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04/10/2005 | FRANCE | N°04-84199

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 octobre 2005, 04-84199


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle VINCENT et OHL et de Me BLONDEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- de X... Gérard,

- Y... Jean-Louis,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date d

u 1er juin 2004, qui, pour homicide involontaire, les a condamnés, chacun, à 8 mois d'empriso...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle VINCENT et OHL et de Me BLONDEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- de X... Gérard,

- Y... Jean-Louis,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 1er juin 2004, qui, pour homicide involontaire, les a condamnés, chacun, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de Jean-Louis Y... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Gérard de X... :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard de X... coupable d'homicide involontaire et, en répression, l'a condamné à la peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que Gérard de X... est poursuivi pour homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité prévue par l'arrêté du 2 août 1985 ; que ledit arrêté, relatif aux garanties de technique et de sécurité des centres et écoles de voile, pose un certain nombre de règles, notamment de sécurité, que doivent respecter les centres nautiques et écoles de voile, dont celle de l'article 5 : " les centres et écoles de voile doivent disposer pour toute sortie sur plan d'eau d'un enseignant qualifié au moins par groupe de 10 dériveurs légers ou planches à voile" ; que le non-respect de cette obligation, dont de surcroît le caractère manifestement délibéré n'est pas démontré, ne saurait s'appliquer à Gérard de X..., n'appartenant pas au centre nautique, en tant qu'inobservation d'un règlement ; que pour autant, la règle posée par l'arrêté précité répond à des exigences de sécurité évidentes que nul ne peut ignorer, une seule personne ne pouvant exercer efficacement une surveillance que sur un certain nombre de dériveurs ; que l'inapplicabilité d'un texte à un prévenu, empêchant que puisse lui être reprochée une violation particulière d'une règle de prudence ou de sécurité, n'exclut pas que soit retenue contre lui, le cas échéant, une faute caractérisée ; que le prévenu Gérard de X..., ayant été invité à s'expliquer sur ce point, il y a lieu de rechercher s'il a commis une imprudence, une négligence, ou une inattention en relation de causalité avec l'accident, et plus précisément de déterminer s'il a accompli les diligences normales lui incombant, compte tenu de la nature de sa mission et de sa fonction, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, et s'il a causé indirectement le dommage en ne prenant pas les mesures qui eussent permis d'éviter le dommage et a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'il n'est pas contesté que Gérard de X... a seul pris en charge sur l'eau ses jeunes élèves sur 11 dériveurs, en tant qu'enseignant qualifié ; qu'il est constant que Mme Z... n'avait aucune compétence en la matière ; qu'il ne peut valablement soutenir qu'il y avait en réalité 3 enseignants pour 25 dériveurs (ceux du lycée Jules Ferry et ceux de l'école Saint-Gabriel), puisqu'il est établi que les deux moniteurs de la base nautique qui étaient en train de rentrer au port ne s'occupaient que de l'école Saint-Gabriel ; que ceci est tellement vrai qu'aucun des deux n'a vu l'accident, y compris M. A... qui a seulement été alerté par Gérard de X... ; que le fait que des enfants chavirent lors des séances de voile n'est ni exceptionnel ni imprévisible ; qu'il appartient à celui qui les surveille, en cas d'incident de ce type, de vérifier aussitôt la réaction de l'enfant ; qu'en l'espèce, les écoliers, s'agissant du premier cours d'initiation à la voile, n'avaient aucune expérience en la matière ;

que ni Gérard de X..., ni sa collègue, ne regardaient ce qui se passait derrière eux, puisqu'il résulte des déclarations des enfants qu'ils n'ont pas vu "l'optimist" d'Audrey chavirer et que Gérard de X... n'a été alerté que par des cris, après que les enfants, dans la mesure de leurs maigres possibilités, aient essayé de sauver celle-ci ; que s'il est difficile, surtout pour de jeunes témoins, d'apprécier de façon précise le temps qu'il a fallu à Gérard de X... pour intervenir, il est certain qu'il ne l'a pas fait de façon immédiate ; que la jeune Audrey s'est d'abord retrouvée coincée sous la coque, puis a réussi à se dégager et, semble-t-il, à faire quelques brasses ; que Gérard de X... ne pouvait ignorer que les noyades sont souvent provoquées par un état de panique, phénomène encore plus fréquent chez de jeunes enfants ; qu'en assurant seul, en tant que personne qualifiée, la surveillance de ses élèves, de façon manifestement insuffisante, il n'a pas été en mesure de réagir suffisamment rapidement au moment où la jeune Audrey est tombée à l'eau et a de toute évidence paniqué ; que ce faisant, il l'a privée de toute chance de survie ; qu'il n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la nature de sa mission et de ses fonctions, de sa compétence ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ;

qu'il a causé indirectement le décès de la victime en ne prenant pas les mesures qui eussent permis d'éviter le dommage et a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer en tant que professionnel, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal l'a déclaré coupable du délit d'homicide involontaire prévu par l'article 221-6 alinéa 1er du Code pénal, en écartant la circonstance aggravante de violation manifestement délibérée du règlement (arrêt, pages 10 et 11) ;

