AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que lors de la nomination de M. X... aux fonctions de directeur général de la SA Ciments français (la société), le conseil d'administration a désigné un comité, composé de deux administrateurs pour fixer les conditions générales de sa rémunération et de sa retraite ; que ce comité lui a adressé une lettre lui garantissant le versement d'un complément de retraite s'il ne quittait pas volontairement la société avant l'âge convenu de la retraite, fixé à 65 ans ; qu'à la suite de la nomination de M. X... en qualité de président, le 17 juin 1988, le comité lui a fait savoir, par un document intitulé "décision", qu'il lui était garanti, sous la même condition que précédemment, un montant minimum annuel de ressources d'un certain montant jusqu'à 70 ans, puis réduit au delà ; que dans sa séance du 22 novembre 1991, le conseil d'administration a confirmé les décisions du 17 juin 1988 relatives au complément de retraite de son président ; que M. X... a démissionné de ses fonctions de président du conseil d'administration le 7 octobre 1992, à la cessation de son mandat de président, redevenant cadre supérieur au sein de la société ; que le 5 novembre 1992, il a été licencié ; qu'ayant atteint l'âge de 65 ans, il a sollicité le versement du complément de retraite ; que la société lui a opposé un refus en raison de l'irrégularité de la décision du conseil d'administration et en l'absence de justification par les services rendus lors de son mandat ; que M. X... a assigné la société en paiement des sommes échues représentant le complément de retraite et en exécution de son obligation née de la délibération du 22 novembre 1991 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 225-47 du Code de commerce ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que, ayant reçu, le 26 février 1988, mandat du conseil d'administration de la société de fixer pour les mandataires sociaux des dispositions de garantie de retraite, deux administrateurs ont, suivant décision du 17 juin 1988, déterminé les modalités de la garantie de retraite dont bénéficiera M. X... lorsqu'il aura atteint l'âge de 65 ans, que, s'il s'est contenté lors de sa réunion du 17 juin 1988 de constater que les deux administrateurs ont arrêté les conditions de la rémunération de M. X..., le conseil d'administration a, dans sa séance du 22 novembre 1991, expressément délibéré dans les termes suivants : "à cette occasion, le conseil d'administration confirme les décisions du 17 juin 1988 proposées par les administrateurs désignés à cet effet et concernant le complément de retraite du président Pierre X...", qu'il relève encore qu'il apparaît que le conseil d'administration s'est le 22 novembre 1991, régulièrement prononcé sur la garantie de retraite octroyée à son président en donnant plein effet aux propositions faite par le comité ad hoc désigné à cette fin le 26 février 1988 et qu'en confirmant ces propositions, les administrateurs ont nécessairement délibéré sur le montant et sur les modalités du complément de retraite tels que précisés dans les décisions du comité du 17 juin 1988 ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la rémunération allouée au président, notamment sous la forme d'un complément de retraite, doit faire l'objet d'une délibération du conseil d'administration sur son montant et ses modalités, et que la confirmation, par simple référence, à une décision prise par deux administrateurs même mandatés à cet effet, ne peut suppléer à la décision du conseil d'administration, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 225-47 du Code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société, l'arrêt retient que l'obligation contractée par la société le 22 novembre 1991, en consentant un complément de retraite à M. X..., trouve sa cause dans les services particuliers rendus par lui en sa qualité de dirigeant social, qu'à la date de son prononcé, aucun fait imputé à M. X... n'a reçu de qualification pénale ayant justifié sa condamnation des chefs des poursuites dirigées contre lui et qu'il n'est pas davantage démontré que l'option alors prise par ce dirigeant en faveur d'importants investissements industriels et d'une diversification à l'échelle internationale des produits de la société se serait révélée contraire aux intérêts commerciaux et financiers à moyen et long terme de la société ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans caractériser les services rendus par le dirigeant social qui seraient de nature à justifier l'octroi d'un complément de retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille cinq.