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29/06/2005 | FRANCE | N°05-82264

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 juin 2005, 05-82264


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA BANQUE HERVET,

contre l'arrêt n° 272 de la chambre de

l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 11 février 2005, qui, dans l'info...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf juin deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA BANQUE HERVET,

contre l'arrêt n° 272 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 11 février 2005, qui, dans l'information suivie contre elle du chef de corruption active, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 mai 2005, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 433-1 du Code pénal, 80-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la mise en examen de la Banque Hervet ;

"aux motifs qu'aux termes de l'article 80-1 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut mettre en examen une personne que pour autant qu'il existe contre elle des indices graves ou concordants rendant vraisemblable sa participation comme auteur ou complice aux faits dont ce magistrat se trouve saisi ; que " la personne mise en examen dispose, quant à elle, en application des dispositions cumulées des article 80-1 et 173-1 du Code de procédure pénale, de la faculté de demander l'annulation de cette mise en examen au motifs de l'absence (à l'appui de celle-ci) d'indices graves ou concordants " ; que " s'il est exact, comme le souligne la requérante, que l'examen dans le cadre du contentieux de la nullité de la mise en examen, de la présence d'indices graves ou concordants ne saurait se confondre avec celui de l'existence des charges propre à celui du renvoi devant la juridiction de jugement, la mise en examen intervient dans le cadre d'une information judiciaire portant sur des faits susceptibles d'une qualification pénale dont se trouve saisi le juge d'instruction, l'absence de tels faits interdisant bien entendu qu'il puisse en être fait reproche à quiconque" ; qu' "en l'espèce, par réquisitoire introductif du 3 mars 2003, le procureur de la République de Lille a ouvert une information et saisi le juge d'instruction désigné pour y procéder, de faits de prise illégale d'intérêts, abus de biens sociaux et recel du produit de ce délit, chantage, violation du secret professionnel (D 428) et, par réquisitoire supplétif du 9 avril 2003 (D 499), l'a saisi des faits nouveaux de faux et usage de faux ; le 26 mai 2004 (D 1542) les faits initialement qualifiés de prise illégale d'intérêts étaient requalifiés en ceux de corruptions (active et passive)" ;

que " les faits de corruption active reprochés à la SA Banque Hervet ont pour éléments constitutifs l'offre qu'elle aurait faite à Bernard X..., personne dépositaire de l'autorité publique en sa qualité de liquidateur judiciaire, de lui allouer des dons ou avantages divers, en l'espèce la cession à un prix avantageux de la créance qu'elle détenait sur la SCCV Vendôme, en contrepartie de ce que celui-ci agisse dans un sens particulier conforme à ses voeux en ce qui concerne les liquidations Y... et Z... " ; que " la caractérisation de l'infraction n'exigeant que la démonstration de l'existence d'une offre d'avantage et non celle de l'existence d'un avantage qui ressortirait de la démonstration de l'infraction de corruption passive, la mise en examen ne saurait par conséquent être soumise à l'existence d'autres indices que ceux relatifs à cette offre d'avantage " ; qu' " il ressort de l'information que la Banque Hervet a consenti à la SCCV Vendôme des prêts et ouvertures de crédit pour un montant total de 8 800 000 francs aux fins de permettre l'acquisition et l'aménagement de l'immeuble sis 64 avenue du Peuple Belge à Lille, lesdits concours étant accordés moyennant une inscription hypothécaire sur l'immeuble en cause et la caution personnelle de Patrice et Jacky A... ; que le 20 octobre 1995 le tribunal de grande instance de Paris prononçait la liquidation judiciaire de la SCCV Vendôme et désignait Me B... en qualité de liquidateur ; que la banque Hervet déclarait une créance principale et intérêts de 11 220 252,70 francs " ; que " préalablement à la procédure de redressement et de liquidation judiciaire de la SCCV Vendôme, la Banque Hervet avait engagé en juin 1994 une procédure de saisie immobilière de l'immeuble gagé et obtenu, le 7 décembre 1994, sa vente judiciaire pour un montant de 4 250 000 francs ; à la suite de la défection de l'adjudicataire, le tribunal de grande instance de Lille ordonnait, le 21 juin 1995, une nouvelle mise en vente sur folle enchère, laquelle était suspendue dans l'attente de la décision consécutive à l'action en résolution de la vente engagée par la SARL "CDF", adjudicataire défaillant " ;

