AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, de la la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA CHAMBRE NATIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 16 juin 2004, qui, dans la procédure suivie contre Michel X..., Claude Y... et Marc Y..., des chefs d'abus de confiance aggravés et banqueroute, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la Chambre Nationale des Huissiers de Justice de sa demande de remboursement des sommes versées aux victimes des infractions ;
"aux motifs que les ordres professionnels ont pour mission d'assurer la dignité de la profession par l'intermédiaire de leurs conseils et de faire respecter par les tiers les intérêts de la profession qu'ils représentent ; que les textes qui les instituent leur confèrent le droit d'agir en justice et désignent l'instance investie de ce droit qui ne peut être concurremment exercé par de multiples organes représentatifs ; que la Chambre Départementale des Huissiers, qui ne justifie d'aucune habilitation à ester en justice au nom de la profession, a donc à juste titre été déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile ; que la Chambre Nationale créée, par l'ordonnance du 2 novembre 1945 représente, aux termes de l'article 8 de ce texte, au plan national, l'ensemble de la profession ; qu'à ce titre, elle est investie de la défense des intérêts de la profession et se trouve donc habilitée à ester en justice pour la défense de ces intérêts, indépendamment de l'habilitation spéciale qui lui est donnée par l'article 66-3 de la loi du 31 décembre 1971, qui concerne une infraction particulière commise par des tiers ; qu'il sera en conséquence fait droit à sa demande de réparation du préjudice subi par l'atteinte causée à l'image et à la considération de la profession et alloué la somme de 1 euro à ce titre ; qu'en revanche, en ce qui concerne le montant des sommes versées aux victimes dont la Chambre sollicite le remboursement, la demande sera rejetée, ces sommes ayant été exposées en exécution d'obligations légales, leur versement n'étant qu'une conséquence indirecte des infractions commises ;
"alors que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert de dommages directement causés par l'infraction ; qu'en interdisant à la Chambre Nationale des Huissiers de Justice de demander le remboursement des sommes exposées par elle en exécution de son obligation légale de garantie professionnelle, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'après condamnation de Michel X..., Claude Y... et Marc Y..., huissiers de justice, notamment, pour abus de confiance aggravés commis au préjudice de clients de leur étude, l'arrêt attaqué, qui a reçu la constitution de partie civile de la Chambre nationale des huissiers de justice et condamné les prévenus à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'atteinte causée à l'image et à la considération de la profession, a débouté cette dernière de sa demande en remboursement des sommes versées aux clients victimes des agissements frauduleux de ces auxiliaires de justice ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et, dès lors, d'une part, que les infractions imputées aux prévenus n'ont causé de préjudice direct qu'aux seules personnes auxquelles appartiennent les sommes détournées et d'autre part, qu'aucune disposition spéciale n'autorise la Chambre nationale des huissiers de justice à se constituer partie civile pour obtenir le remboursement des sommes exposées en exécution de son obligation légale, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;