AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° M 04-40529 à S 04-40534 ;
Attendu que, par jugement du 29 avril 1996, le tribunal de commerce de Marseille a arrêté le plan de cession de la société Clinique C..., qui prévoyait notamment le licenciement de huit salariés ; qu'ayant relevé appel de cette décision, les administrateurs judiciaire de la société Clinique C... ont demandé au premier président de la cour d'appel d'arrêter l'exécution provisoire du jugement ; que cette requête ayant été rejetée par ordonnance du 6 juin 1996, ils ont notifié leur licenciement économique à huit salariés ;
Sur le second moyen, commun aux pourvois :
Attendu que les commissaires à l'exécution du plan font grief aux arrêts attaqués d'avoir mis hors de cause l'AGS alors, selon le moyen, que l'article L. 623-9 du Code de commerce prévoit qu'en cas d'appel du jugement statuant sur la liquidation judiciaire ou arrêtant le plan de continuation ou de cession et lorsque l'exécution provisoire est arrêtée, la période d'observation est prolongée jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel ;
que l'ordonnance statuant sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire marque le point de départ du délai, soit de la prolongation de la période d'observation, soit de son arrêt définitif entraînant la liquidation ou la cession de l'entreprise et les licenciements des salariés ; qu'en excluant, en l'espèce, la garantie de l'AGS au seul motif qu'il résultait de l'article L. 623-9 que le législateur aurait exclu, pour prolonger la période d'observation et donc suspendre le délai d'un mois prévu par l'article L. 621-64 du Code de commerce, l'hypothèse où le premier président de la cour d'appel saisi sur le fondement de l'article 155 du décret du 27 décembre 1985, aurait rejeté la demande d'exécution provisoire, la cour d'appel, qui a donné à ce texte une portée qu'il n'avait pas, en a violé les dispositions ;
Mais attendu que seule une ordonnance du premier président arrêtant l'exécution provisoire du jugement qui adopte le plan de redressement peut avoir pour effet de prolonger la durée de la période d'observation et, par-là, de différer la notification des licenciements prévus dans le jugement ; que la cour d'appel, qui a constaté que la requête des administrateurs judiciaires tendant à obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire avait été rejetée, a ainsi légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen, commun aux pourvois, pris en sa seconde branche :
Vu les articles L. 122-14-2 du Code du travail et L. 621-64 du Code de commerce ;
Attendu que, pour dire que les licenciements étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que les licenciements notifiés après l'expiration du délai prévu par l'article L. 621-64 du Code de commerce sont soumis à la procédure de licenciement économique de droit commun ; que les licenciements ayant été notifiés plus d'un mois après le jugement qui arrêtait le plan de cession, les lettres de notification devaient mentionner les raisons économiques prévues par la loi et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail, l'énoncé d'un motif imprécis équivalant à une absence de motif ; que les lettres de licenciement, qui se bornaient à faire état de la cession de l'entreprise et du voeu du repreneur de ne pas poursuivre les contrats de travail n'étaient pas suffisamment motivées au regard des prescriptions légales et jurisprudentielles ; et qu'à supposer que la procédure de licenciement économique de droit commun ne fut pas applicable, cette motivation était également insuffisante, en ce que le jugement arrêtant le plan n'était cité que par référence à la cession et en ce qu'il donnait pour cause du licenciement le souhait du repreneur et non la décision de justice ;
Attendu, cependant, d'une part, que l'inobservation du délai imparti à l'administrateur judiciaire pour notifier les licenciements prévus dans le jugement qui arrête le plan de cession, constitue une irrégularité de forme et n'a pas pour conséquence de priver d'effet l'autorisation de licenciement contenue dans le jugement ; d'autre part, que la lettre de licenciement est suffisamment motivée lorsqu'elle fait référence au jugement qui arrête le plan et autorise des licenciements ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations, que le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce autorisait des licenciements et que les lettres de licenciement renvoyaient à ce jugement, peu important le motif inopérant pris de la volonté du cessionnaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, qui ne serait pas de nature à elle seule à permettre l'admission des pourvois :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils ont mis l'AGS hors de cause, les arrêts rendus le 18 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille cinq.