors d'une visite d'inspection, il apparaît que lesdites prescriptions ne sont toujours pas respectées ; qu'il est donc établi que l'exploitation du site de Languevoisin s'est poursuivie sans se conformer à l'arrêté de mise en demeure du Préfet de la Somme en date du 10 octobre 2001, d'avoir à respecter au délai fixé, en l'espèce trois mois, les prescriptions techniques déterminées par la loi ; que Pierre X... exerce les fonctions de Président du conseil d'administration de la société coopérative agricole Agro Picardie ; qu'il résulte des dispositions légales que les sociétés coopératives agricoles et leurs unions sont administrées par un conseil d'administration élu par l'assemblée générale des associés ; que le conseil d'administration est chargé de la gestion de la société et doit assurer le bon fonctionnement de celle-ci ; que l'exploitation d'un site ressort de la gestion de la coopérative et appartient donc au conseil d'administration ; qu'il est dès lors incontestable, comme le soutient à juste titre le prévenu, que la société coopérative agricole Agro Picardie aurait pu être poursuivie à titre de personne morale ; que, toutefois, il ressort également des dispositions légales que le Président du conseil d'administration représente la société en justice, tant en demande qu'en défense, et que c'est à sa requête ou contre lui que doivent être intentées toutes les actions judiciaires ;
que la responsabilité pénale de Monsieur Pierre X... pouvait donc être engagée et qu'il pouvait être personnellement poursuivi sans que la société coopérative agricole le soit également à titre de personne morale ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutient le prévenu, il a bien, en tant que personne physique et Président du conseil d'administration, une existence légale au sein de la société coopérative agricole Agro Picardie ; que si l'arrêté préfectoral de mise en demeure s'adressait effectivement à la société, il n'en demeure pas moins qu'il pouvait être signifié au Président du conseil d'administration ; que Pierre X... ne saurait donc à bon droit soutenir que la mise en demeure qui lui a été adressée n'avait pas à produire ses effets ; qu'en outre il est établi, comme le soutient Pierre X... , que l'arrêté ministériel du 29 juillet 1998, sur les bases duquel repose l'infraction reprochée, a été abrogé par un arrêté du 29 mars 2004 publié au Journal Officiel du 1er avril 2004 ;
que toutefois, dès lors que les faits poursuivis, bien que commis sous l'empire d'un arrêté abrogé, entrent dans les prévisions d'un arrêté nouveau qui s'y est substitué, la condamnation prononcée au regard de l'un et l'autre de ces arrêtés est justifiée ; que la Cour constate que tel est le cas en l'espèce ; que les premiers juges ont donc, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, fait une exacte appréciation de la cause et une juste application de la loi ;
"alors que, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'aux termes de l'article R.524-6 du Code rural, le conseil d'administration de la société coopérative est chargé de la gestion de la société et doit assurer le bon fonctionnement de celle-ci ; qu'en retenant Pierre X... personnellement dans les liens de la prévention par le motif inopérant qu'il représente en justice la société coopérative, sans relever à son encontre une faute personnelle, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;
"alors que le responsable de la société ne peut s'exonérer de la responsabilité qu'il encourt en qualité de représentant de celle-ci que s'il démontre qu'il a délégué ses pouvoirs ; qu'en constatant que la société coopérative agricole et leurs unions sont administrées par un conseil d'administration élu par l'assemblée générale des associés, que le conseil d'administration est chargé de la gestion de la société et doit assurer le bon fonctionnement de celleci et que l'exploitation d'un site ressort de la gestion de la coopérative et appartient donc au conseil d'administration, tout en retenant la responsabilité de Pierre X... du chef de non respect des prescriptions de l'arrêté ministériel du 29 juillet 1998, sans constater qu'il disposait d'une délégation de pouvoir émanant du conseil d'administration, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen. "
Attendu qu'en déclarant Pierre X... , président du conseil d'administration de la société coopérative agricole Agro Picardie, coupable de l'infraction poursuivie, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que, si l'article L. 524-1 du Code rural prévoit qu'une telle société est administrée par son conseil d'administration, le président de ce conseil, désigné par lui, exerce un pouvoir de direction de nature à permettre la recherche de sa responsabilité pénale personnelle ;
D'ou il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;