"alors que tout jugement doit comporter les motifs propres à le justifier ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; que dans ses conclusions d'appel (pages 7 et 8), Gérard de X... avait expressément fait valoir qu'il n'existait aucun lien de cause à effet, même indirect, entre l'absence d'un second moniteur et la survenance de l'accident, dès lors que celui-ci n'aurait pu empêcher ni le chavirage, qui est un incident habituel, ni le décès de l'enfant, victime d'une anoxie cérébrale laquelle, survenue en moins de deux minutes, était la conséquence d'une détresse respiratoire et non de l'inhalation d'une grande quantité d'eau, de sorte que seule une oxygénothérapie sur le bateau même aurait pu être efficace ;

qu'en se bornant à énoncer qu'en assurant seul la surveillance des élèves, Gérard de X... n'avait pas été en mesure de réagir suffisamment rapidement au moment où la jeune Audrey était tombée à l'eau, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel du prévenu, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 28 septembre 1993, Gérard de X..., professeur d'éducation physique dans un lycée de Marseille, a donné un cours d'initiation à la voile aux vingt et un élèves d'une classe de sixième dans un centre nautique de la ville dirigé par Jean-Louis Y... ; qu'à la fin de ce cours, pendant que, pilotant une embarcation à moteur dans laquelle se trouvait également un professeur de biologie, il remorquait les onze dériveurs pour rentrer à la base, l'un de ceux-ci, éperonné par un autre, a chaviré ; que son unique occupante, Audrey B..., est tombée à l'eau, et a été victime d'un arrêt cardio-respiratoire avant d'être secourue par les deux enseignants ; qu'elle est décédée le 13 octobre 1993 ; que Gérard de X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir, en violant de façon manifestement délibérée l'obligation de disposer, pour toute sortie sur plan d'eau, d'un enseignant qualifié au moins par groupe de 10 dériveurs légers, prévue par l'arrêté du 2 août 1985 alors applicable, involontairement causé la mort d'Audrey B... ;

Attendu que, pour déclarer Gérard de X... coupable d'homicide involontaire, l'arrêt retient que, s'il ne peut se voir reprocher d'avoir délibérément violé l'obligation particulière de sécurité et de prudence que le règlement visé à la prévention ne mettait à la charge que des centres et écoles de voile, il a, en exerçant seul, avec l'assistance d'une collègue non qualifiée, une surveillance insuffisante d'un groupe de vingt et un enfants qui n'avaient aucune expérience de la navigation et dont il savait qu'ils étaient exposés à des réactions de panique, commis une faute caractérisée, exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'ils ajoutent que cette faute, qui ne lui a pas permis de prendre avec une rapidité suffisante les mesures permettant d'éviter la noyade de la victime, entretient un lien de causalité certain avec le dommage ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Le Corroller conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84199
Date de la décision : 04/10/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute caractérisée - Applications diverses - Professeur d'éducation physique.

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Faute - Faute caractérisée - Applications diverses - Professeur d'éducation physique

ENSEIGNEMENT - Responsabilité pénale - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute caractérisée - Cas

Justifient leur décision les juges qui, pour déclarer coupable d'homicide involontaire un professeur d'éducation physique, retiennent que la faute caractérisée qu'il a commise, en exerçant seul avec l'assistance d'une collègue non qualifiée, au cours d'un stage d'initiation à la voile, une surveillance insuffisante sur un groupe de vingt et un enfants, embarqués sur onze dériveurs légers, dont il savait qu'ils n'avaient aucune expérience de la navigation et qu'ils étaient exposés à des réactions de panique, entretient un lien de causalité certain avec la noyade et le décès de l'un deux.


Références :

Code pénal 121-3, 221-6

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 01 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 oct. 2005, pourvoi n°04-84199, Bull. crim. criminel 2005 N° 251 p. 883
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 251 p. 883

Composition du Tribunal
Président : M. Farge, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: M. Blondet.
Avocat(s) : la SCP Vincent et Ohl, Me Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.84199
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