que " la Banque Hervet était informée par courrier du 25 mai 1995 de l'intérêt porté par Bernard X... à l'immeuble sis 64 avenue du Peuple belge à Lille ; elle acceptait la demande de report de la vente de l'immeuble sur folle enchère que celui-ci sollicitait dans le même courrier aux fins de lui permettre d'en faire la visite " ; que " le 4 juillet 1995, la Banque Hervet rejetait au motif de l'insuffisance du prix proposé l'offre d'achat de l'immeuble pour un montant de 3 millions de francs faite par la SARL CDF, dans cette même note interne elle soulignait que le tribunal n'avait pas accepté de surseoir à la vente sur folle enchère en dépit de la procédure pendante en annulation de la vente sur adjudication (D 509) " ; que " lors d'une réunion tenue avec Me B... le 1er avril 1996, dont le compte était établi le 3 avril suivant, la Banque Hervet faisait valoir au liquidateur qu'un prix de vente de l'immeuble à 3 millions de francs était trop bas et qu'une offre à 3,5 millions de francs serait susceptible d'être examinée par elle ; elle taisait cependant à Me B... ses contacts avec Bernard X... à propos de cette cession (D 588) " ;

que " le 24 octobre 1996 le comité immobilier de la Banque Hervet estimait à au moins 2,5 millions de francs la valeur de l'immeuble " ; que " le 7 novembre 1996, la Banque Hervet recevait de Bernard X... une offre de rachat de la créance pour un prix de 2,2 millions de francs ; dans le compte-rendu de cette réunion établi le même jour (D 626), le représentant de la banque à cette réunion faisait valoir que si cette proposition était d'un montant inférieur au prix plancher, il était cependant tenté d'accepter cette offre au motif qu'il avait compris du message de Bernard X... qu'à défaut d'accord, la banque aurait les plus grandes difficultés à régler de manière convenable et rapide les dossiers actuels et futurs relevant de la responsabilité de Bernard X... ; sa suggestion était retenue " ; qu'" il ressort des documents saisis et de l'audition des cadres et responsables de la Banque Hervet que cet établissement financier avait le souci de ménager tout à la fois ses intérêts financiers dans le dossier de liquidation SCCV Vendôme et ceux intéressant les liquidations Y... et Z... portant sur des enjeux financiers plus importants que le dossier Vendôme et que les négociations conduites à ce propos avec Bernard X... furent, selon les propos tenus par les représentants de la banque, difficiles parce que soumises aux enjeux fixés par Bernard X... ainsi que par les responsabilités professionnelles de l'intéressé et sa capacité de nuire aux intérêts de la banque " ; qu' " il apparaît, en outre, que le prix de cession par la Banque Hervet de sa créance se situe à un prix très nettement inférieur à celui qu'elle avait indiqué au liquidateur de la SCCV Vendôme et inférieur à celui offert par Bernard X... et qu'elle avait accepté à la suite de la réunion du 7 novembre 1996 " ; qu' " il apparaît, enfin, que le prix en définitive retenu (1,950 millions de francs) est plus proche de celui offert par Bernard X... le 23 octobre 1996 (1,8 millions de francs) que de celui pourtant retenu le lendemain par le comité immobilier de la banque (2,5 millions de francs), sans que la Banque Hervet puisse valablement se retrancher derrière le motif d'une expertise de la valeur de l'immeuble laquelle, fût-elle ordonnée par une juridiction, ne l'avait été qu'à la demande de Bernard X... et n'était pas opposable à la banque Hervet dans le cadre de la négociation " ;

qu' " il résulte de l'information que la Banque Hervet a eu, dès 1995, le souci de ménager les intérêts de Bernard X... en acceptant sa demande de report de la procédure de vente sur folle enchère de l'immeuble sis 64, avenue du Peuple Belge à Lille et en cachant par ailleurs à Me B..., liquidateur de la SCCV Vendôme, ses contacts avec Bernard X... à propos de la cession de sa créance hypothécaire sur ladite société Vendôme, et que la cession consentie par elle de sa créance hypothécaire a été exclusivement motivée par les avantages attendus en retour de ce liquidateur judiciaire " ; qu' " il apparaît que ces éléments constituent des indices graves et concordants justifiant que le juge d'instruction ait considéré devoir mettre en examen la SA Banque Hervet du chef de corruption active " ;

"alors, d'une part, qu'en vertu de l'article 80-1 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut mettre en examen une personne que s'il existe à son encontre des indices graves ou concordants de participation à l'infraction ; que, dès lors, il lui appartient de constater des indices graves ou concordants des différents éléments constitutifs de l'infraction ; qu'en espèce, il appartenait donc aux juges de constater qu'il existait des indices graves ou concordants non seulement de l'offre d'un avantage, mais également de l'engagement du corrompu d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, et du lien de causalité entre ces deux faits ; que s'agissant de l'offre d'un avantage, la chambre de l'instruction constate seulement que la créance hypothécaire a été cédée par la Banque Hervet au prétendu corrompu pour un prix inférieur à celui qu'elle avait initialement envisagé ; qu'elle ne mettait ainsi en évidence aucune offre d'avantage ;

qu'au contraire, il avait été soutenu dans la requête déposée pour la prévenue que le prix de cession de la créance correspondait à celui qui pouvait être déduit de deux expertises, dont une expertise judiciaire faite à la demande du prétendu corrompu ; que la suspension de la vente sur folle enchère et le fait que le liquidateur de la SCCV Vendôme n'avait pas été averti des transactions portant sur la cession de créance ne constituaient pas non plus des indices d'une offre d'avantage, ces faits étant antérieurs à la proposition de corrompre faite au cours de la réunion du 7 novembre 1996 selon la chambre de l'instruction ; qu'ainsi, aucun indice, et a fortiori aucun indice grave ou concordant d'une offre d'avantage au prétendu corrompu n'a pu être constaté par la chambre de l'instruction ;

"alors, d'autre part, que, pour retenir l'existence d'indices du but de la corruption, la chambre de l'instruction s'appuie sur le compte-rendu d'une réunion entre les représentants de la société Banque Hervet et Bernard X... selon laquelle l'un des représentants de la société avait affirmé qu'il était tenté d'accepter la proposition de rachat de la créance de la banque à un prix inférieur à celui qui avait été initialement envisagé ; qu'un tel indice ne constitue pas un indice grave ou des indices concordants du but de la corruption ;

"alors, en tout état de cause, que la corruption implique que le corrompu s'engage à accomplir un acte de sa fonction ou à ne pas accomplir un acte de sa fonction en échange de l'avantage proposé ou demandé ; qu'elle ne peut résulter du fait pour une personne chargée d'une mission de service public de demander un avantage afin qu'elle ne s'abstienne pas d'accomplir un acte de sa fonction ; que, dans ce cas, la personne sollicitée par la personne chargée d'une mission de service public est une victime de ce comportement et non l'auteur de l'infraction ; que l'infraction de corruption est d'autant moins constituée dans ce cas que l'avantage demandé n'a pas pour but l'accomplissement d'un acte ou l'abstention dans l'accomplissement d'un acte et, qui plus est, d'un acte ou d'une abstention qui n'aurait pas eu lieu sans l'avantage demandé ; qu'en l'espèce, en s'appuyant sur les affirmations d'un représentant de la société Banque Hervet qui faisait part des menaces à peine voilées du liquidateur de bloquer l'admission des créances de la banque dans les procédures dans lesquelles il était désigné, il n'est constaté aucun indice d'un engagement d'accomplir un acte de la fonction ou de s'abstenir d'accomplir un acte de la fonction de la part du liquidateur, mais éventuellement un engagement de ne pas bloquer des procédures collectives en cours en refusant d'accomplir un acte de sa fonction ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction n'a pu relever aucun indice du but de la corruption" ;

Attendu que, pour refuser d'annuler la mise en examen de la Banque Hervet qui soutenait que cet acte ne répondait pas aux exigences de l'article 80-1 du Code de procédure pénale, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a procédé, sans insuffisance ni contradiction, au contrôle des indices graves ou concordants de nature à permettre, au regard de l'infraction de corruption active, la mise en examen décidée par le juge d'instruction, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-82264
Date de la décision : 29/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, 11 février 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jui. 2005, pourvoi n°05-82264


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:05.82264
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